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mercredi, 03 juillet 2024

Maurice Bardèche et la race à prix unique

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Maurice Bardèche et la race à prix unique

Nicolas Bonnal

Tous nous savons ce que sont devenues nos rues à Paris, Londres, Berlin. On sait aussi qu’il est trop tard et que les gens s’en foutent (sauf Zemmour, le pauvre). Trotta a transmis une vidéo comparative entre les rues de New York en 1930 (époque de Céline) et 2023. On vous laisse juger.

https://x.com/silvano_trotta/status/1808067308524360054

Trotta, qui n’est pas une lumière, limite cela à la malbouffe: mais il y eut un « grand remplacement » (notion fictive-conspirative comme on sait) aussi, favorisé par les Kennedy du reste (voyez Alien nation, par l’anglo-américain Peter Brimelow, journaliste repenti du WSJ, et la fin du goût et de la culture en tout, notamment en mode. Comparez même un film de l’époque d’Eisenhower avec celle de Biden et découvrez mon livre sur la Comédie musicale ou ma Destruction de la France au cinéma – car la France et les USA sont les deux pays où tout s’est passé le plus vite – en prime time comme on dit.

Oublions le défilé de monstres, de trumeaux, de cageots, comme on disait dans ma jeunesse. Et revenons-en aux maîtres.

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Céline en parlait ainsi des belles américaines dans le Voyage :

« J’attendis une bonne heure à la même place et puis de cette pénombre, de cette foule en route, discontinue, morne, surgit sur le midi, indéniable, une brusque avalanche de femmes absolument belles. Quelle découverte ! Quelle Amérique ! Quel ravissement ! Souvenir de Lola ! Son exemple ne m’avait pas trompé ! C’était vrai ! Je touchais au vif de mon pèlerinage. Et si je n’avais point souffert, en même temps des continuels rappels de mon appétit je me serais cru parvenu à l’un de ces moments de surnaturelle révélation esthétique. Les beautés que je découvrais, incessantes, m’eussent avec un peu de confiance et de confort ravi à ma condition trivialement humaine. Il ne me manquait qu’un sandwich en somme pour me croire en plein miracle. Mais comme il me manquait le sandwich ! Quelles gracieuses souplesses cependant ! Quelles délicatesses incroyables ! Quelles trouvailles d’harmonie ! Périlleuses nuances ! Réussites de tous les dangers ! De toutes les promesses possibles de la figure et du corps parmi tant de blondes ! Ces brunes ! Et ces Titiennes ! Et qu’il y en avait plus qu’il en venait encore ! C’est peut-être, pensais-je, la Grèce qui recommence ? J’arrive au bon moment ! »

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Après il y eut une certaine guerre avec une certaine défaite et ses conséquences certaines. Et voici comment Bardèche en parle dans sa Terre promise ; c’est qu’il n’y aura plus de patries et plus de droit patriote :

« Car telle est, en vérité, la condition de l'homme après la déposition des patries. On soutient par pression les régimes qui ouvrent largement la cité à l'étranger. On exige que ces étrangers reçoivent les mêmes droits que les habitants du pays et on condamne solennellement toute tentative de discrimination. Puis on ne reconnaît pour régulière qu'une manière d'opiner purement numérique. Avec ce système, quelle cité ne sera pas, en un temps donné, soumise par une conquête pacifique, submergée par une occupation sans uniforme et offerte finalement au règne de l’étranger ? Le point final est atteint ici. Les différences nationales seront peu à peu laminées. La loi internationale s'installera d'autant mieux que la loi indigène n'aura plus de défenseurs. »

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Donc après on construit une population d’un certain type que l’on peut apprécier partout  maintenant qu’il ne sert plus rien de voyager :

« Et d'un bout à l'autre du monde, dans des villes parfaitement pareilles puisqu'elles auront été reconstruites après quelques bombardements, vivra sous des lois semblables une population bâtarde, race d'esclaves indéfinissable et morne, sans génie, sans instinct, sans voix. L'homme déshydraté régnera dans un monde hygiénique. D'immenses bazars résonnants de pick-up symboliseront cette race à prix unique. Des trottoirs roulants parcourront les rues. Ils transporteront chaque matin à leur travail d'esclave la longue file des hommes sans visage et ils les ramèneront le soir. Et ce sera la terre promise. »

Debord que l’on ne peut accuser de racisme ou autre écrit dans sa Société du Spectacle :

« Sous-produit de la circulation des marchandises, la circulation humaine considérée comme une consommation, le tourisme, se ramène fondamentalement au loisir d'aller voir ce qui est devenu banal. L'aménagement économique de la fréquentation de lieux différents est déjà par lui-même la garanti de leur équivalence. La même modernisation qui a retiré du voyage le temps, lui a aussi retiré la réalité de l'espace. »

Le niveau de connerie actuel est telle que des lignes comme celles-ci ne peuvent plus être comprises.

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Bardèche poursuit lui sa vision du futur. En 45 on peut dire qu’il nous restait quinze ans à vivre : De Gaulle-Chirac-Giscard ici, Kennedy là-bas, les travaillistes GB ensuite (Blair notamment qui joue un rôle eschatologique, comme Macron) allaient y mettre bon ordre ; il y aura un Etat global et pas d’Etat local. Les peuples et patries n’étant pas protégés seront vite anéantis et remplacés – avec plus personne (et surtout pas Trump ou le RN) pour les défendre :

« Les gérances nationales que nous décrivions tout à l'heure prennent dans cette perspective leur véritable signification: les Etats ne seront plus que les arrondissements administratifs d'un seul Empire. Et d'un bout à l'autre du monde, dans des villes parfaitement pareilles puisqu'elles auront été reconstruites après quelques bombardements, vivra sous des lois semblables une population bâtarde, race d'esclaves indéfinissable et morne, sans génie, sans instinct, sans voix. L'homme déshydraté régnera dans un monde hygiénique. »

J’aime cette idée de bombardement. En effet cela marche très bien. Il sert à anéantir ou à étourdir. Plutarque en parle de ce bruit qui sert à abrutir une armée avant de l’écraser (voyez la vie de Crassus). Et Bardèche ajoute :

« D'immenses bazars résonnants de pick-up symboliseront cette race à prix unique. Des trottoirs roulants parcourront les rues. Ils transporteront chaque matin à leur travail d'esclave la longue file des hommes sans visage et ils les ramèneront le soir. Et ce sera la terre promise. Ils ne sauront plus, les usagers du trottoir roulant, qu'il y eut jadis une condition humaine. Ils ne  sauront pas ce qu'étaient nos cités, quand elles étaient nos cités : pas plus que nous ne pouvons imaginer ce qu'étaient Gand ou Bruges au temps des échevins. Ils s'étonneront que la terre ait été belle et que nous l'ayons aimée passionnément. »

Au-dessus domineront quelques logos et slogans, comme dans Blade runner (qui reste avec 2001 le seul film essentiel, pour quarante raisons, voyez mon Ridley Scott) :

« Eux, la conscience universelle propre, théorique, découpée en rondelles, illuminera leurs ciels. Mais ce sera la terre promise. »

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Dégagés des peuples on pourra adorer l’abstraction avec le pognon :

« Et au-dessus régnera en effet la Personne Humaine, celle pour qui on a fait cette guerre, celle qui a inventé cette loi. Car enfin, on a beau dire, il y a une Personne Humaine. Ce n'est pas les Allemands de la Volga, ce n'est pas les Baltes, ce n'est pas les Chinois, ce n'est pas les Malgaches, ce n'est pas les Annamites, ce n'est pas les Tchèques, ce n'est pas les prolétaires, bien entendu. »

Parce qu’il est important de le dire aucun pays n’aura plus le droit de vivre. Sauf quelques-uns… On poursuit :

« La Personne Humaine est, en outre, habituellement munie d'un passeport international, d'une autorisation d'exportation, d'une dispense d'impôt et du droit de réquisitionner les appartements. Ajoutons que la Personne Humaine ainsi définie est tout spécialement dépositaire de la conscience universelle : elle en est, pour ainsi dire, le vase d'élection. Elle possède pour cela des organes d'une sensibilité exquise qui manquent aux autres hommes : ainsi dans le pays où elle vient d'arriver, elle désigne avec sûreté les véritables patriotes et détecte à une grande distance les organismes réfractaires aux vibrations de la conscience universelle. »

Inutile d’insister.

Maurice Bardèche, Nuremberg ou la terre promise.

dimanche, 30 juin 2024

Elections et centrisme exterminateur

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Elections et centrisme exterminateur

Nicolas Bonnal

Il faut gouverner au centre et il faut diaboliser le reste, le rejeter dans les limbes. On en revient comme toujours aux années Giscard, ce vrai inspirateur de Macron, bien plus que l’autre initié, Mitterrand.

Comme a dit un crétin à l’indéboulonnable Ruth K. : « Il y a deux partis diaboliques dans cette élection ».

Les deux satanistes qu’il faudrait exterminer – que l’on exterminerait comme des non-vaccinés dans un monde meilleur- ce sont les extrêmes, c’est-à-dire la droite et la gauche, ou pour mieux dire la vraie droite et la vraie gauche (comme disait notre ami Shamir en 2016 quand on espérait un choc entre Trump et Sanders). Ce qui est gentil, ce qui est bon, ce qui est catho-crétin-démocrate et petit vieux, libéral-social-mondial à la sauce Draghi, et UDF au bon vieux sens du terme, c’est Macron, Sunak, Biden, Leyen et tout le reste. Scholz sera remplacé par la catho CDU qui sera encore plus centriste que lui : plus de guerre, plus d’insectes, plus de contrôle numérique, plus de racisme antirusse ou chinois, plus de tout cela, et plus d’obéissance au parapluie US. Car on n’en sort pas de ce centre qui est un cercle dantesque de l’enfer métapolitique occidental. Je crois qu’on en parlait déjà aux heureux temps de la Révolution : le marais on disait. Hitler aussi était le centriste du NSDAP entre les féodaux, les nationalistes et les Strasser : on a vu où ça mène le centre. Un coup à gauche (URSS), un coup à droite (France-Occident). D’ailleurs l’idole des jeunes Poutine est aussi un centriste dénoncé comme tel par Paul Craig Roberts : avec ses ronds-de-jambes il nous mène rondement à la troisième guerre mondiale. Chez lui c’est German Graf qui triomphe, pas le simulacre Douguine. Et les leaders des Brics ? Des centristes aussi : Modhi, Lula, les émirats, ils adorent eux aussi écouter l’ONU, les labos, les GAFAM, le FMI…

Dans le journal Haaretz présumé de gauche (en fait c’est centre-gauche comme Libé ou Le Monde, ou le Guardian UK acheté par Fink et les fonds de pension US et bien calmé depuis) on lisait ces jours-ci :

« De Farage à « l’effet Gaza » : les extrémistes de la politique sectaire décideront-ils des élections britanniques ?

Xénophobes de droite et renégats de gauche, torrents de TikToks, « guerrier intergalactique » et campagne pour un vote musulman coordonné : les candidats indépendants et marginaux à travers le Royaume-Uni espèrent attirer des électeurs éloignés de la politique dominante. Ils pourraient avoir un impact le 4 juillet… »

Le renégat de gauche on l’a compris c’est celui qui manifeste contre CE QUI NE SE PASSE PAS à Gaza (car plus on est centriste plus on est hypnotisé ou anesthésié contre toutes sortes de phénomènes, la pauvreté, la pollution à l’éolienne, le prix de la caisse électrique, le nombre de migrants, les guerres folles et innombrables de l’Otan, les règlements de Bruxelles, etc.). Je rappelle que Biden est tout sauf de gauche. Il incarne le centre : pas de sexe, pas de religion (cf. Bergoglio), pas de nation, pas de race, pas de variété mais un bon gros monde sous commande milliardaire et techno-US. D’ailleurs la femelle Gates le soutient pour la prochaine campagne avec les labos pharmaceutiques (remarquez, le vrai/faux rebelle Trump ne fut pas très fameux, mais c’est une autre histoire).

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Répondons à Haaretz donc. Oui, depuis quand des extrémistes devraient-ils voter ? Les musulmans sont fâchés avec Sunak et les conservateurs, comment pourrait-on leur accorder le droit de vote ? Idem le génocide et l’infanticide de Gaza est une manifestation d’humanisme centriste, comme Hiroshima ou le reste, comme le confinement ou la vaccination globale obligatoire, il faut en prendre acte. La très humaniste et «national-sioniste» chaîne CNews (j’ai gardé le bandeau) avait fait venir le maire de Nice pour lui demander comment on pouvait se débarrasser des non-vaccinés (ils voulaient dire quoi : les asphyxier, les égorger, les manger ?) que ne lui demande-t-on de nous débarrasser à ce maire des non-électeurs de Macron ? Voilà où nous en sommes avec ces centristes. Ils sont le centre de la terre. Voyez des immortels comme Bourlanges ou comme Bayrou, voyez le centriste Schwab de Davos, plus bourgeois moliéresque et technophile que jamais, le modèle de Paul Nizan : il est le centre du monde, le reste doit crever, fût-ce à l’article 16 comme les médias nous l’ont déjà appris tout guillerets, eux qui sont nourris de la graisse de contribuables-endettés et protégés par les grippeminauds milliardaires (eux sont victimes d’un cabale de jaloux ! Voyez l’émission sur Youtube !).

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Martyanov nous apprenait ce matin que le centriste (car russophobe et démocrate quelque chose, chrétien, crétin ou social) Danemark imposait de facto les insectes dans nos assiettes. Car pourquoi se gêner ? Il faut se débarrasser de l’humanité diabolique comme des partis diaboliques, et rappelait, comme fait la presse, que sous la pluie le réchauffement veille et que nous contribuons par notre respiration (tiens, tiens…) au réchauffement climatique.

J’ai parlé de Nizan et je reprends mon texte :

« Après Nizan se montre visionnaire. Le bourgeois-Jules-Verne, coincé dans son avion, son building ou son condominium, voit le monde comme une émission de télé-réalité. Comme dans le sketch des Guignols qui nous montrait un Balladur effrayé de ces gens qu’il voyait des fois à la télé, et qui étaient des Français… Nizan annonce ici Debord et sa société du spectacle, il annonce aussi le monde des écrans où tout est vu à distance :

« Tout ferme bien. Les événements lui parviennent de loin, déformés, rabotés, symbolisés. Il aperçoit seulement des ombres. Il n’est pas en situation de recevoir directement les chocs du monde. Toute sa civilisation est composée d’écrans, d’amortisseurs. D’un entrecroisement de schémas intellectuels. D’un échange de signes. Il vit au milieu des reflets. Toute son économie, toute sa politique aboutissent à l’isoler. » 

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Quelle vision que cet écran, soixante ans avant notre intégrale invasion par les écrans d’ordinateurs et de smartphones qui nous disent maintenant comment nous devons vivre et surtout mourir.

La campagne électorale en France risque de déboucher sur une sanglante dictature centriste : les gilets jaunes et leurs milliers de mutilés à côté ce sera une Garden party (relisez Marx et mes textes sur la Seconde République pour rire). Mais il ne faut pas en effet laisser les extrêmes s’ébattre – ni voter – ni respirer. Relisons La Fontaine alors :

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« Grippeminaud leur dit : Mes enfants, approchez,
Approchez, je suis sourd, les ans en sont la cause.
L'un et l'autre approcha ne craignant nulle chose.
Aussitôt qu'à portée il vit les contestants,
Grippeminaud le bon apôtre
Jetant des deux côtés la griffe en même temps,
Mit les plaideurs d'accord en croquant l'un et l'autre.
Ceci ressemble fort aux débats qu'ont parfois
Les petits souverains se rapportant aux Rois. »

Car ce centrisme de « nonagénaire génocidaire » comme je l’ai appelé (Soros, Rothschild, Gates, Bergoglio, Fink, Warren Buffett, etc.) n’a pas de plomb dans l’aile, s’il est centriste en diable avec ses petits macroncitos (comme on dit en Espagne) ou Young Leaders asexués aux affaires.

Qui a dit qu’il fallait vomir les tièdes ? Et pourquoi ? Pensez-y…

Sources:

https://www.haaretz.com/world-news/europe/2024-06-23/ty-a...

https://www.wsj.com/articles/BL-WHB-1322

https://smoothiex12.blogspot.com/2024/06/generally-speaki...

https://www.youtube.com/watch?v=2LbnKKVkY8Y&t=21s

https://www.dedefensa.org/article/nizan-et-les-caracteres...

https://www.egaliteetreconciliation.fr/Eric-Brunet-survei...

https://www.youtube.com/watch?v=zuh0BrrGGN0

http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/chabelap.htm

https://www.biblegateway.com/passage/?search=Apocalypse%2...

 

jeudi, 27 juin 2024

La dictature de la gauche milliardaire au pied du mur

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La dictature de la gauche milliardaire au pied du mur

Nicolas Bonnal

La Fortune s’éclate ! Titrait l’Huma en 1984 déjà. Jamais la bourse n’a autant monté que sous les socialistes, et Macron digne rejeton de Mitterrand continue de défendre les marchés et d’enchanter les bourgeois du Figaro. Malheureusement le phénomène Macron n’est au final que le mélange du bonapartisme impérial-administratif et du gauchisme culturel. 1984 fut à maints égards une année orwellienne en France.

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Comme je l’avais noté deux grandes voix de gauche se sont élevées à cette époque : celle de Guy Hocquenghem (Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary) et celle de mon éditeur Thierry Pfister (Lettre ouverte à la génération Mitterrand qui marche à côté de ses pompes) ; en réalité la gauche comme au temps de l’affaire Dreyfus (voyez les analyses de mon ami Shamir) ou du New Deal de Roosevelt avait tourné casaque : aplatir le peuple et le lancer dans la guerre – tout en se réclamant de ces idéaux oligarques-humanitaires qui poussent à la guerre.

La création de la gauche caviar des milliardaires-humanitaires qui poussent à la guerre, jadis contre l’Allemagne ou le Japon, aujourd’hui contre la Chine ou la Russie est une vieille histoire occidentale. On y retrouve l’éternel protestantisme nourri au reset, le libéralisme juif obsédé de tikkun (sauf à Gaza), le progressisme des Lumières, le catholicisme de gauche remixé Vatican II, le libéralisme libertaire et le capitalisme artiste décrit jadis par Luc Boltanski. Tout cela a créé l’armature idéologique bobo qui nous mène on le sait au fascisme écolo, à la folie homo-féministe et à la catastrophe économique et même militaire. L’écologie elle ordonne la ruine et le dépeuplement.

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Le basculement de la gauche qui est passé du plan social au plan sociétal en trahissant son électorat  s’est approfondi et devient tyrannique-psychopathe à force de se revendiquer « démocrate » : fin des sexes, théorie du genre, ouverture lunatique-hallucinée des frontières, saccage des politiques sociales, sabotage nihiliste des Etats, des nations (ou de ce qu’il en reste) et culture belliciste et apocalyptique façon BHL, cet Ezéchiel de drugstore disait je ne sais plus qui il y a déjà quarante ans…

Comme je l’ai montré aussi cette dictature du libéralisme libertaire et de la gauche caviar s’est appuyée depuis les années soixante (les années Lyndon B. Johnson pour être précis) sur une crétinisation des populations (génération Johnny-Jerry Lewis-Beatles-Mel Brooks-fille du gendarme) via la musique, la télé, la sous-culture et la disparition de tout ce qui était traditionnel. C’est la fin de cette personnalité autoritaire du légendaire Adorno qui créa le fascisme médical, le nazisme humanitaire, l’imbécillité médiatique et la capilotade militaire face aux russes.

De Macron à Mitterrand les gauchistes-Soros de salon iront jusqu’au bout avec le Figaro pour les encourager. L’aveuglement de cette caste devenue ignare et teigneuse (voyez Blinken, Nuland ou BHL encore) nous mènera à une catastrophe à l’issue de laquelle Attali expliquera gravement comment tout reconstruire...

Nicolas Bonnal sur Amazon.fr

mardi, 25 juin 2024

Camille Flammarion et la fin du Mont Saint-Michel

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Camille Flammarion et la fin du Mont Saint-Michel

Nicolas Bonnal

Camille Flammarion, astronome, poète et polymathe, est un être merveilleux que ma femme Tetyana m’a fait redécouvrir – et cela donne, sur la destruction du mont Saint-Michel par l’arraisonnement technique du monde (revoir Heidegger) :

"Cette merveille du moyen âge trônait, alors, entièrement entourée des flots de la mer. On ne pouvait l'aborder qu'à marée basse ou en barque. Aux heures de la pleine mer, c'était une île parfaite. Quelle splendeur ! Le chemin de fer n'arrivait même pas à Avranches – et encore moins à Pontorson. Depuis cette époque, une digue hideuse, construite en 1877, relie le Mont à la terre. C'est tout simplement un crime contre l'art, une infamie, un vandalisme de barbares. Le mercantilisme envahit tout. Histoire de gagner quelques centaines d'hectares de mauvaises terres. Que l'on ait endigué les grèves lointaines, passe encore mais que l'on cherche à créer des terrains de culture jusqu'aux remparts de la vieille cité, c'est, je le répète, un véritable crime. Il faudrait, au contraire, maintenant qu'elle est faite, couper la digue à cent mètres, au moins, des remparts, afin que, dans les grandes marées, la mer pût, de nouveau, faire le tour de la fantastique montagne..."

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Ce pacifiste invétéré (toujours aussi isolé où la masse ne rêve comme toujours en Occident que de l’extermination nucléaire et humanitaire) rappelle que l’on ferait mieux de se fier au télescope qu’à la baïonnette :

« Quel est l'être intelligent, quel est l'être, accessible aux émotions inspirées par la contemplation du beau, qui pourrait regarder, même dans une lunette de très faible puissance, les dentelures argentées du croissant lunaire frémissant dans l'azur, sans éprouver l'impression la plus vive et la plus agréable, sans se sentir transporté vers cette première étape des voyages célestes et détaché des choses vulgaires de la Terre? Quel est l'esprit réfléchi qui pourrait voir sans admiration le brillant Jupiter accompagné de ses satellites pénétrer dans le champ du télescope inondé de sa lumière, ou le splendide Saturne marchant entouré de son anneau mystérieux, ou un double soleil écarlate et saphir se révélant au milieu de la nuit infinie? »

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Et le vœu pieux arrive :

« Ah! si les hommes savaient, depuis le modeste cultivateur des champs, depuis le laborieux ouvrier des villes, jusqu'au professeur, jusqu'au rentier, jusqu'à l'homme élevé au rang le plus éminent de la fortune ou de la gloire, et jusqu'à la femme du monde en apparence la plus frivole, oui, si l'on savait quel plaisir intime et profond attend le contemplateur des deux, la France, l'Europe entière se couvrirait de lunettes au lieu de se couvrir de baïonnettes, au grand avantage de la paix et du bonheur universels. »

On a fait disparaître l’astronomie. J’avais rappelé dans mon livre sur internet cette phrase de Brian de Palma : - on ne regarde plus les étoiles, mais les cours de Yahoo sur ordinateur.

Flammarion rêve encore :

« On comprend difficilement, en effet, que, de toutes les écoles normales, de tous les collèges, de tous les lycées, de tous les séminaires, de tous les couvents, aucun de ces établissements ne jouisse d'un petit observatoire où l'on s'intéresse aux choses du ciel. Il y a pourtant là des professeurs qui devraient aimer les sciences en général et adorer l'astronomie en particulier. »

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Et notre humaniste et poète de rêver lyriquement encore :

« On comprend aussi diffusément que, parmi tant d’hommes fortunés qui ont souvent trop de loisirs, on en compte si peu (pour ainsi dire pas du tout) qui se donnent le plaisir d'observer les merveilles célestes, au lieu de faire tourner imperturbablement leur fortune dans le même cercle accroître inutilement des rentes déjà superflues, faire courir des chevaux ou entretenir des actrices. Il faut croire que personne ne se doute de l'intérêt si captivant qui s'attache à l'étude de la nature, ni des joies intimes que l'âme éprouve à se mettre en relation avec les divins mystères de la création… »

Camille Flammarion - Mémoires biographiques et philosophiques d'un astronome…

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k83470m.pdf

https://fr.wikipedia.org/wiki/Camille_Flammarion

 

 

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mercredi, 19 juin 2024

Tacite et le mauvais pullulement des lois

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Tacite et le mauvais pullulement des lois

Nicolas Bonnal

On connaît tous le taoïsme et la fameuse sentence du maître chinois : plus se développent les règlements, plus pullulent les voleurs. Et on connaît aussi Tacite – qui écrit la même chose. Ce n’est pas la première fois que la science traditionnelle chinoise rejoint la romaine : on a le Feng Shui tout entier chez Vitruve, qui consacre un de ses livres à l’astrologie, et au positionnement des planètes et des bâtisses ; et on a aussi le cousin de Sun Tsu, un auteur romain donc jamais lu, celui des Stratagèmes (je vous conseille de le lire, car les romains ont à leur actif plus de victoires que le reste du monde réuni, chinois compris) : j’ai nommé Frontin.

1453907.jpgMais lisons Tacite (voyez notre texte sur Calgacus contre l’impérialisme), auteur incroyable et réactionnaire impénitent  (Histoires, III), marqueur absolu de notre présent permanent :

« XXV. On parla ensuite d'adoucir la loi Papia Poppea qu'Auguste, déjà vieux, avait ajoutée aux lois Juliennes, pour assurer la punition du célibat et accroître les revenus du trésor public. Cette loi ne faisait pas contracter plus de mariages ni élever plus d'enfants (on gagnait trop à être sans héritiers); mais elle multipliait les périls autour des citoyens, et, interprétée par les délateurs, il n'était pas de maison qu'elle ne bouleversât : alors les lois étaient devenues un fléau, comme autrefois les vices. Cette réflexion me conduit à remonter aux sources de la législation, et aux causes qui ont amené cette multitude infinie de lois différentes. »

Puis rappelons cette magnifique digression de Tacite sur les lois :

« XXVI. Les premiers hommes, encore exempts de passions désordonnées, menaient une vie pure, innocente, et libre par là même de châtiments et de contrainte. Les récompenses non plus n'étaient pas nécessaires, puisqu'on pratiquait la vertu par instinct ; et comme on ne désirait rien de contraire au bon ordre, rien n'était interdit par la crainte. »

On se rapproche du début des Métamorphoses et de l’imparable description de l’âge d’or :

« Quand l'égalité disparut, et qu'à la place de la modération et de l’honneur régnèrent l'ambition et la force, des monarchies s'établirent, et chez beaucoup de peuples elles se sont perpétuées. D'autres dès l'origine ou après s'être lassés de la royauté, préférèrent des lois. Elles furent simples d'abord et conformes à l'esprit de ces siècles grossiers. La renommée a célébré surtout celles que Minos donna aux Crétois, Lycurgue aux Spartiates, et plus tard Solon aux Athéniens : celles-ci sont déjà plus raffinées et en plus grand nombre. Chez nous, Romulus n'eut de règle que sa volonté. Numa, qui vint après, imposa au peuple le frein de la religion et des lois divines : quelques principes furent trouvés par Tullus et par Ancus; mais le premier de nos législateurs fut Servius Tullius, aux institutions duquel les rois même devaient obéissance. »

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Quand la société devient folle, la romaine notamment, elle devient folle de lois. On rappelle Tocqueville : « il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige ; il force rarement d’agir, mais il s’oppose sans cesse à ce qu’on agisse ; il ne détruit point, il empêche de naître ; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. »

Tocqueville avait bien expliqué à l’un de ses cousins que l’on quittait aux temps modernes la liberté médiévale pour retourner au despotisme antique. Mais restons sur Tacite :

« XXVII. Après l'expulsion de Tarquin, le peuple, en vue d'assurer sa liberté et d'affermir la concorde, se donna, contre les entreprises des patriciens, de nombreuses garanties. Des décemvirs furent créés, qui, empruntant aux législations étrangères ce qu'elles avaient de meilleur, en formèrent les Douze Tables, dernières lois dont l'équité soit le fondement, car si celles qui suivirent eurent quelquefois pour but de réprimer les crimes, plus souvent aussi, nées de la division entre les ordres, d'une ambition illicite, de l'envie de bannir d'illustres citoyens ou de quelque motif également condamnable, elles furent l'ouvrage de la violence. »

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Les lois pullulent et sont contradictoires :

« De là les Gracques et Saturninus semant le trouble dans la multitude ; et Drusus non moins prodigue de concessions au nom du sénat ; et les alliés gâtés par les promesses, frustrés par les désaveux. Ni la guerre italique, ni la guerre civile, qui la suivit de près n'empêchèrent d'éclore une foule de lois, souvent contradictoires; jusqu'à ce que L. Sylla, dictateur, après en avoir aboli, changé, ajouté un grand nombre, fît trêve aux nouveautés, mais non pour longtemps, car les séditieuses propositions de Lépidus (1) éclatèrent aussitôt, et la licence ne tarda pas à être rendue aux tribuns d'agiter le peuple au gré de leur caprice.

Et arrive la formule célèbre :

« Alors on ne se borna plus à ordonner pour tous ; on statua même contre un seul, et jamais les lois ne furent plus multipliées que quand l'État fut le plus corrompu. »

A transmettre à Bruxelles-Paris-Washington-ONU…

Allez, un peu de latin (sans faire du Goscinny) :

... et corruptissima re publica plurimae leges…

Sources principales :

https://remacle.org/bloodwolf/historiens/tacite/annales3....

https://www.thelatinlibrary.com/tacitus/tac.ann3.shtml#27

https://lesakerfrancophone.fr/comment-lempire-us-plagie-l...

https://www.amazon.fr/Petits-%C3%A9crits-libertariens-Con...

http://www.bouquineux.com/index.php?telecharger=1985&...

 

mardi, 18 juin 2024

Syndrome du Titanic et radeau de la méduse

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Syndrome du Titanic et radeau de la méduse

Nicolas Bonnal

Nous sommes dirigés par des fous motivés et (aussi) d’efficaces incapables qui nous mènent au désastre. Ils organisent la faillite, détruisent, gaspillent, remplacent et dépeuplent, désirant enfin une guerre nucléaire, tout à leur rage messianique. Sinon c’est le totalitarisme au code QR et le camp de concentration numérique. Mais attention : il y a une élite autoproclamée (les 1% les plus riches et les hauts fonctionnaires) et elle veut se préserver. Stéphane Mallarmé pour mémoire :

« Cette foule hagarde ! elle annonce : Nous sommes
La triste opacité de nos spectres futurs ! »

Ces poètes, quels voyants tout de même…

J’avais écrit un texte sur Ernst Jünger et le syndrome du Titanic (http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2022/09/16/syndrome-du-titanic-ernst-junger-et-la-culture-de-la-panique.html ), qui m’avait été inspiré par le fameux mais oublié Traité du rebelle, suite de notes contre le monde totalitaire, étatique et automatisé à venir (et déjà présent…).

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Et je repensais à un blog de lecteur qui a modifié ma réflexion pour expliquer ce que deviennent la France et l’Amérique sous leurs présidents respectifs: si nous nous dirigions vers le modèle du radeau de la méduse (revoyez l’émission d’Alain Decaux…) plutôt que de celui du Titanic ? Le Titanic ce n’était qu'un accident malchanceux couronné du respect de la morale chrétienne: les femmes et les enfants d’abord, et des milliardaires comme Guggenheim qui y passèrent héroïquement. Le radeau de la méduse c’était bien pire, et c’est le modèle des dernières guerres et du Grand Reset actuel. On sacrifie les plus pauvres, les sans-grades.

51Y1KAY0P6L._AC_SY580_.jpgMais citons Jünger et les extraits de son inépuisable Traité du rebelle écrit après la « guerre de quarante » quand le grand homme comprend que nous allons vers un monde  simultanément automatisé et apocalyptique.

Le système automatisé génère une culture et une psychologie de la panique (voir et revoir les films-catastrophe et ceux de Kubrick…) :

« La panique va s’appesantir, là où l’automatisme gagne sans cesse du terrain et touche à ses formes parfaites, comme en Amérique. Elle y trouve son terrain d’élection ; elle se répand à travers des réseaux dont la promptitude rivalise avec celle de l’éclair. Le seul besoin de prendre les nouvelles plusieurs fois par jour est un signe d’angoisse ; l’imagination s’échauffe, et se paralyse de son accélération même. »

On poursuit :

« Il est certain que l’Est n’échappe pas à la règle. L’Occident vit dans la peur de l’Est, et l’Est dans la peur de l’Occident. En tous les points du globe, on passe son existence dans l’attente d’horribles agressions. Nombreux sont ceux où la crainte de la guerre civile l’aggrave encore. »

On cherche vainement des sauveurs :

« La machine politique, dans ses rouages élémentaires, n’est pas le seul objet de cette crainte. Il s’y joint d’innombrables angoisses. Elles provoquent cette incertitude qui met toute son espérance en la personne des médecins, des sauveurs, des thaumaturges. Signe avant-coureur du naufrage, plus lisible que tout danger matériel. »

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Enfin la catastrophe sera universelle :

« Car nous ne sommes pas impliqués dans notre seule débâcle nationale ; nous sommes entraînés dans une catastrophe universelle, où l’on ne peut guère dire, et moins encore prophétiser, quels sont les vrais vainqueurs, et quels sont les vaincus. »

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Jünger a raison sur tout naturellement : il décrit l’aboutissement catastrophique du progrès matériel et technique (voyez ces robots que l’on dresse à tuer tout le monde maintenant sous les acclamations des esclaves de You Tube).

Mais je maintiens que le radeau de la méduse explique mieux que le Titanic ce qui se passe en ce moment : les petits sur le radeau, les élites incompétentes dans les chaloupes. Et un jugement qui pardonne à tout le monde (il n’aurait plus manqué que ça !).

Jünger évoque justement le Titanic ; on se souvient du succès effarant de ce film répugnant. Il écrit donc :

« Comment ce passage s’est-il produit ? Si l’on voulait nommer l’instant fatal, aucun, sans doute, ne conviendrait mieux que celui où sombra le Titanic. La lumière et l’ombre s’y heurtent brutalement : l’hybris du progrès y rencontre la panique, le suprême confort se brise contre le néant, l’automatisme contre la catastrophe, qui prend l’aspect d’un accident de circulation. »

Donc en réfléchissant et surtout en lisant le blog d’un lecteur (le blog c’est « guerre civile et yaourt allégé » ; le lecteur c’est « Philippe de nulle part »…), je suis arrivé à la conclusion que nous allons au radeau de la méduse. En effet :

  • Nous sommes dirigés par des imbéciles/sagouins qui vont/aiment nous échouer.
  • Ces imbéciles vont nous sacrifier, des plus pauvres ou plus moyens.
  • Et rappel : les pauvres ne sont descendus sur le radeau que sous la menace des armes.

Mais même sur le radeau de la méduse les choses ne se passaient que d’une certaine manière.

Extrait du yaourt allégé donc :

« Sur le radeau de La Méduse les officiers et des notables s’étaient réservé l’endroit le moins exposé aux vagues et avaient pris soin d’enlever leurs armes aux soldats et de garder les leurs. Très rapidement devant le manque de nourriture et les risques de naufrage ils réduisirent par plusieurs tueries la population du radeau afin de « réprimer des mutineries ». Les rares rescapés à être finalement secourus furent bien évidemment des officiers et des notables. Il ne reste plus qu’à transposer cette sinistre histoire à l’échelle planétaire. »

On n’y mangea pas d’insectes mais des hommes.

De la Méduse à Macron-Davos-Gates, toute leur apocalypse postmoderne est expliquée là. On écrabouille la classe moyenne pauvre et on maintient l’illusion en désignant des soi-disant privilégiés (retraités repus, journalistes, farces de l’ordre, armée, etc.).

Et je rappellerai la phrase de l’idole télé de mon enfance :

« Les puissants ont été mis sur des canots, la piétaille (menacée au fusil) sur le radeau (l’Immortel Alain Decaux). »

NDLR : renseignements pris, sur le Titanic aussi ce furent les riches qui survécurent massivement. CQFD… Le lien littéraire (médiocre) est mis sur le récit/témoignage de ce désastre.

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Sources :

https://www.dedefensa.org/article/ernst-juenger-et-le-syn...

https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9duse_(navire)

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k850111v#

http://guerrecivileetyaourtallege3.hautetfort.com/archive...

 

 

 

dimanche, 16 juin 2024

Les vanités du gaullisme et du souverainisme

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Les vanités du gaullisme et du souverainisme

Nicolas Bonnal

Il y a un mantra souverainiste en France en ce moment, lié au désespoir d’une petite partie de l’opinion (la majorité reste hypnotisée ou anesthésiée). Evidemment il est platonicien et ne risque pas d’accoucher dans la réalité.

On nous répète donc qu’en sortant de l’Europe on résoudrait tous nos problèmes. Or il me semble que cette Europe techno-jacobine dirigée par les Delors, les Breton et les Lagarde elle a été bien francisée. C’est Varoufakis qui me le fit comprendre dans son livre sur le minotaure (européen). Il écrivait même que la surclasse de hauts fonctionnaires français désirait entrer dans l’euro pour profiter du boom immobilier (celui des résidences secondaires notamment) qui s’ensuivrait.

Je ne vois pas en plus en quoi les énarques, Asselineau, Florian, Dupont-Aignan, etc., qui totalisent 1% à chaque élection (je sais, elles sont truquées…) et désirent le Frexit (on ne pouvait pas trouver un mot plus sexy et franchouillard que celui calqué sur le raté Brexit – voir Todd – des Britanniques, qui n’a profité qu’à la City, à l’inflation et aux migrants, comme annoncé par Valérie Bugault ?) dirigeraient la France mieux que les confrères énarques qui veulent rester européens. Tous énarques, tous souverainistes !

le_coq_heretique_autopsie_de_lexception_francaise-71933-264-432.jpgLa France c’est depuis des centaines d'années un coq hérétique, un pays centralisé, autoritaire, avec une armée de fonctionnaires, un administration qui marche plus ou moins bien, et depuis peu une dette et une immigration qui sont incontrôlables. Sur le reste on relira mon Coq hérétique (qui fut référencé par le Figaro, VA et par mon ami Laughland) et mes textes sur Marx (et son armée de fonctionnaires) ou Gobineau. Tiens, redonnons cet extrait, de Gobineau dans sa lettre à Tocqueville :

« Vous avez admirablement montré que la révolution française n’avait rien inventé et que ses amis comme ses ennemis ont également tort de lui attribuer le retour à la loi romaine, la centralisation, le gouvernement des comités, l’absorption des droits privés dans le droit unique de l’État, que sais-je encore ? L’omnipotence du pouvoir individuel ou multiple, et ce qui est pire, la conviction générale que tout cela est bien et qu’il n’y a rien de mieux. Vous avez très bien dit que la notion de l’utilité publique qui peut du jour au lendemain mettre chacun hors de sa maison, parce que l’ingénieur le veut, tout le monde trouvant cela très naturel, et considérant, républicain ou monarchique, cette monstruosité comme de droit social, vous avez très bien dit qu’elle était de beaucoup antérieure à 89 et, de plus, vous l’avez si solidement prouvé, qu’il est impossible aujourd’hui, après vous, de refaire les histoires de la révolution comme on les a faites jusqu’à présent. Bref, on finira par convenir que le père des révolutionnaires et des destructeurs fut Philippe le Bel. »

Et il résume, assez génialement je dois dire, le présent perpétuel des Français (Lettre de Téhéran, le 29 novembre 1856) :

"Un peuple qui, avec la République, le gouvernement représentatif ou l’Empire, conservera toujours pieusement un amour immodéré pour l’intervention de l’Etat en toutes ses affaires, pour la gendarmerie, pour l’obéissance passive au collecteur, à l’ingénieur, qui ne comprend plus l’administration municipale, et pour qui la centralisation absolue et sans réplique est le dernier mot du bien, ce peuple-là, non seulement n’aura jamais d’institutions libres, mais ne comprendra même jamais ce que c’est. Au fond, il aura toujours le même gouvernement sous différents noms… ".

La sortie de l’Europe ? Je lui souhaite du plaisir à la France avec ses casseroles de retraités, de branchés, de bobos, d’immigrés, de fonctionnaires, de chômeurs, de dettes, de DOM-TOM,  de règlements, et de sous-culture étatisée ad vitam…

Mais voyons pour le gaullisme. Le problème c’est déjà que tous s’en réclament : les huns et les autres si j’ose dire. Et la Marine à la peine  (qui se rapproche de Leyen maintenant, via Meloni, féminisme oblige), et le macaron, et les républicains, et les gauchistes, qui oublient que cette référence un peu usée tout de même a créé le parti (UDR, RPR qu’importe) qui a cautionné toutes les gabegies européennes, migratoires et socialistes. L’accélération de la chute française date moins de Mitterrand que de Chirac et son néo-gaullisme d’opérette (Chirac ridiculisa le pauvre Todd et sa fracture sociale) qui visait la Russie (réécoutez-le, bon Dieu) lors de la pitoyable reprise des essais nucléaires en 1996.

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Mais allons au fond et succinctement, quitte à choquer les ânes sensibles :

La surestimation du gaullisme certes ne frappe pas assez les bons esprits qui sont surtout des esprits distraits. Car De Gaulle, c’est la Libération et la Grandeur de la France, De Gaulle, c’est la prospérité et la voix de la France libre (bis), De Gaulle, c’est une époque bénie… Or dans les années soixante toute l’Europe en voie de destruction se développait. Elle était vraiment décadente cette Europe, quoiqu’en pense le poireau Aron. La vraie révolution culturelle avait lieu en Occident et pas en Chine : c’est le marxiste Eric Hobsbawn qui nous l’a démontré dans son âge des extrêmes. Sur les ratages du gaullisme pendant la guerre, lire et méditer l’indispensable Kerillis, lui-même héros de guerre, journaliste et expert militaire.

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En fait le gaullisme repose sur une hypnose collective proche de celle de 1789, de Napoléon ou de la République dont le Général se réclama toujours. Le Français adore être hypnotisé (comme l’Anglo-Saxon sa parèdre) et Macluhan le décrit très bien (la Galaxie Gutenberg, Edition Biblis, p. 399-408) dans ses chapitres sur le nationalisme, basés sur l’extraordinaire historien US Carleton Hayes.

Je n’ai aucune envie de m’étendre sur cette question qui mériterait un bon livre  – un de plus… Mais au moins rappelons les faits principaux :

– De Gaulle, c’est une Résistance et une Libération bâclées : voyez par exemple le livre de Kerillis, De Gaulle dictateur (mal titré hélas). De Gaulle c’est une malédiction portée sur l’extrême-droite collabo et une sanctuarisation de la Résistance dont se réclament tous les escrocs qui nous gouvernent. Ses Mémoires de guerre sont le livre de chevet jamais lu de chaque président. De Gaulle c’est aussi l’oubli de la trahison et de la désertion des communistes qui se sont chargés ensuite de l’épuration qui ne cessera jamais. J’aime la courageuse expression d’Audiard : « je suis un antigaulliste du 18 juin ». On brûle ses films ?

– De Gaulle, c’est aussi la trahison des pieds noirs et la perte brutale, sanglante et bâclée de l’Algérie (voyez les livres publiés par mon éditeur Dualpha notamment celui de Manuel Gomez). Le gâchis a été total, et on en paiera toujours le prix.

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– De Gaulle, c’est les Trente Glorieuses (disparition des paysans et mauvais traitements des ouvriers) et la destruction de la France rurale traditionnelle, la transformation et l’américanisation d’un Hexagone mué en France défigurée pour reprendre le titre d’une émission célèbre de Michel Péricard (photo), lui-même gaulliste. Comparez Farrebique et Biquefarre. Voyez mon livre sur la destruction de la France au cinéma.

– De Gaulle, c’est aussi le début de l’interminable immigration africaine qui suit la décolonisation ratée – Audiard s’en moque dans son libertaire et jubilatoire Vive la France. Les cinéastes ont bien vu les maléfices en œuvre sous de Gaulle : voyez Weekend ou Deux ou trois choses de Godard sans oublier Alphaville ; voyez Play Time de Jacques Tati, le début de Mélodie en sous-sol…

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– Sur le plan des Français, on voit une détérioration du matériel humain: société de consommateurs, d’assistés, de téléphages et d’automobilistes. L’enlaidissement du pays modernisé entraîne l’enlaidissement des gens, la fin de l’élégance parisienne et le déclin de la culture française. Voyez Debord qui rejoint Pierre Etaix ou Jacques Tati. Et ne parlons pas de mai 68, de l’explosion de la pornographie et de la destruction finale de Paris sous Pompidou, ancien laquais de Rothschild (pour ceux qui se plaindraient de l’autre). De Gaulle nous laissa aussi Chirac et Giscard…

– Déclin de la culture? Lisez mon livre sur la comédie musicale. Paris enlaidi cesse d’influencer ou d’inspirer les créateurs américains. Eric Zemmour – et j’y reviendrai – en parle très bien dans son livre sur la Mélancolie française: Malraux a tourné le dos à la France traditionnelle (Chirac aussi avec ses arts premiers) et africanisé notre culture. Sinistre politique de l’Etat culturel livré au gauchisme (dixit Debré lui-même) via les MJC.

– Enfin sur le plan de la vie politique, on souffre de cette catastrophique constitution et des éternels effets du scrutin majoritaire. On a Macron et on le garde. On a créé la constitution la plus dangereuse du monde et on continue de la défendre…

– Politique étrangère ? On a gardé l’Otan, l’Europe : quant à la politique arabe… Le Québec libre aussi aura fait long feu. Le tiers-mondisme diplomatique héritier pathétique de la décolonisation ne mena nulle part. Mais il énervait les Américains…

– On relira avec intérêt notre texte sur Michel Debré qui voyait l’effondrement français arriver avec cette Cinquième. De Gaulle œuvra en destructeur ET en fantôme.

images.jpgMais De Gaulle comprit le piège ; et j’ai décrit cette prise de conscience du premier concerné, le général lui-même. Je me cite alors :

De Gaulle échoue – mais il en ressort qu’on ne pouvait qu’échouer. Sur le referendum – sa porte de sortie comme on sait – nous sommes clairement informés (citation déjà reprise par Philippe Grasset) :

«J’expose au Général que le but de ma visite est de préciser les conditions qui peuvent permettre le succès, du référendum. Interruption du Général : « Je ne souhaite pas que le référendum réussisse. La France et le monde sont dans une situation où il n’y a plus rien à faire et en face des appétits, des aspirations, en face du fait que toutes les sociétés se contestent elles-mêmes, rien ne peut être fait, pas plus qu’on ne pouvait faire quelque chose contre la rupture du barrage de Fréjus. Il n’y aura bientôt plus de gouvernement anglais; le gouvernement allemand est impuissant ; le gouvernement italien sera difficile à faire; même le président des Etats-Unis ne sera bientôt plus qu’un personnage pour la parade.

Le monde entier est comme un fleuve qui ne veut pas rencontrer d’obstacle ni même se tenir entre des môles. Je n’ai plus rien à faire là-dedans, donc il faut que je m’en aille et, pour m’en aller, je n’ai pas d’autre formule que de faire le peuple français juge lui-même de son destin (p.112). »

On répète parce que c’est merveilleux :

« Je n’ai plus rien à faire là-dedans, donc il faut que je m’en aille et, pour m’en aller, je n’ai pas d’autre formule que de faire le peuple français juge lui-même de son destin. »

Allez, on se rassure : l’héritier Debré fit 1% des voix aux présidentielles de 1981.

md31460760742.jpgC’est Douglas Reed, l’auteur de la Controverse de Sion qui avait dit une très bonne chose sur la France après l’opération tragi-comique de Suez en 56 : c’est la terre du fiasco récurrent.

 « La France n’avait pas plus à perdre, malheureusement, que la dame dans la chanson de soldat qui « avait encore oublié son nom » : par sa révolution, la France restait la terre du fiasco récurrent, à jamais incapable de se relever de l’abattement spirituel où elle se trouvait. Pendant 160 ans, elle essaya toutes les formes de gouvernement humainement imaginables et ne trouva de revigoration et de nouvelle assurance dans aucune. »

Et en route pour un énième front républicain des gauchistes au service du pouvoir financier…

Sources principales :

https://www.dedefensa.org/article/tocqueville-et-gobineau...

https://www.dedefensa.org/article/debre-et-le-general-fac...

Cliquer pour accéder à Douglas%20Reed%20-%20La%20Controverse%20de%20Sion.pdf

https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/europeenn...

 

samedi, 15 juin 2024

Les Tintin de la Fin des Temps

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Les Tintin de la Fin des Temps

Nicolas Bonnal

On était en 1976. J’avais quinze ans et plus trop d’illusions en politique (Chirac ? Cochin ? La liste Weil ! Le PS ! Les Européennes !). On avait beaucoup attendu l’album, après l’étrange et drolatique Vol 714 pour Sydney qui recyclait le Matin des magiciens de Pauwels et Bergier : et l’on fut servi.

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Les Picaros furent insultés ou incompris. C’était un album ingrat et exigeant, l’équivalent du cinéma d’auteur…

On voyait bien qu’Hergé avait renoncé à sa mythologie jugée réac par l’Ennemi ; comme si l’on pouvait encore pratiquer le voyage absolu dans les années 70 marquées par le tourisme de masse, les vols charter, les tropiques à l’encan et l’abominable Guide du routard. Le vacancier occidental, bien reproduit depuis en Asie, fut le yéti, l’abominable homme des plages. Revoyez-les, ces Bronzés, ce qu’ils ont fait à l’Afrique et à la montagne. En revoyant l’Eternel retour avec Madeleine Sologne et Jean Marais, je la trouve sublime, cette montagne enneigée : elle ne l’est plus. Elle a été déniaisée et, comme dit Pagnol, l’honneur ça ne sert qu’une fois. Stations de ski… Et vous avez vu dans Rt.com à quoi ressemble l’Everest ? A un WC géant.

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C’est qu’avec la société de consommation (la mort, en vieux latin) la télé était passée par là avec le couillon tout-terrain Séraphin Lampion : bagnole, télé, Pastis, rigolade. Sans oublier la profanation du voyage que l’on nomme tourisme. 1.5 milliard de touristes maintenant… Pauvre Tintin, pauvre voyage initiatique. On pense à Céline (toujours) :

« Je voudrais voir un peu Louis XIV face à un "assuré social"... Il verrait si l'Etat c'est lui ! »

Le touriste a remplacé Ulysse comme l’assuré social vacciné son Roi-Soleil. C’est la vie.

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Tintin et les picaros fonctionne comme une fiction aventurière à rebours. On voyage, mais c’est pour se faire enfermer (cf. la cabine spatiale...), se faire observer par un tyran et ses caméras. Tintin prend le relais de Patrick McGoohan dans Le Prisonnier. Il est dans une luxueuse villa où plus rien ne se passe, puisqu’il faut s’y terrer. On est dans la société de surveillance, de Foucault (bof…) ou autre. On est devant des miroirs (coucou la Bête…) puis on seconde un général pataud humilié par sa « grosse américaine » ; car courageusement Hergé a assumé sa misogynie jusqu’au bout, et il aura eu raison de le faire : voyez Ursula, Hillary, voyez Sandrine ou la folle écologiste teutonne. La guerre est femme. Relire Molière...

Pour ce qui est de la surveillance, Hergé nous avait prévenus dans On a marché sur la lune et la cauchemardesque Affaire Tournesol. La belle aventure sous les Tropiques ou dans les déserts était terminée, on allait vers un Grand Enfermement, car on est devenus du « coke en stock ». Tout cela au cours des années soixante, quand Debord écrit sa Société du Spectacle. Ce même Debord (cité par mon ami Bourseiller) écrit alors qu’on assiste « à un processus de formation d’une société totalitaire cybernétisée à l’échelle planétaire ».

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Quand on y pense bien c’est aussi le sujet de Vol 714 pour Sydney qui sonne même le glas d’une humanité hypnotisée et téléguidée par des extraterrestres. L’aventure tropicale mène à une caverne d’épouvante. La même entropie claustrophobe est à l’œuvre dans les Bijoux de la Castafiore (chaste fleur ou casse ta fiole ?) : Haddock est coincé, handicapé, blessé, paralysé, engueulé et sevré. La Castafiore qui le castre matin midi et soir en fait une « âme de grand enfant un peu naïf » victime de paparazzi et de l’air du temps. Il ne leur manque plus que les pédopsychiatres à nos deux héros qui ont défié le Tibet, les déserts et les glaces. Mais déjà Saint-Exupéry nous mettait en garde :

« Ces voyages, le plus souvent, étaient sans histoire. Nous descendions en paix, comme des plongeurs de métier, dans les profondeurs de notre domaine. Il est aujourd’hui bien exploré. Le pilote, le mécanicien et le radio ne tentent plus une aventure, mais s’enferment dans un laboratoire. Ils obéissent à des jeux d’aiguilles, et non plus au déroulement de paysages. Au-dehors, les montagnes sont immergées dans les ténèbres, mais ce ne sont plus des montagnes. Ce sont d’invisibles puissances dont il faut calculer l’approche. Le radio, sagement, sous la lampe, note des chiffres, le mécanicien pointe la carte, et le pilote corrige sa route si les montagnes ont dérivé, si les sommets qu’il désirait doubler à gauche se sont déployés en face de lui dans le silence et le secret de préparatifs militaires. »

C’est dans Terre des hommes. On relira avec profit ici cette lettre à un général.  C’est vrai que Tintin c’est un petit prince qui aurait grandi – mais pas trop. Un ado héroïque, jeune héros d’une Europe encore éprise de sport et d’aventures, de voyages et d’initiation. Après la guerre, Hergé, qui a été arrêté, insulté et persécuté (mais pas fusillé !) comprend quel camp (celui de Bohlwinkel, vous vous souvenez…) a gagné, et vers quoi on se dirige. Alors on s’adapte, comme dit Céline. La grande épopée arthurienne et hyperboréenne de l’Etoile mystérieuse, récit qui balaie les trouilles apocalyptiques venues de cette Bible-blob  (excellent petit film avec Steve McQueen)  qui n’en finit pas de nous aliéner, sont laissées derrière et les savants partent vers le Grand Nord à la découvertes des îles fortunées des mythologies grecques et celtes. Quel enchantement ces BD tout de même. Elles furent mon dernier trampoline.

igenalmages.jpgRevenons-en à Tintin et à nos picaros puisque c’est le dernier.

Quand notre héros sans progéniture (prolétaire au sens strict il n’a jamais rien possédé) passe dans la jungle, la même impression d’irréalité le poursuit. Le général Alcazar bouffonne au milieu d’ivrognes, il est soumis à son ogresse américaine qui prend le relais de la Castafiore, et il rêve de cruauté dont il serait cette fois l’auteur et non plus la victime. La même banalité des changements dictatoriaux reproduit celle des élections démocratiques, lesquelles laissent le consommateur électeur éternellement insatisfait (voir Obama, Sarkozy, Blair, Berlusconi et le reste). Debord toujours :

« Ainsi se recompose l’interminable série des affrontements dérisoires mobilisant un intérêt sous-ludique, du sport de compétition aux élections. »

La dernière bulle de l’album montre d’ailleurs que l’éternel pays du tiers-monde restera misérable avec le changement de pouvoir. Hergé ne se fait pas d’illusions sur nos sociétés, et il le donne à lire. Voilà pourquoi aussi Tintin ne joue plus au matamore : il joue soft, comme on dit, prend un tour politiquement correct, non-violent, et il prépare sa révolution…orange.

Car le grand intérêt pour moi de l’album réside dans l’apparition du commando de touristes. Tintin au pays des touristes? Mais oui, et cela montre l’entropie accélérée des décennies de la société de consommation, qui ont davantage changé la planète que des milliers d’années d’histoire, et qui ont définitivement altéré l’humanité et son rapport au réel. Tintin, l’homme de l’Amazonie et de l’Himalaya, de l’Hyperborée et des tombeaux égyptiens, se retrouve dépassé, rattrapé, humilié par un quarteron de salariés en retraite venus faire la fête sous les tropiques, avec un masque de carnaval. John Huston a très bien tapé aussi sur les touristes dans la Nuit de l’iguane, film flamboyant avec un Richard Burton tordant comme jamais.

6c77ecb091bc3942332809c9b6ff9584.jpgEt il va les utiliser, ses figurants, en faire des acteurs malgré eux de son jeu politique dérisoire (changer de président). Tintin crée, dis-je, une révolution orange, de celles qu’on avait vues dans les pays de l’ex-bloc soviétique, quand la CIA lançait des manifestations contre un pouvoir ilote et pas très roublard qui devait aussitôt se démettre sous les applaudissements de la presse et des médias de l’ouest. De ce point de vue, et encore génialement, Hergé se fait le prophète du monde sans Histoire où nous vivons ; et qui est fondamentalement un monde de jouisseurs lassés qui ne veut plus d’histoires – il ne veut même plus qu’on lui en raconte. C’est pourquoi il utilise son nouveau héros, depuis plusieurs épisodes, depuis L’affaire Tournesol ou depuis Coke en stock, qui inaugure la série des albums crépusculaires du grand maître, et qui est là pour se moquer de ses personnages, j’ai nommé Séraphin Lampion, qui exerce l’honorable profession d’assureur. C’est d’ailleurs quand elle lui claque la porte au nez que la Castafiore se fait dérober son émeraude par la pie voleuse. Revoyez aussi cet épisode où la télé du décidément nuisible Tournesol-Folamour rend ivres et tremblotants ces spectateurs...

Les Picaros liquident donc l’univers de Tintin. En Amérique du sud, le mot picaro désigne aussi l’escroc, l’agioteur, maître des sociétés modernes, c’est-à-dire baroques. La crise immobilière, le boom touristique, « les détritus urbains qui recouvrent tout (Lewis Mumford, plus grand esprit américain du dernier des siècles) », c’est la faute au picaro. Il n’y a plus d’histoire, il n’y a plus non plus de géographie, la technologie l’a décimée. Il n’y a plus d’exotisme, les carnavals, les festivals et les voyages en groupe l’ont décimé, ainsi que la culture. Il n’y a plus de spiritualité non plus, au sens de Malraux, non plus, ce qui signifie que ce siècle lamentable NE SERA PAS AU FINAL.

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On comprend que l’album ait déchaîné l’ire de certains aficionados, notamment de droite (ils veulent toujours du rab, du grain à moudre ceux-là), pour reprendre un terme latino. Ici Hergé a repris une vieille ficelle du métier, comme lorsque Conan Doyle avait voulu mettre fin aux aventures de Sherlock Holmes, fatigué qu’il était d’être dépendant ad vitam de sa création. Mais il l’a fait en gardant son personnage en vie, en le normalisant, en le glissant dans un monde d’ombres médiocres. C’est plus dur à supporter, quand on s’est voulu l’héritier d’Homère ou de Virgile, de Rabelais (quart et cinquième livre) ou de Jules Verne. On découvrira notre texte sur le cosmonaute comme machine à conditionner (fr.sputniknews.africa).

On peut remercier Hergé d’avoir décrit l’enfer américano-tiers-mondiste où nous survivons patibulaires. Il était moins fatigué qu’il en avait l’air. Avant de mourir, alors que nous évoquions les dernières élections présidentielles, Jean Parvulesco (qui était un acteur né et figura dans A bout de souffle) me disait : « la race humaine est fatiguée ».

Il nous reste les bêtes et certains paysages.

Sources :

https://www.dedefensa.org/article/lettre-de-saint-ex-pour...

https://www.dedefensa.org/article/saint-exupery-contre-la...

https://fr.sputniknews.africa/20170317/nasa-farce-vraie-m...

 

vendredi, 14 juin 2024

De Zemmour à Malraux (le crépuscule culturel)

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De Zemmour à Malraux (le crépuscule culturel)

Nicolas Bonnal

On va reparler de la liquidation de la France sous De Gaulle. Et c’est Zemmour qui nous a montré la voie dans sa très bonne Mélancolie française que l’on pourrait ainsi définir : une fois qu’on a dépassé le stade de l’inépuisable mythologie française (Vercingétorix-Clovis-Jeanne-Richelieu-Louis-Napoléon-Général-etc.), que reste-t-il de concret ? Dans le même genre curatif il faut redécouvrir le livre d’entretiens de René Girard sur Clausewitz, qui dénonce le désastre napoléonien sur le long terme (Marx n’avait pas suffi…).

On commence par un rappel des extraordinaires Entretiens de Michel Debré: « une impulsion a été donnée pour permettre à Malraux de créer des maisons de la culture, moyennant quoi toutes les maisons de la culture, ou à peu près, sont des foyers d’agitation révolutionnaire (Entretiens, p. 145) ».

Merci de rappeler les origines réelles de mai 68 : elles sont essentiellement culturelles et non conspiratives. Souvent la culture mène au chaos en France (1789-1830-1848…).

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Dans sa Mélancolie française, Éric Zemmour évoque courageusement le caractère méphitique de la politique culturelle de Malraux. Et cela donne, sur fond d’étatisme culturel-financier et de messianisme cheap (France, lumière du monde, terre de la liberté, etc.):

« En 1959, le général de Gaulle offrit à son « génial ami », André Malraux, un ministère de la Culture à sa mesure, sur les décombres du modeste secrétariat aux Beaux-Arts de la IVe République. Dans l’esprit de Malraux, la France devait renouer avec son rôle de phare révolutionnaire mondial, conquis en 1789 et perdu en 1917 ; devant en abandonner les aspects politiques et sociaux à l’Union soviétique et aux pays pauvres du tiers-monde, elle consacrerait toute son énergie et tout son talent à propager la révolution mondiale par l’art. »

France nouvelle URSS : un peu ironique, Éric ? Voyez donc :

«  Nouveau Monsieur Jourdain, Malraux faisait du « soft power » sans le savoir. »

Et de rappeler le rôle prestigieux de ce pays (l’ancienne France donc) jusqu’alors sans « ministère de la culture » :

« La France ne manquait pas d’atouts. Dans la première moitié du XXe siècle encore, Paris demeurait la capitale mondiale de la peinture moderne ; le cinéma français fut le seul (avec l’allemand) à résister au rouleau compresseur d’Hollywood, et les grands écrivains américains venaient en France humer l’air vivifiant de la première puissance littéraire. « Il n’y a qu’une seule littérature au monde, la française », plastronnait alors Céline. Dans les années 1960 encore, la chanson française – Aznavour, Brel, Brassens, Ferré, Barbara, Bécaud, etc. – s’avérait la seule à tenir la dragée haute à la déferlante anglo-saxonne partout irrésistible par l’alliage rare de talents exceptionnels et de puissance commerciale et financière. »

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J’en ai parlé de tout cela, notamment dans mon livre sur la comédie musicale américaine, genre qui vouait un culte à la ville-lumière : voyez deux chefs-d’œuvre comme Un américain à Paris ou Drôle de frimousse, sans oublier Jeune, riche et jolie, avec Danièle Darrieux. Tout cela disparait en…1958. Voyez aussi la Belle de Moscou de Mamoulian, qui se passe au Ritz. Paris meurt dans les sixties (voyez ici mon texte sur Mattelart).

Car les ennuis commencent sous De Gaulle :

« De Gaulle ne pouvait qu’être séduit ; il laissa la bride sur le cou à son glorieux ministre. Pourtant, le Général, par prudence de politique sans doute, sens du compromis avec les scories de l’époque, « car aucune politique ne se fait en dehors des réalités », amitié peut-être aussi, ne creusa jamais le malentendu qui s’instaura dès l’origine entre les deux hommes. »

Mais Zemmour souligne les différences :

« De Gaulle était, dans ses goûts artistiques, un « ancien » ; il écrivait comme Chateaubriand, goûtait la prose classique d’un Mauriac bien davantage que celle torrentielle de son ministre de la Culture ; il préférait Poussin à Picasso, Bach à Stockhausen. La France était pour lui l’héritière de l’Italie de la Renaissance, et de la conception grecque de la beauté. »

Malraux c’est autre chose :

« Malraux, lui, était un « moderne » ; hormis quelques génies exceptionnels (Vermeer, Goya, Rembrandt), il rejetait en vrac l’héritage classique de la Renaissance, et lui préférait ce qu’il appelait « le grand style de l’humanité », qu’il retrouvait en Afrique, en Asie, au Japon, en Amérique précolombienne. Il jetait pardessus bord la conception gréco-latine de la beauté et de la représentation, « l’irréel », disait-il avec condescendance, et remerciait le ciel, et Picasso et Braque, de nous avoir enfin ramenés au « style sévère » des grottes de Lascaux ou de l’île de Pâques. La révolution de l’art que porterait la France serait donc moderniste ou ne serait pas. »

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Malraux (que plus personne ne lit) saccage le jardin à la française et va jeter les froncés dans les bras musclés de la sous-culture US :

« Loin de créer un “contre-modèle” solide et convaincant au marché capitaliste de l’entertainment, comme les gaullistes et les marxistes français l’espérèrent de Malraux ministre et de ses successeurs socialistes, la politique culturelle inaugurée par l’auteur des Voix du silence parvenu au pouvoir, en d’autres termes la démocratisation du grand art du modernisme, s’est révélée, au cours de son demi-siècle d’exercice, un accélérateur de cela même qu’elle se proposait d’écarter des frontières françaises : l’afflux d’une culture de masse mondialisée et nivelée par le bas et le torrent des images publicitaires et commerciales déracinant tout ce qui pouvait subsister en France, dans l’après-guerre 1940-1945, de vraie culture commune enracinée comme une seconde nature par des siècles de civilisation. […] »

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On se rapproche de la phrase : « il n’y a pas de culture française » de Macron. Et Zemmour mélancolique  cite alors Marc Fumaroli, auteur de l’Etat culturel :

« Pour Fumaroli, l’Amérique ne pouvait pas perdre ce duel autour de l’« art moderne », qu’elle incarnait presque d’évidence, par sa puissance industrielle, ses gratte-ciel, son vitalisme économique et scientifique. La France de Malraux, au lieu de rester sur ses terres d’excellence de l’art classique, des mots et de la raison (héritées de Rome), vint jouer sur le terrain de l’adversaire, des images et des noces ambiguës de la modernité avec l’irrationnel primitif, même rebaptisé « premier ». L’échec était assuré. »

Entre cette culture déracinée, les villes nouvelles, la société de consommation (voir Baudrillard-Debord…), les autoroutes, le métro-boulot-dodo et la télé pour tous (voyez la vidéo de Coco Chanel…), on se demande ce qui pouvait rester de français à la fin de la décennie gaullienne : les barricades et les Shadocks ?

Lectures complémentaires:

https://www.amazon.fr/M%C3%A9lancolie-fran%C3%A7aise-Eric...

https://www.dedefensa.org/article/mattelart-les-jo-et-la-...

https://www.dedefensa.org/article/la-destruction-de-la-fr...

https://www.dedefensa.org/article/debre-et-le-general-fac...

https://www.amazon.fr/com%C3%A9die-musicale-am%C3%A9ricai...

mardi, 04 juin 2024

Orson Welles et sa fonction américaine très spéciale

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Orson Welles et sa fonction américaine très spéciale

Nicolas Bonnal

Je ne veux pas déboulonner une idole, mais simplement rappeler des faits. Je sais que je pourrais choquer, mais comme je ne lis jamais les commentaires… De toute manière je considère que l’individu génial, baroque, était plus intéressant par sa culture, ses facéties, son côté gauchiste caviar et Pantagruel d’opérette que le cinéaste. Lui-même reconnaissait ses maîtres (Ford, Griffith, Eisenstein…).

Orson Welles est un acteur-marionnettiste (activité symbolique et traditionnelle...) de formation, un agitateur qui vient de l’extrême-gauche américaine (qui a pris dans les années trente et quarante le contrôle de ce pays par le théâtre) et crée un Macbeth avec John Houseman (affairiste marxiste et prof de théâtre, très bon trente ans après dans le rôle de l’oligarque de service de Rollerball) et des acteurs afro-américains. Sa légendaire émission sur la guerre des mondes accompagnait une grosse campagne antinazie en Amérique. A l’époque, rappelle le grand historien communiste Eric Hobsbawn, 90% des Américains croient à la menace allemande… en 1938 donc, contre 11% qui croient à la menace stalinienne. Bravo les médias. A la fin de la guerre, en un claquement de doigts, on créera la menace soviétique-russe, dont on ne sortira que les pieds en fumée ! Bravo encore les médias.

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Le très surfait Citizen Kane (lisez l’analyse de Jacques Lourcelles ou celles de Pauline K.) attaque la presse Hearst qui est jugée pro-allemande par le département d’Etat. Le reste c’est du Rosebud, c’est-à-dire pas grand-chose ! Le mystère d’une vie comme celle de Hearst, tu parles… Citizen Kane est un brouillon de biopic, il n’y a que le documentaire du début qui tienne la route. Kane-Hearst y est ridiculisé comme pacifiste pro-hitlérien alors que l’équipe Roosevelt prépare la guerre depuis le milieu des années trente aux côtés des britanniques (lisez Ralph Raico, Beard, Rothbard, etc.)

Orson Welles est ensuite payé comme un agent gouvernemental (le gouvernement US est alors encore procommuniste, lisez George Crocker) pendant tout ce temps, cinéaste provocant mais raté qui multiplie les échecs commerciaux et les provocations formelles : lisez Pauline Kael qui en avait marre du culte, et puis Ciment qui tente de lui rétorquer, avant que Lourcelles ne remette tout le monde à sa place. Skorecki le décrétait baroque : trop d’effets théâtreux… Catherine Benamou dans son livre sur l’odyssée latino-américaine de Welles explique que sous couvert culturel (comme toujours), Welles travaille pour l’intelligence américaine, ni plus ni moins. Hollywood et la CIA : on en a parlé dans notre livre sur la comédie musicale, de cette opération de charme avec les latinos dont bénéficia surtout l’incroyable Carmen Miranda – qui était portugaise… Welles déclina ensuite car en temps de guerre froide il fut jugé trop à gauche. Il chercha l’argent du contribuable-producteur en France – comme tant d’autres après lui.

Avec beaucoup de retard, Wikipédia raconte ses exploits de propagande pendant la guerre. On sait (ou on croit) que l’Amérique du Sud a des penchants nazis suspects (en fait elle est surtout anglophobe et anti-impérialiste, à part Borges…), alors on utilise la carotte avec le bâton pour la ramener dans le camp du bien. Welles est envoyé là-bas, il travaille main dans la main avec Nelson Rockefeller qui tient le Venezuela, a appris l’espagnol et s’est acheté une somptueuse hacienda.

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Puis Welles rentre au bercail, continue des œuvres de propagande, comme ce Stranger, film ridicule qui évoque un nazi tueur qui arrive en Amérique pendant la guerre, se marie sans encombre mais n’est pas pris pour un nazi, sauf par un chasseur de nazi (Ed Robinson) ! C’est du maccarthysme à l’envers, mais qu’est-ce que c’est mal fait… Quelques années après, la chasse aux sorcières communistes commence et Welles évidemment pleure toutes les larmes de son corps. Il ne comprend pas que l’Etat profond orwellien a besoin de son ennemi russe. On répète Orwell encore et toujours : on crée un ennemi qu’on ne cherche JAMAIS à vaincre, mais qui justifie tout le reste, dépenses militaires, panique manipulée, paranoïa collective et surtout renforcement étatique ; les masses suivent ensuite ou roupillent, merci La Boétie.

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Quand Truman invente le péril soviétique (lisez l’historien disparu Ralph Raico à ce sujet, lisez aussi le fasciste américain Yockey qui en devenait presque russophile !), Welles perd ses jobs. La dame de Shanghai (a-t-on le doit de dire enfin que ce navet est pathétique ? « I don’t want to die ! ») le coule définitivement aux yeux des studios et il part ailleurs, recherchant difficilement de l’argent et en tournant le rôle du méchant (Cagliostro, le grand khan…) dans beaucoup de navets mondialisés. Voyez La tulipe noire d’Hathaway. Ma bonne ville de Fès y devient une capitale chinoise ! Il apparaît  en Bayan-Khan quelques minutes à cheval pour sonner des conseils de guerre aux Occidentaux. De quoi se remettre à René Grousset…

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Son Othello est scolaire et amusant (Mogador-Essaouira en est le vrai personnage), mais certainement au-dessous de Laurence Olivier, sa Soif du mal est un scandale pédagogique bien dans sa manière provocante : on se croirait chez Joe Biden. La police américaine et les Américains ont tous les torts, le haut fonctionnaire mexicain tiers-mondiste a toutes les vertus, mais il est joué par un Américain nommé Charlton Heston ! L’attentat est maquillé, et cela rend le film intéressant puisqu’on se rapproche des visions actuelles de la conspiration et du False Flag qui est maintenant sur toutes les langues. A noter que le monstrueux inspecteur Hank Quinlan (Welles fait même allusion à son obésité, et il joue déjà à la Godard sur la mort du cinoche et sur son culte nostalgique – voir le personnage vétuste et malsain de Marlène Dietrich) a toutefois raison et que le jeune Mexicain arrêté était vraiment un… terroriste ! Une séquence soigneusement ignorée annonce Psychose : un jeune débile travaille dans un motel, joué par Dennis Weaver, singé par Perkins ensuite (voyez mon Hitchcock).

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La suite est européenne. Mr Arkadin est décalé, jet set, bavard, conspiratif et provocateur (enquêtez sur moi, montrez le monstre que je suis…) et Welles joue d’Arkadin comme de Kane dans Citizen. Le personnage devient une manifestation plutonienne de l’entropique monstruosité américaine. Kane montrait le devenir spectaculaire du capitalisme américain (« le capital est devenu image », dit Guy Debord). Un spectacle avec rien derrière, des cadavres derrière le rideau. Le procès/The Trial (1963) devient une allusion à la shoah et à la guerre, avec les bons éclairs : les décors de Zagreb et notre belle gare d’Orsay transformée depuis en musée. Mais qu’Anthony Perkins est à la peine…

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Welles poursuit sa carrière crevée, devient « auteur » mythique à l’âge zombi de la cinéphilie universitaire (« Fin de l’Histoire… du cinéma, Tolstoï a expliqué comment l’étude et la critique tue les arts), et il réalise ce qui pour moi est le sommet, « le chef-d’œuvre inconnu » de son étrange, ennuyée et eschatologique carrière. F comme Fake, tourné en Espagne franquiste, le montre tel qu’il est : un faussaire qui vit de faux laborieusement inventés. Dans l’Espagne fasciste et tolérante du général Franco, ce gauchiste d’opérette (tous les gauchistes sont d’opérette, lisez Lénine enfin) adapte des Shakespeare plus ennuyeux les uns que les autres (Falstaff), filme les débuts de la bulle immobilière de Fraga avec son Don Quichotte et finalement confesse à la fin des années soixante-dix : le franquisme n’avait pas détruit toute l’Espagne, il lui restait la fierté, le machisme, la semaine sainte, la tauromachie, que sais-je, par contre la démocratie l’a anéantie elle et en quelques années seulement (Buñuel aussi le pense alors). Honnêteté qui lui fait honneur : enfin un gauchiste qui devient traditionnel (voyez Pasolini aussi…). Mais le ver était dans le fruit du franquisme, cette dictature condamnée, avait encore dit un Bernanos sublimement inspiré.

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Son meilleur film ? La splendeur des Amberson, opus nostalgique «Americana» qui évoque sur un ton proche de Boorstyn ou de Mumford la dévastation du territoire, de la société et de la civilisation américaine par la bagnole et l’industrialisation. L’écrivain Booth Tarkington fait allusion, dans le livre, à l’invasion migratoire européenne qui détruit le vieux pays des pionniers anglo-saxons. C’est soigneusement oublié dans le film. L’Americana est un genre très prisé par les gourmets et autres fans d’Henry King, et oublié, qu’on retrouve dans la comédie musicale (Belle de New York, Easter parade, Chantons sous la pluie…). Ajoutons en terminant que si Welles a inspiré le personnage de Norman Bates dans Psychose, l’actrice (Janet…) est la même que dans la Soif du mal...

Sources :

https://www.amazon.fr/Alfred-Hitchcock-condition-f%C3%A9m...

https://www.amazon.fr/com%C3%A9die-musicale-am%C3%A9ricai...

https://www.dedefensa.org/article/bunuel-et-le-grand-nean...

https://www.terreetpeuple.com/culture-enracinee-memoire-8...

 

 

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dimanche, 02 juin 2024

Paul Watzlawick et les pathologies occidentales

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Paul Watzlawick et les pathologies occidentales

Nicolas Bonnal

La guerre contre la Russie devait être la solution : elle est devenue le problème. L’Europe technocratique supranationale devait être la solution : elle est le problème. Le vaccin devait être la solution : il est devenu le problème. On continue ? Et quand quelque chose ne marche pas, il suffit d’insister.

On va voir plusieurs aspects du problème (vous savez, « la solution c’est le problème »). Le légendaire Paul Watzlawick avait souligné le caractère gothique de nos monstrueux systèmes de « santé » : la multiplication par trente des dépenses médicales a créé les conditions d’un effondrement humain : faible, endetté, complexé, le citoyen serait bon pour les abattoirs de la postmodernité et pour soixante vaccins par an. Tournant le dos aux enseignements de Jünger (dans les années cinquante –voyez mes textes) ou de Rudolf Steiner (dans les années vingt) le petit blanc occidental se donne aux monstres et aux charlatans des hôpitaux (Debord, Commentaires) pour un oui ou pour un non.

41mHMZOc8XL._AC_SY780_DpWeblab_.jpgDeux caractères m’enchantent chez Watzlawick, sa culture littéraire qui est vraiment étonnante – et son humour. Pour Watzlawick la solution est souvent le problème : et la presse britannique découvre l’écrasante défaite aujourd’hui de l’Ukraine et de l’Otan face à l’ours d’argile russe…Toutes les solutions de nos technocrates et politiciens froncés n’ont fait que créer de nouveaux problèmes sans jamais rien solutionner. Ce Watzlawick est un sage taoïste ironisant face au triomphe apocalyptique-millénaire des bureaucrates.

Mais laissons-lui la parole.

Faites-vous-même votre malheur, début du livre :

« Ce que les directeurs de zoo pratiquent dans leur modeste domaine, les gouvernements modernes tentent de l’accomplir à l’échelle nationale: confits dans la sécurité, il faut que les citoyens mènent une existence dégoulinante de bonheur du berceau jusqu’à la tombe. Pour atteindre ce noble objectif, il faut, entre autres choses, entreprendre et mener sans relâche l’éducation du public pour lui permettre d’accéder à des niveaux toujours plus élevés d’incompétence sociale. Il ne faut donc pas s’étonner de voir l’accroissement vertigineux des sommes consacrées dans le monde à la santé publique et aux diverses entreprises à caractère social. »

L’ironie dénonce cette attitude protectrice (cf. Tocqueville) qui débouche sur ses conséquences tragi-comiques et catastrophiques :

« Donnons quelques exemples: le total des dépenses de santé des États-Unis s’est élevé de 12,7 milliards de dollars en 1950 à 247,2 milliards en 1980. Les seules dépenses de médicaments et d’articles médicaux sont passées de 3,7 milliards à 19,2 milliards pendant la même période. Et les dépenses de Sécurité sociale ont connu une évolution aussi faramineuse, passant de 23,5 milliards en 1950 à 428,4 milliards en 1979 (24). Pour prendre un seul exemple européen, les statistiques actuelles font apparaître en Allemagne de l’Ouest une dépense quotidienne de 450 millions de DM pour le système de santé, c’est-à-dire trente fois plus qu’en 1950. Elles montrent aussi qu’on compte à tout moment une moyenne de 10 millions de personnes malades en République fédérale et que le citoyen moyen d’Allemagne de l’Ouest engloutit trente mille comprimés dans le cours de sa vie. »

On répète parce que c’est drôle : « le citoyen moyen d’Allemagne de l’Ouest engloutit trente mille
comprimés dans le cours de sa vie. »

Et vous ? Et moi ?
Certes un système aussi tragicomique ne peut être interrompu. Il doit aller au bout comme le Titanic de la « civilisation » moderne dont a parlé Jünger dans son Rebelle :

« Que l’on imagine ce qui nous arriverait en cas de ralentissement, voire ce qu’à Dieu ne plaise! –
d’inversion de cette tendance. Des ministères entiers et toutes sortes d’autres institutions monstrueuses s’effondreraient, des pans entiers de l’industrie feraient faillite et des millions d’hommes et de femmes se retrouveraient au chômage. Pour participer à la lutte contre l’éventualité d’un tel désastre, j’ai conscience du rôle modeste mais réel que peut jouer ce petit livre. »

La clé c’est ça. L’État moderne rend le citoyen nul et incapable, dépendant jusqu’au suicide – Tocqueville toujours et cette puissance publique, ce souverain qui nous enlèvera le trouble de penser et la peine de vivre, qui nous débarrassera dit Pearson vers 1990 du fardeau de la personnalité :

« L’État moderne a si grand besoin de l’impuissance et du malheur toujours croissant de ses citoyens qu’on ne peut laisser la satisfaction d’un tel besoin à la seule initiative individuelle, quelles qu’en soient les bonnes intentions. Comme dans tous les autres domaines de la vie humaine, le chemin de la réussite passe ici par la planification et le dirigisme de l’État. Être malheureux est certes à la portée du premier venu. »

les_cheveux_du_baron_de_munchhausen_psychotherapie_et_realite-25280-264-432.jpgAprès l’art de se rendre malheureux devient une occupation à plein temps, via la pharmacie ou les livres de « développement personnel » (défense de rire) :

« Mais se rendre malheureux, faire soi-même son propre mal heur sont des techniques qu’il faut
apprendre: à cet apprentissage-là, quelques coups du destin ne suffisent pas. Or, même dans les écrits des professionnels (c’est-à-dire des psychiatres et des psychologues), les renseignements utiles sont rares et le plus souvent fournis au hasard, en dehors de toute intention de l’auteur…. »

Mais venons-en à l’oncle Sam.

Dans son guide non conformiste pour l’usage de l’Amérique, Watzlawick règle ses comptes avec la matrice de Palo Alto qui fit sa fortune et sa célébrité. Le bouquin est en effet un règlement de comptes digne de figurer dans le répugnant brûlot de Philippe Roger sur les anti-américains de tout poil, qui comme on sait ont perdu la partie en France et en Europe – car plus l’Amérique sombre et devient folle (militairement, démographiquement, politiquement, culturellement et économiquement), plus elle fascine et domine les esprits européens réduits à l’état de zombis et de suicidaires bellicistes-écologistes. Il reste aux politiciens européens à liquider la population locale sur ordre des labos, des GAFAM et des fonds de pension US (merci aux dibbouks de Kunstler et à cette volonté du Tikkoun olam qui devait réparer le monde – sont-ils stupides ou vraiment mal intentionnés ?). Le problème est qu’en réduisant la population de leurs ouailles ici comme au Japon (-800.000/an depuis le vaccin) les « élites » américaines détruisent aussi leur capacité de nuire à l’échelle planétaire. Mais quand on dispose d’indices boursiers éternellement stratosphériques (quarante fois la valeur de 1980 quand l’or entre-temps n’a que triplé, et cinq fois celle de 2009), on peut tout se permettre, pas vrai ?

On sait que fille de l’Europe, l’Amérique, l’a toujours voulue détruire (le vieux continent est devenu une vieille incontinente), ce qui est devenu possible à partir de la Première Guerre Mondiale. Ruinée et dépeuplée par cette guerre, l’Europe devient une colonie US, achève de se ruiner avec la Deuxième Guerre Mondiale qui se fait sur ordre américain (voir Frédéric Sanford, Barnes, Preparata, etc.) et ensuite peu à peu dépose les âmes et les armes. Elle n’est qu’un ombre et la construction européenne apparaît pour ce qu’elle est : une déconstruction sur ordre « anglo-saxon », qui aujourd’hui revêt un caractère haineux et carrément exterminateur.

Le-Langage-du-changement.jpgJe reviendrai sur la lucidité des grands écrivains américains quant à la faculté de nuisance US qui est apparue dès la première moitié du dix-neuvième siècle : de Poe à Lovecraft en passant par Twain ou Hawthorne, il n’est pas un grand esprit US qui n’ait vu la catastrophe matérialiste et illuministe arriver : même Walt Whitman (voyez mon texte) en avait très bien parlé, une fois raccroché ses crampons de moderniste. Après la guerre de quatorze poursuivie pour les banquiers et la possession de la terre feinte, écrivains et dernières élites de souche anglo-saxonne culturelles décampent et vont sur l’Italie ou Paris ; et pendant que Stefan Zweig dénonce l’américanisation-uniformisation du monde (il dit bien que c’est la même chose), uniformisation qui repose sur le matérialisme, l’abrutissement et l’industrie culturelle (quelle alliance de mots tout de même), le banquier américain commence sa conquête de l’Europe, celle qui ravit nos leaders.

Donc dans son livre sur l’Amérique Watzlawick insiste sur la haine du père. Pays de grand remplacement et d’immigration, l’Amérique désavantage le père à partir des années 1870-1880.

« Les relations avec le père géniteur sont toutes différentes. Au début de son traité The American People, devenu un classique, l’anthropologue britannique Geoffrey Gorer analyse le phénomène typiquement américain du rejet du père, et l’attribue à la nécessité, qui s’imposait pratiquement à chacun des trente millions d’Européens qui émigrèrent aux Etats-Unis entre 1860 et 1930, de s’adapter aussi vite que possible à la situation économique américaine. Mais, en s’efforçant de faire de ses enfants (généralement nés aux États-Unis) de « vrais » Américains, il devint, pour ces derniers, un objet de rejet et de dérision. Ses traditions, ses connaissances insuffisantes de la langue et surtout ses valeurs constituaient une source de gêne sociale pour la jeune génération qui fut, à son tour, victime de la réprobation de ses enfants. »

Oui l’homme immigré est toujours désavantagé et ne peut plus éduquer ses enfants, car il ne maîtrise pas assez la nouvelle langue et sa nouvelle sous-culture de sport, de consommation ou de télévision. Lipovetsky en avait bien parlé pour les maghrébins en France. Dans la démocratie cool et nihiliste qu’il décrit, les parents n’ont plus droit de cité (sic). Comme dit ailleurs Guy Debord, on ressemble à son temps plus qu’à son père. Le grand livre de Booth Tarkington, la Splendeur des Amberson, mal adapté sur ce point essentiel par l’agent communiste et New Deal Orson Welles, en parle de ce grand remplacement. La technologie actuelle accélère l’inadaptation paternelle.

Mais le maître enfonce encore le cou :

« Ce rejet du père comme symbole du passé va de pair avec la surestimation des valeurs nouvelles et donc de la jeunesse. Le trentième anniversaire est cette date fatidique qui vous met au rebut du jour au lendemain, et mieux vaut ne pas parler du quarantième. Il en va de même avec l’engouement pour tout ce qui est nouveau, et tire sa qualité de cette nouveauté, même s’il s’agit d’une vieillerie sortie tout droit du magasin de friperie. »

9782020407236-475x500-1.jpgLa société de consommation s’impose et impose la rapide consommation sexuelle ou autre des femmes (Ô James Bond et le Tavistock Institute !) et des hommes (aujourd’hui confondus dans le sac unisexe) :

« Les slogans proclament imprimés sur les emballages des produits du supermarché même si l’on peut supposer, à juste titre, que farine ou aspirine, il s’agit toujours du même produit. Et le modèle de l’année d’un type d’automobile doit se distinguer du précédent, au moins par une enjolivure, même si ce qui importe, la technique de construction, n’a pas changé depuis des années. »

L’idéal totalitaire va s’imposer : on oublie la famille et on impose un groupe manipulé par un conditionnement ou un danger extérieur (pensez à ces films des années 70 qui bâtis sur l’implosion terminale de la famille imposent la naissance d’un groupe tenu par la peur et l’obéissance à un prêcheur ou un chef-clone issu du Deep State) ; Watzlawick encore :

« A cette foi utopique en l’avenir et au rejet du passé s’ajoute un autre élément, déjà évoqué: l’égalité et la stéréotypie, une éducation fondée sur l’intégration à la communauté. Cette félicité à venir devra être partagée à parts égales, il ne saurait être question de privilèges individuels. Depuis le jardin d’enfants, on inculque aux Américains qu’ils font partie d’un groupe, et que les valeurs, le comportement et le bien-être de ce groupe sont prépondérants. Toute pensée individuelle est répréhensible, sans parler d’une attitude non conforme. Les enseignants s’adressent à leurs élèves comme à un collectif, en se servant du mot class: Class, you will now write a composition about…, et cette entité amorphe qu’est la classe commence sa rédaction. Alors qu’un Européen ne supporte pas d’être pris pour Monsieur Tout-le-monde, le souci majeur d’un Américain est de ne pas dévier des normes du groupe. »

Ce groupe totalitaire et festif, abruti et bien soumis a donné en Europe les fous de Bruxelles et cette communauté européenne qui nous promet guerre, misère, Reset et totalitarisme informatique.

Mais venons-en au dernier point, le plus tragi-comique : « Il suffit d’insister ».

 On sait que l’occident ne veut plus s’arrêter quel que soit le sujet : sanctions, guerres, guerre mondiale, sanctions, dette, propagande, vaccin, sanctions, Reset, mondialisme, féminisme, antiracisme, immigration sauvage, sanctions toujours (treize doses pour rien), Europe, etc. Et s’il y a des problèmes c’est qu’il n’y a pas assez de tout cela. C’est qu’on n’a pas assez insisté, comme dit notre psychologue et humoriste, qui semble avoir été doté d’une double personnalité.

On l’écoute (extrait de son extraordinaire « Faites vous-même votre malheur ») :

« Cette formule apparemment toute bête: «il suffit d'insister», est l'une des recettes les plus assuré ment désastreuses mises au point sur notre planète sur des centaines de millions d'années. Elle a conduit des espèces entières à l'extinction. C'est une forme de jeu avec le passé que nos ancêtres les animaux connaissaient déjà avant le sixième jour de la création... »

La-Realite-de-la-realite.jpgLa solution souvent n’est plus adaptée ; mais au lieu de le reconnaître, on INSISTE. Watzlawick :

« L’Homme, comme les animaux, a tendance à considérer ces solutions comme définitives, valides à tout jamais. Cette naïveté sert seulement à nous aveugler sur le fait que ces solutions sont au contraire destinées à devenir de plus en plus anachroniques. Elle nous empêche de nous rendre compte qu'il existe - et qu'il a sans doute toujours existé - un certain nombre d'autres solutions possibles, envisageables, voire carrément préférables. Ce double aveuglement produit un double effet. D'abord, il rend la solution en vigueur de plus en plus inutile et par voie de conséquence la situation de plus en plus désespérée. »

On répète car on boit du « petit laid » : « D'abord, il rend la solution en vigueur de plus en plus inutile et par voie de conséquence la situation de plus en plus désespérée. »

Le maître autrichien poursuit :

« Ensuite, l'inconfort croissant qui en résulte, joint à la certitude inébranlable qu'il n’existe nulle autre solution, ne peut conduire qu'à une conclusion et une seule: il faut insister. Ce faisant, on ne peut que s'enfoncer dans le malheur. »

Watzlawick redéfinit ce phénomène :

« Ce mécanisme, depuis Freud, assure l'existence confortable de générations de spécialistes qui ont toutefois préféré à notre « il suffit d'insister » un terme de consonance plus scientifique : névrose. »

Ensuite il reformule cette aberration du comportement qui est l’essence du comportement apragmatique contemporain :

« Mais qu'importe le terme, pourvu qu'on ait l'effet. Et l'effet est garanti aussi longtemps que l'étudiant s'en tient à deux règles simples. Premièrement, une seule solution est possible, raisonnable, autorisée, logique; si elle n'a pas encore produit l'effet désiré, c'est qu'il faut redoubler d'effort et de détermination dans son application. Deuxièmement, il ne faut en aucun cas remettre en question l’idée qu'il n'existe qu'une solution et une seule. C'est sa mise en pratique qui doit laisser à désirer et peut être encore améliorée. »

Nous allons à la catastrophe. Mais ce n’est pas grave. Ils trouveront bien quelque chose…

jeudi, 30 mai 2024

Emmanuel Todd et le micro-théâtre militaire US

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Emmanuel Todd et le micro-théâtre militaire US

Nicolas Bonnal

La première version de ce texte compte une bonne dizaine d’années – ou même plus. On commence.

« Ce texte avait été rédigé il y a deux ou trois ans quand un autre danger de guerre menaçait, que Todd avait commenté.

Vite la guerre (lisez Ralph Raico pour comprendre) pour remonter dans les sondages. Le clown Trump sait à quoi se raccrocher, avec la bénédiction des faux sites comme Infowars.com !

Reprise de la quadruple troisième guerre mondiale, avec la bénédiction des bureaucraties mondialistes, de la gauche sociétale et des humanistes néocons.

Ceci dit, il va être dur de flanquer une raclée à tout le monde en même temps. Syrie, Russie, Iran, Corée, Chine, Venezuela… L’empire du bien ne sait plus où donner de la fête !

Or le plus marrant, comme le rappelle Fred Reed ce matin dans Unz.com, c’est que l’empire ne fait plus peur à personne. La Corée se fout du Donald, l’Iran hausse les épaules, la Chine rebâtît sa route de la soie. C’est quoi ce cirque alors ?

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Un qui avait tout dit en 2002 est Emmanuel Todd. Je le cite presque sans commenter :

« Nous assistons donc au développement d’un militarisme théâtral, comprenant trois éléments essentiels :

— Ne jamais résoudre définitivement un problème, pour justifier l’action militaire indéfinie de l’« unique superpuissance » à l’échelle planétaire.

— Se fixer sur des micro-puissances — Irak, Iran, Corée du Nord, Cuba, etc. La seule façon de rester politiquement au cœur du monde est d’« affronter » des acteurs mineurs, valorisant pour la puissance américaine, afin d’empêcher, ou du moins de retarder la prise de conscience des puissances majeures appelées à partager avec les États-Unis le contrôle de la planète : l’Europe, le Japon et la Russie à moyen terme, la Chine à plus long terme.

— Développer des armes nouvelles supposées mettre les Etats-Unis « loin devant », dans une course aux armements qui ne doit jamais cesser. »

Todd aime cette métaphore théâtrale, et il la file durant tout son livre. L’empire des transformers développe un cirque planétaire sous les acclamations de tous les Slate.fr, lemonde.fr et liberation.fr de cette belle planète de gauche, de droit et de démocratie :

« Il y a une logique cachée dans le comportement apparent d’ivrogne de la diplomatie américaine. L’Amérique réelle est trop faible pour affronter autre chose que des nains militaires. En provoquant tous les acteurs secondaires, elle affirme du moins son rôle mondial. Sa dépendance économique au monde implique en effet une présence universelle d’un genre ou d’un autre. L’insuffisance de ses ressources réelles conduit à une hystérisation théâtrale des conflits secondaires. »

Le pompier pyromane agite et fait des bulles :

« Un nouveau théâtre s’est récemment ouvert à l’activité de pompier pyromane des États-Unis : le conflit entre l’Inde et le Pakistan. Largement responsables de la déstabilisation en cours du Pakistan et de la virulence locale de l’islamisme, les États-Unis ne s’en présentent pas moins comme médiateur indispensable. »

Quinze ans près, plus personne ne veut de ce cirque US, sauf les médias sous contrôle et lus par les robots et les bobos qui surnagent.

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Sur l’Afghanistan, Todd écrit :

« La guerre d’Afghanistan qui a résulté de l’attentat du 11 septembre a confirmé l’option. Une fois de plus, les dirigeants américains se sont engouffrés dans un conflit qu’ils n’avaient pas prévu, mais qui confortait leur technique centrale que l’on peut nommer le micro-militarisme théâtral: démontrer la nécessité de l’Amérique dans le monde en écrasant lentement des adversaires insignifiants. Dans le cas de l’Afghanistan, la démonstration n’a été qu’imparfaite. »

On parodiera un titre célèbre de l’âge d’or hollywoodien : il n’y a pas de show business comme le business de la guerre.

“There no show business like war-business! »

A propos de l’OTAN et de ses gesticulations en pays balte, un colonel français, le colonel Lion je crois, a parlé d’opérations de « communication ». On verra. Mais malgré Libération et le NYT, l’Allemagne, je crois, préfèrera le gaz russe au nucléaire russe.

Emmanuel Todd montrait comme les nord-coréens ou les iraniens son absence de peur face à l’abrutissement impérial :

« Le gros de l’activité militaire américaine se concentre désormais sur le monde musulman, au nom de la « lutte contre le terrorisme », dernière formalisation officielle du « micro-militarisme théâtral ». Trois facteurs permettent d’expliquer la fixation de l’Amérique sur cette religion qui est aussi de fait une région. Chacun de ces facteurs renvoie à l’une des déficiences — idéologique, économique, militaire — de l’Amérique en termes de ressources impériales. »

Le délirium transsexuel et féministe de l’empire est ainsi souligné par Emmanuel Todd :

« Ce conflit culturel a pris depuis le 11 septembre un côté bouffon et à nouveau théâtral, du genre comédie de boulevard mondialisée. D’un côté, l’Amérique, pays des femmes castratrices, dont le précédent président avait dû passer devant une commission pour prouver qu’il n’avait pas couché avec une stagiaire ; de l’autre, Ben Laden, un terroriste polygame avec ses innombrables demi-frères et demi-sœurs. Nous sommes ici dans la caricature d’un monde qui disparaît. Le monde musulman n’a pas besoin des conseils de l’Amérique pour évoluer sur le plan des mœurs. »

Sautons quelques références et concluons sévèrement :

« Le cauchemar caché derrière le rêve de Brzezinski est en cours de réalisation : l’Eurasie cherche son équilibre sans les États-Unis. »

C’est la fin de McKinder et du rêve impérial anglo-saxon de contrôler l’île-monde à coups de trique.

2022-festival-teatro-miles-gloriousus.jpg

Je terminerai avec Plaute, qui dans son Miles Gloriosus, avait écorné l’image du militaire fanfaron (Remacle.org) :

« Soignez mon bouclier; que son éclat soit plus resplendissant que les rayons du soleil dans un ciel pur. Il faut qu’au jour de la bataille, les ennemis, dans le feu de la mêlée, aient la vue éblouie par ses feux. Et toi, mon épée, console-toi, ne te lamente pas tant, ne laisse point abattre ton courage, s’il y a trop longtemps que je te porte oisive à mon côté, tandis que tu frémis d’impatience de faire un hachis d’ennemis. »

Source:

https://www.dedefensa.org/article/emmanuel-todd-et-le-micro-theatre-militaire-us

Emmanuel Todd et le micro-théâtre militaire US

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Emmanuel Todd et le micro-théâtre militaire US

Nicolas Bonnal

La première version de ce texte compte une bonne dizaine d’années – ou même plus. On commence.

« Ce texte avait été rédigé il y a deux ou trois ans quand un autre danger de guerre menaçait, que Todd avait commenté.

Vite la guerre (lisez Ralph Raico pour comprendre) pour remonter dans les sondages. Le clown Trump sait à quoi se raccrocher, avec la bénédiction des faux sites comme Infowars.com !

Reprise de la quadruple troisième guerre mondiale, avec la bénédiction des bureaucraties mondialistes, de la gauche sociétale et des humanistes néocons.

Ceci dit, il va être dur de flanquer une raclée à tout le monde en même temps. Syrie, Russie, Iran, Corée, Chine, Venezuela… L’empire du bien ne sait plus où donner de la fête !

Or le plus marrant, comme le rappelle Fred Reed ce matin dans Unz.com, c’est que l’empire ne fait plus peur à personne. La Corée se fout du Donald, l’Iran hausse les épaules, la Chine rebâtît sa route de la soie. C’est quoi ce cirque alors ?

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Un qui avait tout dit en 2002 est Emmanuel Todd. Je le cite presque sans commenter :

« Nous assistons donc au développement d’un militarisme théâtral, comprenant trois éléments essentiels :

— Ne jamais résoudre définitivement un problème, pour justifier l’action militaire indéfinie de l’« unique superpuissance » à l’échelle planétaire.

— Se fixer sur des micro-puissances — Irak, Iran, Corée du Nord, Cuba, etc. La seule façon de rester politiquement au cœur du monde est d’« affronter » des acteurs mineurs, valorisant pour la puissance américaine, afin d’empêcher, ou du moins de retarder la prise de conscience des puissances majeures appelées à partager avec les États-Unis le contrôle de la planète : l’Europe, le Japon et la Russie à moyen terme, la Chine à plus long terme.

— Développer des armes nouvelles supposées mettre les Etats-Unis « loin devant », dans une course aux armements qui ne doit jamais cesser. »

Todd aime cette métaphore théâtrale, et il la file durant tout son livre. L’empire des transformers développe un cirque planétaire sous les acclamations de tous les Slate.fr, lemonde.fr et liberation.fr de cette belle planète de gauche, de droit et de démocratie :

« Il y a une logique cachée dans le comportement apparent d’ivrogne de la diplomatie américaine. L’Amérique réelle est trop faible pour affronter autre chose que des nains militaires. En provoquant tous les acteurs secondaires, elle affirme du moins son rôle mondial. Sa dépendance économique au monde implique en effet une présence universelle d’un genre ou d’un autre. L’insuffisance de ses ressources réelles conduit à une hystérisation théâtrale des conflits secondaires. »

Le pompier pyromane agite et fait des bulles :

« Un nouveau théâtre s’est récemment ouvert à l’activité de pompier pyromane des États-Unis : le conflit entre l’Inde et le Pakistan. Largement responsables de la déstabilisation en cours du Pakistan et de la virulence locale de l’islamisme, les États-Unis ne s’en présentent pas moins comme médiateur indispensable. »

Quinze ans près, plus personne ne veut de ce cirque US, sauf les médias sous contrôle et lus par les robots et les bobos qui surnagent.

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Sur l’Afghanistan, Todd écrit :

« La guerre d’Afghanistan qui a résulté de l’attentat du 11 septembre a confirmé l’option. Une fois de plus, les dirigeants américains se sont engouffrés dans un conflit qu’ils n’avaient pas prévu, mais qui confortait leur technique centrale que l’on peut nommer le micro-militarisme théâtral: démontrer la nécessité de l’Amérique dans le monde en écrasant lentement des adversaires insignifiants. Dans le cas de l’Afghanistan, la démonstration n’a été qu’imparfaite. »

On parodiera un titre célèbre de l’âge d’or hollywoodien : il n’y a pas de show business comme le business de la guerre.

“There no show business like war-business! »

A propos de l’OTAN et de ses gesticulations en pays balte, un colonel français, le colonel Lion je crois, a parlé d’opérations de « communication ». On verra. Mais malgré Libération et le NYT, l’Allemagne, je crois, préfèrera le gaz russe au nucléaire russe.

Emmanuel Todd montrait comme les nord-coréens ou les iraniens son absence de peur face à l’abrutissement impérial :

« Le gros de l’activité militaire américaine se concentre désormais sur le monde musulman, au nom de la « lutte contre le terrorisme », dernière formalisation officielle du « micro-militarisme théâtral ». Trois facteurs permettent d’expliquer la fixation de l’Amérique sur cette religion qui est aussi de fait une région. Chacun de ces facteurs renvoie à l’une des déficiences — idéologique, économique, militaire — de l’Amérique en termes de ressources impériales. »

Le délirium transsexuel et féministe de l’empire est ainsi souligné par Emmanuel Todd :

« Ce conflit culturel a pris depuis le 11 septembre un côté bouffon et à nouveau théâtral, du genre comédie de boulevard mondialisée. D’un côté, l’Amérique, pays des femmes castratrices, dont le précédent président avait dû passer devant une commission pour prouver qu’il n’avait pas couché avec une stagiaire ; de l’autre, Ben Laden, un terroriste polygame avec ses innombrables demi-frères et demi-sœurs. Nous sommes ici dans la caricature d’un monde qui disparaît. Le monde musulman n’a pas besoin des conseils de l’Amérique pour évoluer sur le plan des mœurs. »

Sautons quelques références et concluons sévèrement :

« Le cauchemar caché derrière le rêve de Brzezinski est en cours de réalisation : l’Eurasie cherche son équilibre sans les États-Unis. »

C’est la fin de McKinder et du rêve impérial anglo-saxon de contrôler l’île-monde à coups de trique.

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Je terminerai avec Plaute, qui dans son Miles Gloriosus, avait écorné l’image du militaire fanfaron (Remacle.org) :

« Soignez mon bouclier; que son éclat soit plus resplendissant que les rayons du soleil dans un ciel pur. Il faut qu’au jour de la bataille, les ennemis, dans le feu de la mêlée, aient la vue éblouie par ses feux. Et toi, mon épée, console-toi, ne te lamente pas tant, ne laisse point abattre ton courage, s’il y a trop longtemps que je te porte oisive à mon côté, tandis que tu frémis d’impatience de faire un hachis d’ennemis. »

Source:

https://www.dedefensa.org/article/emmanuel-todd-et-le-micro-theatre-militaire-us

mardi, 28 mai 2024

Emmanuel Todd et le narcissisme occidental

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Emmanuel Todd et le narcissisme occidental

Nicolas Bonnal

Pepe Escobar a bien résumé récemment les observations d’Emmanuel Todd. Elles me conduisent à rapprocher cet auteur de Freud quand, dans son Inquiétante étrangeté (que j’ai beaucoup évoqué dans mon livre sur Kubrick), ce dernier évoque les démêlés du narcissisme psychique avec la trop dure réalité et « ses véhémentes protestations »…

Le plus important est là, rappelle Escobar :

« 1. Au début de l’opération militaire spéciale (SMO) en février 2022, le PIB combiné de la Russie et de la Biélorussie ne représente que 3,3% de celui de l’Occident réuni (en l’occurrence la sphère de l’OTAN plus le Japon et la Corée du Sud). Todd s’étonne que ces 3,3%, capables de produire plus d’armes que l’ensemble du colosse occidental, non seulement gagnent la guerre, mais réduisent à néant les notions dominantes de l’«économie politique néolibérale» (taux de PIB). »

C’est Kubrick qui fait dire dans Folamour à un de ses généraux génocidaires yankees qu’on est face à un tas de moujiks ignorants. Donc avec 3% du PNB des USA, ou de l’Espagne (qui refile, Pierre déshabillant Paul, ses Patriot à Z.), ou de Monaco, la Russie tient tête à tout l’occident. On verra quand l’Otan enverra ses troupes : leur énième opération barbe roussie promet...

Puis on se rapproche de Freud :

« 2. La «solitude idéologique» et le «narcissisme idéologique» de l’Occident – incapable de comprendre, par exemple, comment «l’ensemble du monde musulman semble considérer la Russie comme un partenaire plutôt que comme un adversaire». »

Je vais citer Freud (voyez mon texte sur Freud politiquement incorrect – et Dieu qu’il l’était, comme le rappela Onfray –exemplaire dédicacé à Mussolini !) :

« L’analyse de ces divers cas d’inquiétante étrangeté nous a ramenés à l’ancienne conception du monde, à l’animisme, conception caractérisée par le peuplement du monde avec des esprits humains, par la surestimation narcissique de nos propres processus psychiques, par la toute-puissance des pensées et la technique de la magie basée sur elle, par la répartition de forces magiques soigneusement graduées entre des personnes étrangères et aussi des choses (Mana), de même que par toutes les créations au moyen desquelles le narcissisme illimité de cette période de l’évolution se défendait contre la protestation évidente de la réalité. »

C’est pareil pour tout : invasion migratoire, abolition des sexes, nazisme sanitaire, dette immonde, catastrophe ou sabotage écolo-politique : l’occident veut nier toute réalité. Il est gnostique au sens bouffonnant du terme. Cette tendance ancienne (perçue déjà par Poe, Nietzsche ou Tocqueville) s’est accélérée avec Internet, comme je l’avais montré dans mon bouquin publié en 2001 et qui s’était retrouvé (horresco referens…) Une du Monde des Livres. J’avais aussi évoqué les techno-lords (notion qui m’a été froidement piquée depuis) et cette technognose qui doit déboucher nûment sur leur homme-robot.

Continuons avec Todd résumé par Escobar :

« 4. L’implosion, étape par étape, de la culture WASP, qui a conduit, «depuis les années 1960», à «un empire privé de centre et de projet, un organisme essentiellement militaire géré par un groupe sans culture (au sens anthropologique)». Voilà comment Todd définit les néocons américains. »

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Cette implosion a été décrite par Kevin McDonald et surtout par Thomas Frank dans un livre demeuré non traduit : la conquête du cool. Frank évoque le rôle de la pub (et de Volkswagen) pour altérer le logiciel américain. Pour moi l’aspect le plus important est que «l’on peut ne pas reconnaître un peuple après cinq ans de reprogrammation.» On fabrique du gastronome, du mangeur d’insectes, du héros, du crétin, du lâche, de l’écolo-antiraciste-féministe imbécile en finalement peu de temps. C’est ce qu’explique génialement l’Anglaise géniale de Taine …

Pepe ajoute ensuite excellemment :

« 8. La critique acerbe de Todd sur l’esprit de 1968 mériterait un tout nouveau livre. Il évoque «l’une des grandes illusions des années 60 – entre la révolution sexuelle anglo-américaine et Mai 68 en France» : «croire que l’individu serait plus grand s’il était libéré du collectif». Cela a conduit à une débâcle inévitable : «Maintenant que nous sommes libérés, en masse, des croyances métaphysiques, fondatrices et dérivées, communistes, socialistes ou nationalistes, nous vivons l’expérience du vide». Et c’est ainsi que nous sommes devenus «une multitude de nains mimétiques qui n’osent pas penser par eux-mêmes – mais se révèlent aussi capables d’intolérance que les croyants de l’Antiquité».

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Lipovetsky a très bien décrit cette ère du vide il y a déjà quarante ans. Et Debord parle déjà d’un conglomérat de solitudes sans illusions, et Pouchkine (dans Eugène Onéguine, traduction de ma femme) écrit génialement à vingt ans vars 1820 :

« Mais nous n’avons même pas de l’amitié.

Nous avons détruit tous les préjugés ;

On prend pour les zéros les autres gens

En se prenant pour le « un » sérieusement.

Tous – nous tendons vers Napoléon,

Et les bipèdes créatures, en millions,

Ne sont pour nous que des outils ;

Le sentiment pour nous est une étrange bêtise. »

Lignes extraordinaires. Disparition des corps intermédiaires ; l’individu nu devant le marché (Houellebecq, pour faire facile) ou devant l’Etat (Jouvenel).

Sur les USA, sujet essentiel tout de même :

« 5. Les États-Unis en tant qu’entité «post-impériale» : une simple coquille de machinerie militaire privée d’une culture axée sur l’intelligence, conduisant à «une expansion militaire accentuée dans une phase de contraction massive de sa base industrielle». Comme le souligne Todd, «la guerre moderne sans industrie est un oxymore». »

Notons que Baudrillard nie le déclin US comme d’autres : le pays au sens matériel est liquidé par son élite gnostique (Yvan Blot avait beaucoup insisté sur cette notion lors de nos entretiens), puissance militaire incluse, mais sa matrice informatique et médiatique – et maintenant pharmaceutique – imbibe le monde. Elle tient l’Inde et le Brésil sous sa coupe par exemple, Brics ou pas Brics. Quant au président chinois, on sait qu’il ne jure que par « son ami Bill Gates »… Avant de parler de Libération…

51P7Gk0fJRL._AC_SY780_.jpgSur l’Europe maintenant :

« 10. Le «suicide assisté» de l’Europe. Todd rappelle que l’Europe, au départ, c’était le couple franco-allemand. Puis, après la crise financière de 2007/2008, ce couple s’est transformé en «un mariage patriarcal, avec l’Allemagne comme époux dominant qui n’écoute plus son compagnon». L’UE a abandonné toute prétention à défendre les intérêts de l’Europe en se coupant de l’énergie et du commerce avec son partenaire, la Russie, et en se sanctionnant elle-même. Todd identifie, à juste titre, l’axe Paris-Berlin remplacé par l’axe Londres-Varsovie-Kiev : ce fut «la fin de l’Europe en tant qu’acteur géopolitique autonome». Et cela s’est produit seulement 20 ans après l’opposition commune de la France et de l’Allemagne à la guerre néoconservatrice contre l’Irak. »

Rappelons que Todd sur ce sujet comme sur d’autres s’est complètement trompé, qui annonçait sans preuves une Europe libre et vive dans son Après l’Empire. Ce titre était faux aussi : l’Empire croît et se multiplie – à chaque clic pour commencer. Malheur à celui qui recèle des déserts, dit Zarathoustra…

Enfin, on enfonce une porte ouverte :

« 11. Todd définit correctement l’OTAN en plongeant dans «leur inconscient» : «Nous constatons que son dispositif militaire, idéologique et psychologique n’existe pas pour protéger l’Europe occidentale, mais pour la contrôler». »

On verra si la réalité (qui vit encore en contact avec elle, terrestre ou céleste ?) peut encore quelque chose contre le monde virtuel que notre « amer Caïn » a mis en place pour contrôler le monde ou ce qui reste de nos vieilles et fainéantes nations européennes. Le triomphe de l’OMS dans quelques semaines va nous rappeler qui est le maître.

Priez fort.

Sources :

https://reseauinternational.net/comment-loccident-a-ete-vaincu/

https://www.amazon.fr/Internet-nouvelle-initiatique-Nicol...

https://www.amazon.fr/Conquest-Cool-Business-Countercultu...

https://www.amazon.fr/EUGENE-ONEGUINE-Bilingue-Traduction...

https://www.amazon.fr/D%C3%A9faite-lOccident-Emmanuel-Tod...

https://www.amazon.fr/Apr%C3%A8s-lempire-d%C3%A9compositi...

https://nicolasbonnal.wordpress.com/2023/10/20/michel-fou...

 

17:02 Publié dans Sociologie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sociologie, nicolas bonnal, emmanuel todd, occident | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

vendredi, 12 avril 2024

La destruction de la France au cinéma

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La destruction de la France au cinéma

par Nicolas Bonnal

Mon livre commente la destruction – ou la disparition de la France – de 1945 aux années 70. Je considère que si la France est devenue ce que l’on sait depuis, elle était déjà foutue alors – dans les années 70. Je l’ai perçue ainsi enfant déjà quand j’y venais, sorti de ma tranquille Tunisie. Je suis arrivé à Brest en famille en 1972, ville entièrement détruite et reconstruite, artificielle au possible. Cela ne parlait que football et télé à l’école et j’avais déjà le caractère des trois vieux emmerdeurs des Vieux de la Vieille. Mon seul réconfort visuel : les classiques US à la télé encore bien doublés et Chapeau melon et bottes de cuir – Emma Peel et Tara King. Le reste c’était les ZUP et les supermarchés. Et la foule « non encore remplacée » s’y engouffrait gaiment, comme si elle n’avait jamais connu – et aimé – que cela. Le litre d’essence à un franc dix-sept…

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Ce qui restait de la France c’était des bribes: le petit village, la petite campagne vite captée le tourisme industriel avant de servir d’investissement immobilier au bourgeois enraciné. Le reste était promis à plus d’industrialisation, plus de destruction, plus de remplacement. On avait une émission affolante qui s’appelait : La France défigurée (Péricard et Bériot) le samedi je crois, après manger (IE vite triturer ce qu’il y a dans le frigo).

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Le remplacement aussi m’est apparu dès cette époque: on se foutait de l’histoire, de la littérature; on aimait la baise, le tourisme, la gesticulation motorisée; on aimait la destination exotique, la bouffe nouvelle, et la spéculation. Et on est passé de mille balles du mètre à dix mille euros en cinquante ans, et à peu près partout. On s’adapte, comme dit Céline.

Le cinéma a bien filmé tout cela: il est la vérité vingt-quatre fois par seconde quand la télé est le mensonge vingt-quatre fois par seconde – conditionnement pour accepter tout ça et pour la fermer. J’ai vu par le cinéma la France remplacée dans Play Time de Tati, j’ai vu la France cybernétique et totalitaire dans Alphaville, et j’ai vu les Valseuses. J’ai vu la fin des ânes dans le Balthazar de Bresson (tué par le trafic et le vélomoteur).

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J’ai vu disparaitre ce qui restait d’Ancien Régime: le marquis libertin de la Femme du boulanger, les paysans traditionnels de Farrebique, les chevaliers servants de l’Empire dans Alerte au Sud (l’admirable film de Devaivre). J’ai vu disparaitre les curés aussi : c’est l’athée Jean Renoir qui filme un chant du cygne antimoderne dans le Déjeuner sur l’herbe. Son curé y est prodigieux et y annonce comme ceux de Pagnol la grande catastrophe. Mais les idiots avancent toujours, les somnambules, dit Hermann Broch.

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A la place est apparue une société froide et structurée autour de nouveaux axiomes : le capitalisme, l’Etat-providence, le court terme, le sexe, la violence fantasmée, la sottise télé. Tout cela a suscité au début des résistances (merci à Guy Debord qui m’aura éclairé pour tout) et puis on s’est habitué. Va critiquer la télé maintenant, va… Va remettre en cause l’usage hypnotique de la technologie, va… C’est Fahrenheit 451 partout (marrant tout de même ce film de Truffaut tourné en anglais et pas en français).

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Un écrivain américain (Thomas Frank) a parlé de conquête du cool et il dit qu’une cinq ans on change un peuple. Patrick McGoohan (le Prisonnier, seule série à connaître) dit qu’on ne peut échapper ni au Pentagone ni à Madison ni à la télé. Le peuple ‘froncé’ fut créé sous le gaullisme en quelques années. On peut dire que le phénomène était partout le même, mais je tape quand même sur le gaullisme, sur son culte indécent, sur sa constitution, sur ses trente glorieuses, sur ses grandes transformations, sur sa société de consommation. Comme disait André Bercoff dans sa Reconquête ces technocrates gaullistes et arrogants auraient dû lire les situationnistes pour voir dans quel hexagone ils nous mettaient.

Certes la France est coutumière du fait: c’est un pays implacable quand il s’agit d’idées neuves, a dit le professeur Paul Hazard. On aime s’y refaire à neuf. Le bonheur est une idée neuve, etc. On aime les nouvelles vagues, etc. On aime se moderniser, se créoliser, se remplacer, se renouveler, etc. C’est la Lumière du monde (dixit de Gaulle) donc on peut tout se permettre. Mais franchement c’est ici que la technocratie aura fait le plus de dégâts; ensuite les écologistes ont pris le relais et ont couvert leur hexagone d’éoliennes.

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J’en suis resté à Nerval et à Adrienne moi, et à la danse de la Chapelle dans Drôle de frimousse, filmé par un petit juif nommé Stanley Donen, qui avait déjà réalisé dix chefs-d’œuvre et qui lui aussi allait affronter l’ère du cool américaine et ne plus s’en remettre – voyez mon livre sur la comédie musicale américaine. Stanley bis (l’autre génie juif c’est Kubrick) a filmé la chute de Paris dans Charade : on est en 1963 seulement.  Chute brutale : la ville perd son charisme ; c’est une « commodité ».

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Après c’est Open bar, après c’est les drugstores, les aéroports, les autorités, les banlieues dégueulasses pour parler comme Belmondo (Nanterre forever) les bagnoles moches, les camps de vacances (vive les bronzés !), après c’est aussi une bonne inconscience de plus abruti par la consommation et par la télé, abrutissement que filment Godard ou Pierre Etaix au début des années soixante. Etaix aussi ne s’en remettra pas et Godard disparaît pour une décennie et sans doute pour toujours – un peu comme Rimbaud parti pour l’Abyssinie et revenu pour se faire amputer – ici par la commission d’avances sur recettes. C’est Nina Simone qui déclare à un Ardisson interloqué qu’elle n’aime plus venir à Paris, ville dénaturée explique-t-elle. 

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Dans les années cinquante quand Tati filme Mon Oncle, le public français réagit encore (peut encore réagir) et le monde entier aime son film ; et en URSS explique le grand et génial Jacques, le film rencontre un immense succès car la bourgeoisie en prend plein la gueule. Dix ans plus tard le modèle américain a gagné, la bourgeoisie américanisée et motorisée a gagné et elle a imposé son modèle. Play Time est un film aussitôt oublié et nié: on a mieux à faire dans les journaux bourgeois, on adore le gauchisme, le cul, la violence, la rébellion, notions toutes recyclées par nos bourgeois. La société postmoderne vit de la haine qu’elle s’inspire comme tel champ vit de la merde de ses paysans.

Mais comme c’est au sens figuré c’est plus grave.

Le système crée alors d’autres modèles : ses vieux râleurs (Gabin…), ses nostalgiques (Audiard…) qu’on aime bien et qu’on évoquera ici. Il crée des loubards, des queutards, des râleuses, des bobos, des renégats, des richards, des paumés, des consommateurs. On est dans la société de services, les sévices se multiplient.

Trois citations pour terminer. On espère qu’elles exaspèreront les imbéciles et rafraichiront l’imagination des bons chrétiens comme dit Léon Bloy. Mes fidèles lecteurs les connaissant déjà :

bd16859e0b2d598bc05770be8bc14d7c.jpgDebord sur la mafia et l’avilissement universel:

« C’était une forme de crime organisé qui ne pouvait prospérer que sur la « protection » de minorités attardées, en dehors du monde des villes, là où ne pouvait pas pénétrer le contrôle d’une police rationnelle et des lois de la bourgeoisie. La tactique défensive de la Mafia ne pouvait jamais être que la suppression des témoignages, pour neutraliser la police et la justice, et faire régner dans sa sphère d’activité le secret qui lui est nécessaire. Elle a par la suite trouvé un champ nouveau dans le nouvel obscurantisme de la société du spectaculaire diffus, puis intégré : avec la victoire totale du secret, la démission générale des citoyens, la perte complète de la logique, et les progrès de la vénalité et de la lâcheté universelles, toutes les conditions favorables furent réunies pour qu’elle devînt une puissance moderne, et offensive. »

Louis_de_Bonald_by_Julien_Léopold_Boilly.jpgBonald sur la disparition du sol et du peuple :

« Le sol n’est pas la patrie de l’homme civilisé ; il n’est pas même celle du sauvage, qui se croit toujours dans sa patrie lorsqu’il emporte avec lui les ossements de ses pères. Le sol n’est la patrie que de l’animal; et, pour les renards et les ours, la patrie est leur tanière. Pour l’homme en société publique, le sol qu’il cultive n’est pas plus la patrie, que pour l’homme domestique la maison qu’il habite n’est la famille. L’homme civilisé ne voit la patrie que dans les lois qui régissent la société, dans l’ordre qui y règne, dans les pouvoirs qui la gouvernent, dans la religion qu’on y professe, et pour lui son pays peut n’être pas toujours sa patrie… Dès lors, l’émigration fut une nécessité pour les uns, un devoir pour les autres, un droit pour tous. »

300px-Édouard_Drumont.jpgDrumont enfin sur le Français et Paris remplacés :

« L’être qui est là est un moderne, un nihiliste, il ne tient à rien. Il n’est guère plus patriote que les trois cent mille étrangers, que l’aveuglement de nos gouvernants a laissé s’entasser dans ce Paris dont ils seront les maîtres quand ils voudront ; il ne se révoltera pas comme les aïeux sous l’empire de quelque excitation passagère, sous une influence atmosphérique en quelque sorte qui échauffe les têtes et fait surgir des barricades instantanément. » 

Cela me parait important pour dire que l’immigration et le racisme qui va avec n’ont rien à faire ici et que le Grand Remplacement était joué dans les seventies sous Pompidou-Giscard. Après on a créé un être festif et nul (le bobo) nourri au bio et au cinoche de festival – et aussi et surtout comme partout ailleurs un maniaque du cinéma américain – non pas de Walsh, Hawks et Wilder, mais des blockbusters et des films-culte. C’est un autre sujet.

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J’ai choisi une centaines de films ici et comme dit notre correcteur Franz cela fait notice. C’est l’effet recherché. On a oublié de parler de Melville qui dans plusieurs films a fait mouche : dans Le Cercle rouge, il montre la société froide et glacée et technocratique qui sort du gaullisme (une société structuraliste) ; dans l’Armée des ombres il montre le martyrologue de la Résistance (la France antichrétienne et assez peu résistante adore se créer des religions de substitution) ; et dans Deux hommes dans Manhattan il dévoile les dessous sexuels des élites françaises à New York, la laideur de New York by night sans technicolor et la pourriture de cette ONU qui n’a pas fini de nous en faire baver. Le tout sans prétentions, sans y toucher, presque techniquement. Pas étonnant qu’on l’ait oublié : de toute manière il n’y a plus de nostalgie. Tout est mort et très enterré – y compris les nostalgiques.

Je peux en parler moi qui ai pleuré à la mort de Tati (un russe), de Buñuel (un aragonais) ou de Simone Signoret (autre immigrée) qui l’a bien dit: la nostalgie n’est plus et ne sera plus ce qu’elle était. Le Grand Reset a déjà eu lieu dans tous les cerveaux et le froncé pouvait se faire remplacer physiquement. Il ne sait plus s’il est vivant le froncé entre sa télé et sa pharmacopée. Ce n’est même pas vrai d’ailleurs: il est plus vieux, engraissé par la dette, et servi par le tiers-monde après avoir bien vécu après mai 68 ; mais de quoi se plaint-il ?

Un grand regret, que les films français de cette époque damnée ne soient pas meilleurs – mais c’est que la France est depuis longtemps un pays surfait et brillant qui vit de sa légende et de sa propagande ; Paris aussi est surestimé un peu comme Washington, car c’est une ville qui a été conçue par les bonapartistes et les républicains pour impressionner, et épater le touriste bourgeois. Le Grand Meaulnes est un film d’italien tourné avec un acteur… ukrainien ; on n’a rien fait sur Nerval et son Adrienne essence de la France druidique et médiévale enfouie ; du coup on a rajouté quelques comédies musicales à notre convenance qui toutes tournées dans les années cinquante ont montré au béotien hexagonal ce que c’était Paris avant son impeccable destruction moderniste et industrielle des années soixante.

9782251390062.jpgComme dit mon ami Paucard dans ses Criminels du béton on n’a plus écrit de chanson à la gloire de Paris depuis cette époque, alors…

J’ai donc cité peu de films des années 80 et d’après. Je considère en effet que le mal était fait. On n’avait plus que du crétinisme subventionné à pourfendre et notre religion était faite avec J. J. Annaud: il valait mieux s’exporter que s’abonner aux Nuits fauves des huns et des autres. Notre film préféré, à Tetyana et moi, ce sont les Visiteurs parce que le serf s’adapte tout de suite (normal on est dans une société de services) à l’affreux monde (banquiers, bowlings et château recyclé sans oublier la rocade qui traumatise notre génial dentiste surexcité) et parce que le noble Hubert qui trouve que tout pue décide de retourner dans son moyen âge, laissant nos contemporains à leur kolkhoze fleuri, comme dit Audiard (on a fait pire que le kolkhoze ici comme à l’ouest du Pecos, Michel, allez…).

Notre plan préféré ? Gabin, de retour à Sarcelles ne reconnaît pas sa ville.

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Sources

https://www.amazon.fr/DESTRUCTION-FRANCE-AU-CINEMA/dp/B0C9S8NWXX/ref=sr_1_7?dib=eyJ2IjoiMSJ9.VyJG2u84Y0plh3EzUCAOn3ehipeT0N8WH3rOBZoJPys_Ovmn2U2JPKXHeacTehu2_3qF1P49v9QIPJjw2PF4stPkB9Kg4jYXG1m6r7b1n2xM3a2cvXeCqL5tEpJF8_1r-4sNIbezL-C26FxRO-Mjgn75hiXqc6twA5YgyyIpX5MzhfXTJdwJED7jfvNGtjMNZO3A8SfVqtTdDqvOZWOHtYKhxwlaJqUWvuYPkwycTu0.3y9vfG-SWiOB9WjHTmKblikcqsV1l5LfsntBCbJ8M_4&dib_tag=se&qid=1712396731&refinements=p_27%3ANicolas+Bonnal&s=books&sr=1-7

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vendredi, 22 mars 2024

Maxime du Camp et l’éternel ridicule français en 1870 

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Maxime du Camp et l’éternel ridicule français en 1870 

Nicolas Bonnal

On a du mal à percevoir l’absence de mouvement sous le mouvement.

1870, la fête impériale, l’art de bien rigoler…

On laisse écrire Maxime du Camp.

Sur Bismarck :

« Bismarck fut habile, il agit envers nous comme en 1866 il avait agi à l'égard de l'Autriche. Quand il eut machiné son plan et préparé ses pièges, il se fit déclarer la guerre et prit l'attitude d'un pauvre homme réduit à la défensive; il mit les torts d'apparence de notre côté. Comme un pêcheur consommé, il conduisit le poisson dans la nasse sans que celui-ci s'en aperçût. »

Après une belle phrase sur notre esprit de décision :

« Il avait pris pour une démonstration de notre force ce qui n'était qu'une preuve de l'inconséquence de notre caractère. »

Maxime du Camp passe par l’Allemagne et il découvre que cette nation est scientifique, organisée et disciplinée, mais pas seulement : elle est inspirée spirituellement et elle chante bien :

« J'entendis de loin une mélopée lente et grandiose, qui montait dans les airs comme la voix d'un chœur invisible. Des enfants couraient dans la direction du bruit; le chant se rapprochait, s'accentuait, vibrait avec un accent religieux et profond dont je me sentis remué. Je reconnus le Choral de Luther, que psalmodiait un régiment en venant prendre garnison dans la citadelle que ce pauvre général Mack nous a jadis si facilement abandonnée. Je fus très ému, je l'avoue, et je me demandai quel caractère allait revêtir cette guerre pour laquelle les hommes marchaient en chantant des psaumes. »

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Après on va faire la comparaison avec Paris et sa salade impériale :

« Après avoir rapidement traversé la Suisse, j'arrivai à Paris, que l'empereur avait quitté deux jours auparavant.

Là le spectacle était autre : le soir, sur les boulevards, on buvait de l'absinthe en agaçant les filles; des hommes en blouse, vautrés dans des voitures découvertes, braillaient la Marseillaise. Qui donc avait vieilli, le chant national ou moi? Je ne sais. Il me déplut et je lui trouvai un air provocant qui ne s'adressait pas à l'ennemi. »

C’est Tartarin contre Siegfried. Et si Tartarin était l’essence de la France moderne (voyez mon texte sur Tartarin dans les Alpes) ? J’ai cité plusieurs fois cette ligne de Céline :

« Et les Français sont bien contents, parfaitement d’accord, enthousiastes. »

Voilà celle de Maxime du Camp en 1870 :

« Se souvient-on aujourd'hui de la frénésie dont la population fut atteinte? On se croyait tellement certain de la victoire, que les adversaires systématiques de l'empire, — les irréconciliables, — demandaient la paix. »

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Après la reddition de Sedan, la république arrive avec ses bienfaits !  Première divine surprise :

« Le 4 septembre, j'étais au Journal des Débats; cette fois c'était bien fini; la révolution tendait la main à l'invasion et complétait son œuvre. La plupart de ceux qui se trouvaient dans le bureau de rédaction étaient accablés.

Quelqu'un entra et dit : « C'est égal, nous voilà débarrassés des Bonaparte! ». Oui, débarrassés des Bonaparte, mais débarrassés aussi de l'Alsace, de la Lorraine, débarrassés de cinq milliards, de beaucoup de monuments de Paris que l'on a brûlés et de quelques honnêtes gens que l'on a massacrés. »

Une belle phrase sur la France :

« La France était comme ces hommes frappés de la foudre qui gardent l'apparence de la vie et tombent en poussière dès qu'on les touche ».

Après on cherche comme toujours des excuses (euro, Bruxelles, etc.) :

« La nation crie, pleure, se désespère, déclare qu'elle est innocente et que l'empire seul est coupable. La nation a tort; elle a eu ses destinées entre les mains, qu'en a-t-elle fait? Nous mourrons par hypertrophie d'ignorance et de présomption. »

Du Camp se met à rêver :

« La France a cherché les réformes politiques : néant; elle a cherché les réformes sociales : néant; mais les réformes morales qui seules peuvent la sauver, elle n'y pense même pas. Si j'étais le maître, je traiterais tout de suite, quitte à subir des conditions léonines, car l'issue de la guerre ne peut actuellement être douteuse, et plus nous prolongerons la lutte, plus les conditions seront dures; puis je ferais des lois draconiennes pour organiser le service militaire et l'enseignement, l'enseignement surtout, non seulement scientifique, mais moral. C'est la morale qui forge les caractères et ce sont les caractères qui font les nations. »

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Maxime du Camp comprend enfin :

On ne fera pas cela, sois en certain; on va expliquer au peuple français qu'il est le premier peuple du monde, qu'il a été trahi, qu'il a été livré, en un mot qu'il est indemne, et le peuple français continuera à croupir dans l'ignorance, à avoir le moins d'enfants possible, à boire de l'absinthe et à courir les donzelles. Nous mourrons, parce que nous sommes agités sans but et que la danse de Saint-Guy n'est pas le mouvement; nous n'avons pas d'hommes, parce que nous n'avons pas d'idées; nous n'avons pas de principes, parce que nous n'avons pas de mœurs. »

Dans mon livre sur Céline, j’ai évoqué le latin conifié par les mots. Idem ici :

« Nous sommes saturés de rhétorique; nous avons des façades de croyance, d'opinion, de dévouement; derrière il n'y a rien. Tout est faux, tout est théâtral, nous sommes des Latins; chez nous, comme pour le baron, tout est « pour paraître ». C'est la fin du monde. Il y a une phrase des Mémoires d’outre-tombe qui m'obsède et sonne en moi comme un glas funèbre :

« Il ne serait pas étonnant qu'un peuple âgé de quatorze siècles, qui a terminé cette longue carrière par une explosion de miracles, fût arrivé à son terme. »

Du Camp a une bonne idée qui eût pu éviter des déboires, et il prévoit même l’espace vital et sa conquête à venir :

« Au lieu de ces territoires, offrir nos colonies, en vertu de ce principe qu'il vaut mieux se faire couper les cheveux que de se laisser couper la tête. Malgré sa richesse, l'Allemagne étouffe, parce qu'elle n'a pas la vraie mer, qui est l'Océan; elle est insuffisante à consommer ses produits, qu'elle n'écoule que difficilement; elle est trop restreinte pour sa population, qui est forcée d'émigrer en Amérique. On peut donc la tenter sérieusement en lui proposant nos colonies des Antilles et nos stations dans l'Indochine. »

Évidemment il y a un risque avec… l’Angleterre !

« Si elle consent à cet échange (et je crois qu'on peut l'y amener), elle voudra devenir une puissance maritime de premier ordre et elle aura alors à s'entendre avec l'Angleterre. »

Du Camp dans ces lignes géniales prévoit donc la guerre Allemagne-Angleterre (voyez Preparata et quelques autres) et aussi la haine franco-allemande qui va dévaster l’Europe :

« Toute gentillesse, comme eût dit Montaigne, est perdue pour longtemps, un monde va commencer; on élèvera les enfants dans la haine des Prussiens ! »

La France commence à creuser sa tombe. Et quand elle touche le fond, elle creuse encore ! Du Camp :

« Rien de ce que Flaubert avait rêvé ne se réalisa, le quelque chose qui lui avait promis la victoire s'était trompé; de défaite en défaite on descendit jusqu'à l'endroit où la terre manque sous les pieds. »

La guerre de 1870 a tué la France, c’est mon sentiment. Après nous sommes en république, et la troisième république, ce n’est plus la nation ni la patrie. Elle tue net Mérimée et achève Théophile Gautier :

« La guerre, la révolution du 4 septembre, la Commune ont porté à Théophile Gautier un coup dont il a toujours souffert; il a traîné, ou plutôt il s'est traîné jusqu'à la tombe, languissant, enveloppé d'ombre, parlant peu et n'ayant plus guère que des regrets. »

Sources

Maxime du Camp, Souvenirs littéraires, II, p.348-sq (archive.org)

 

jeudi, 14 mars 2024

Louis-Ferdinand Céline et la malédiction du pacifisme

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Louis-Ferdinand Céline et la malédiction du pacifisme : ou pourquoi les vrais pacifistes se font toujours traiter de nazis et de collabos par les humanistes et autres défenseurs des droits

Nicolas Bonnal

On l’a vu avec Trump : les pacifistes sont toujours considérés comme des nazis. Celui qui veut l’humanité cuite au nucléaire (péril chinois, russe, arabo-iranien, nord-coréen, etc.) est le héros humanitaire et démocrate et nobélisable. C’est le Malhuret qui menace tout le monde « pétainiste-poutiniste » ou « wokiste-poutiniste » (et la croisade LGBTQ de Biden et Ursula-Macron alors ? Elle est wokiste la Russie ?) comme il menaçait hier les non-vaccinés.

Mais on ne la refera pas leur république. Elle aime s’envoyer en l’air sur les champs de bataille – et ce depuis le début.

C’est comme ça, on ne discutera pas. On nous fait le coup de Churchill à chaque fois, l’homme qui rasa gratis l’Allemagne, affama l’Inde et livra l’Europe à la Russie soviétique.

On rappelle ce que l’on peut dire sur cette histoire de Céline et du pacifisme.

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Dans le Voyage au bout de la nuit le mot n’apparaît pas.

Dans les pamphlets le mot apparaît et désigne Léon Blum et sa bande, mais ce sont eux bien sûr dit Céline qui veulent la guerre. A la fin de Bagatelles il se dit quand même plus pacifiste que Blum. Le partisan de la paix (Macron, Biden, Malhuret, Valls, BHL) veulent atomiser la Russie ou la repousser (on ne leur a pas encore dit que ce serait difficile ?) jusqu’au Kamtchatka mais c’est parce qu’ils sont pacifistes. En ordonnant à Sarkozy de détruire la Libye, BHL précisait qu’il le faisait parce qu’il détestait la guerre.

Toute ressemblance avec la novlangue, etc.

Après la guerre, Céline se désignera comme pacifiste. Mais les pacifistes sont alors les nazis, comme Charles Lindbergh et les partisans d’America First en Amérique (Hitchcock les accuse de nazis, les pacifistes ricains : voyez mon livre). John T. Flynn reprochera à Lindbergh sa bourde du 11 septembre (tiens, tiens, c’est le jour du honni discours de Des Moines !) lorsque Lindbergh accuse le gouvernement américain, les Anglais mais aussi les Juifs de pousser à la guerre. C’était la fin pour les pacifistes américains, et ils seraient nazifiés ad vitam. Depuis lors toutes les interventions militaires sont jugées favorablement et célébrées en Amérique. C’est le Truman (Harry) chaud qui commence !

Raser et bombarder le monde au nom de la lutte contre la barbarie.

Sinon on est nazi.

Evidemment on pourrait dire que l’on se paie de mots et qu’on n’ira pas loin. Céline encore :

« Si c’était par la force des mots on serait sûrement Rois du Monde. Personne pourrait nous surpasser question de gueule et d’assurance. Champions du monde en forfanterie, ahuris de publicité, de fatuité stupéfiante, Hercules aux jactances. Pour le solide: la Maginot ! le Répondant : le Génie de la Race ! Cocorico ! Cocorico ! Le vin flamboye ! On est pas saouls mais on est sûrs ! En file par quatre ! Et que ça recommence ! »

Céline se trahit le 6 août 1946 (premier anniversaire d’Hiroshima) dans une lettre :

« Si j’ai attaqué les juifs c’est que je les voyais provocateurs de guerre et que je croyais le national-socialisme pacifiste ! ».

C’est vrai que le national-socialisme en a déçu beaucoup après. S’il avait fini l’Angleterre au lieu de s’en prendre à la Russie… Le grand scénariste Dalton Trumbo était opposé à l’intervention contre l’Allemagne jusqu’au 22 juin 41. Il était communiste, et il croyait au pacte germano-soviétique.

Il dit aussi dans une autre lettre notre écrivain :

« Je n’ai jamais été nazi. Je suis un pacifiste et c’est tout. J’ai été antisémite par pacifisme. »

Cela suffit à diaboliser le pacifisme.

D’où les guerres à mort à venir contre la Chine ou la Russie etc.

Trump devra faire guerre ou il sera tué et remplacé : par amour de la paix.

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L’économiste-philosophe-historien-pacifiste juif libertarien Murray Rothbard (foto) souligne cette infamie avec le sourire. Mais c’est hélas somme ça. C’est parce qu’on adore la paix partout qu’on veut la guerre, la guerre universelle. Il faut faire un monde sûr pour la démocratie dit le couillon Wilson qui brise l’Europe et crée en 1918 le soviétisme et les conditions du nazisme. Mais rien ne les arrêtera. On le cite encore et toujours notre Ferdinand furioso :

« Une telle connerie dépasse l’homme. Une hébétude si fantastique démasque un instinct de mort, une pesanteur au charnier, une perversion mutilante que rien ne saurait expliquer sinon que les temps sont venus, que le Diable nous appréhende, que le Destin s’accomplit. »

Pacifisme donc : le mot n’est pas présent dans le Voyage. C’est quand il parle à Lola que notre pacifiste sans le savoir parle le mieux de son refus de la guerre. Il y a le refus de la guerre perso, charnelle, et le refus de la guerre totalitaire, globale (la Deuxième Guerre, la première est encore humaine, elle a encore des relents charnels franco-allemands, c’est celle d’Adenauer et de De Gaulle). Ici Céline parle de la première et il en est bouleversant parce qu’il dit honnêtement qu’il veut sauver sa peau et ne pas mourir pour rien, même s’il va en perdre l’amour de sa belle américaine (il aurait dû se taire peut-être ? Mais il n’a jamais su se taire ce fanfaron avec la Lola) :

« ce qu’il y a dedans… Je ne la déplore pas moi… Je ne me résigne pas moi… Je ne pleurniche pas dessus moi… Je la refuse tout net, avec tous les hommes qu’elle contient, je ne veux rien avoir à faire avec eux, avec elle. Seraient-ils neuf cent quatre-vingt-quinze millions et moi tout seul, c’est eux qui ont tort, Lola, et c’est moi qui ai raison, parce que je suis le seul à savoir ce que je veux : je ne veux plus mourir. »

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Ce « Je ne veux plus mourir » est sublime. Mais il fallait dire peut-être à la belliciste yankee : je ne veux pas mourir comme ça ou pour ça (pour la république ou même Jeanne d’Arc car la Lola le bombarde avec Jeanne d’Arc et on utilise alors la figure de Jeanne pour vendre des bons du trésor-guerre en Amérique). Le jeu de la vérité en valait-il la chandelle ? Il n’est pas traité de nazi mais de lâche. Il insiste quand même avec un bon jeu de mots :

— Alors vivent les fous et les lâches ! Ou plutôt survivent les fous et les lâches ! Vous souvenez-vous d’un seul nom par exemple, Lola, d’un de ces soldats tués pendant la guerre de Cent Ans ?… Avez-vous jamais cherché à en connaître un seul de ces noms ?… Non, n’est-ce pas ?… Vous n’avez jamais cherché ? Ils vous sont aussi anonymes, indifférents et plus inconnus que le dernier atome de ce presse-papier devant nous, que votre crotte du matin…

La postérité c’est pour les asticots dira-t-il.

Puis dans un bel élan infinitif notre auteur assène (son prof prisonnier Princhard en fait, l’idole du début du Voyage) :

« Engraisser les sillons du laboureur anonyme c’est le véritable avenir du véritable soldat ! Ah ! camarade ! Ce monde n’est je vous l’assure qu’une immense entreprise à se foutre du monde ! Vous êtes jeune. Que ces minutes sagaces vous comptent pour des années ! »

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Mais finalement on lui laisse quand même le dernier mot parce que c’est Céline et parce qu’il a raison. La guerre démocratique, humanitaire ou pacifiste… la guerre pacifiste est un scandale éternel à l’horizon. Charles Beard l’a dit en Amérique que ce sera « la guerre perpétuelle pour une paix perpétuelle » :

« Les hommes qui ne veulent ni découdre, ni assassiner personne, les Pacifiques puants, qu’on s’en empare et qu’on les écartèle ! Et les trucide aussi de treize façons et bien fadées ! Qu’on leur arrache pour leur apprendre à vivre les tripes du corps d’abord, les yeux des orbites, et les années de leur sale vie baveuse ! »

Princhard conclut avec infinitifs, accumulation et gradation :

« Qu’on les fasse par légions et légions encore, crever, tourner en mirlitons, saigner, fumer dans les acides, et tout ça pour que la Patrie en devienne plus aimée, plus joyeuse et plus douce ! »

Ils vont faire la guerre à cette Russie (qui est trop molle depuis le début, je suis d’accord avec Craig Roberts, et aura donc enhardi tous les pacifistes démocrates et démocratiques et autres) et on aura les charniers remplis et puis niés, et on aura la Bombe, et on aura la chasse aux collabo-pacifistes.

On sait comment finit Jean Jaurès.

mercredi, 21 février 2024

Sanctions, guerre, châtiment, fin du monde ? « Il suffit d’insister » (Watzlawick)

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Sanctions, guerre, châtiment, fin du monde ? « Il suffit d’insister » (Watzlawick)

par Nicolas Bonnal

L’Occident ne veut plus s’arrêter quel que soit le sujet : sanctions, guerres, guerre mondiale, sanctions, dette, propagande, vaccin, sanctions, Reset, mondialisme, féminisme, antiracisme, immigration sauvage, sanctions toujours (dix-sept doses pour rien), Europe, etc. Et s’il y a des problèmes c’est qu’il n’y a pas assez de tout cela. C’est qu’on n’a pas assez insisté, comme dit le psychologue et humoriste de Palo Alto Paul Watzlawick, qui semble avoir été doté d’une double personnalité.

71V-eyZ0l8L._SL1319_.jpgOn l’écoute (extrait de son extraordinaire « Faites vous-même votre malheur ») :

« Cette formule apparemment toute bête: «il suffit d'insister», est l'une des recettes les plus assurément désastreuses mises au point sur notre planète sur des centaines de millions d'années. Elle a conduit des espèces entières à l'extinction. C'est une forme de jeu avec le passé que nos ancêtres les animaux connaissaient déjà avant le sixième jour de la création... »

La solution souvent n’est plus adaptée; mais au lieu de le reconnaître, on INSISTE. Watzlawick :

« L’Homme, comme les animaux, a tendance à considérer ces solutions comme définitives, valides à tout jamais. Cette naïveté sert seulement à nous aveugler sur le fait que ces solutions sont au contraire destinées à devenir de plus en plus anachroniques. Elle nous empêche de nous rendre compte qu'il existe - et qu'il a sans doute toujours existé - un certain nombre d'autres solutions possibles, envisageables, voire carrément préférables. Ce double aveuglement produit un double effet. D'abord, il rend la solution en vigueur de plus en plus inutile et par voie de conséquence la situation de plus en plus désespérée. »

On répète car on boit du « petit laid » : « D'abord, il rend la solution en vigueur de plus en plus inutile et par voie de conséquence la situation de plus en plus désespérée. »

Le maître autrichien poursuit :

« Ensuite, l'inconfort croissant qui en résulte, joint à la certitude inébranlable qu'il n’existe nulle autre solution, ne peut conduire qu'à une conclusion et une seule: il faut insister. Ce faisant, on ne peut que s'enfoncer dans le malheur. »

Watzlawick redéfinit ce phénomène :

« Ce mécanisme, depuis Freud, assure l'existence confortable de générations de spécialistes qui ont toutefois préféré à notre « il suffit d'insister » un terme de consonance plus scientifique : névrose. »

Ensuite il reformule cette aberration du comportement qui est l’essence du comportement a-pragmatique contemporain :

« Mais qu'importe le terme, pourvu qu'on ait l'effet. Et l'effet est garanti aussi longtemps que l'étudiant s'en tient à deux règles simples. Premièrement, une seule solution est possible, raisonnable, autorisée, logique; si elle n'a pas encore produit l'effet désiré, c'est qu'il faut redoubler d'effort et de détermination dans son application. Deuxièmement, il ne faut en aucun cas remettre en question l’idée qu'il n'existe qu'une solution et une seule. C'est sa mise en pratique qui doit laisser à désirer et peut être encore améliorée. »

Nous allons à la catastrophe. Mais ce n’est pas grave. « Ils » trouveront bien quelque chose…

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samedi, 10 février 2024

La Boétie et la servitude volontaire via la crétinisation et les jeux

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La Boétie et la servitude volontaire via la crétinisation et les jeux

Nicolas Bonnal

La Boétie: « Mais cette ruse de tyrans d’abêtir leurs sujets ne se peut pas connaître plus clairement que Cyrus fit envers les Lydiens, après qu’il se fut emparé de Sardis, la maîtresse ville de Lydie, et qu’il eut pris à merci Crésus, ce tant riche roi, et l’eut amené quand et soi: on lui apporta nouvelles que les Sardains s’étaient révoltés; il les eut bientôt réduits sous sa main; mais, ne voulant pas ni mettre à sac une tant belle ville, ni être toujours en peine d’y tenir une armée pour la garder, il s’avisa d’un grand expédient pour s’en assurer: il y établit des bordels, des tavernes et jeux publics, et fit publier une ordonnance que les habitants eussent à en faire état. Il se trouva si bien de cette garnison que jamais depuis contre les Lydiens il ne fallut tirer un coup d’épée ».

Il n’y a pas besoin de théorie de la conspiration. Le peuple n’est pas un gentil innocent, une victime naïve. Le peuple, cette somme d’atomes agglomérés, de « solitudes sans illusions » (Debord) aime naturellement être mené à l’étable ou à l’abattoir. Telle est la leçon de la Boétie qui s’extasie devant la capacité des hommes à s’aplatir devant l’autorité. Idole des libertariens et de Murray Rothbard, l’adolescent s’écœurait lui-même en écrivant ces lignes, en rappelant ces faits:

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« Il n’est pas croyable comme le peuple, dès lors qu’il est assujetti, tombe si soudain en un tel et si profond oubli de la franchise, qu’il n’est pas possible qu’il se réveille pour la ravoir, servant si franchement et tant volontiers qu’on dirait, à le voir, qu’il a non pas perdu sa liberté, mais gagné sa servitude. Il est vrai qu’au commencement on sert contraint et vaincu par la force; mais ceux qui viennent après servent sans regret et font volontiers ce que leurs devanciers avaient fait par contrainte. »

Dostoïevski observe dans sa Maison des morts (qui est plutôt une maison des vivants, son roman le plus drôle) que l’on s’habitue en effet à tout. La Boétie:

 « C’est cela, que les hommes naissant sous le joug, et puis nourris et élevés dans le servage, sans regarder plus avant, se contentent de vivre comme ils sont nés, et ne pensent point avoir autre bien ni autre droit que ce qu’ils ont trouvé, ils prennent pour leur naturel l’état de leur naissance ».

C’est la vraie conspiration dont parle aussi en prison le fasciste non repenti Rebatet: nous nous soumettons au joug de la bagnole, de la salle de bains américaine, des artefacts électroniques. La Boétie explique ensuite comment on développe les jeux, l’esprit ludique, et dans quel but politique :

« Mais cette ruse de tyrans d’abêtir leurs sujets ne se peut pas connaître plus clairement que Cyrus fit envers les Lydiens, après qu’il se fut emparé de Sardis, la maîtresse ville de Lydie, et qu’il eut pris à merci Crésus, ce tant riche roi, et l’eut amené quand et soi : on lui apporta nouvelles que les Sardains s’étaient révoltés ; il les eut bientôt réduits sous sa main ; mais, ne voulant pas ni mettre à sac une tant belle ville, ni être toujours en peine d’y tenir une armée pour la garder, il s’avisa d’un grand expédient pour s’en assurer : il y établit des bordels, des tavernes et jeux publics, et fit publier une ordonnance que les habitants eussent à en faire état. Il se trouva si bien de cette garnison que jamais depuis contre les Lydiens il ne fallut tirer un coup d’épée. Ces pauvres et misérables gens s’amusèrent à inventer toutes sortes de jeux, si bien que les Latins en ont tiré leur mot, et ce que nous appelons passe-temps, ils l’appellent ludi, comme s’ils voulaient dire Lydi».

Les bordels et les tavernes: comptez le nombre de sites porno sur le web pour voir un peu (Snyder parle de quatre millions); et comparez aux sites anti-conspiration. Vous verrez que nous sommes peu de chose. Un milliard de vues pour une chanson de la Gaga, un million de commentaires…

La Boétie dénonce, politiquement incorrect, l’efféminisation des cités et des Etats soumis à la tyrannie. Elle croît avec la société de services qui nous dévirilise.

« Tous les tyrans n’ont pas ainsi déclarés exprès qu’ils voulussent efféminer leurs gens ; mais, pour vrai, ce que celui ordonna formellement et en effet, sous-main ils l’ont pourchassé la plupart… Les théâtres, les jeux, les farces, les spectacles, les gladiateurs, les bêtes étranges, les médailles, les tableaux et autres telles drogueries, c’étaient aux peuples anciens les appâts de la servitude, le prix de leur liberté, les outils de la tyrannie. Ce moyen, cette pratique, ces allèchements avaient les anciens tyrans, pour endormir leurs sujets sous le joug. Ainsi les peuples, rendus sots, trouvent beaux ces passe-temps, amusés d’un vain plaisir, qui leur passait devant les yeux, s’accoutumaient à servir aussi niaisement, mais plus mal, que les petits enfants qui, pour voir les luisantes images des livres enluminés, apprennent à lire. »

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Puis La Boétie compare les méthodes éducatives, et ce n’est pas piqué des vers. Lui aussi promeut et aime Sparte – comme Rousseau et comme d’autres.

« Lycurgue, le policier de Sparte, avait nourri, se dit-on, deux chiens, tous deux frères, tous deux allaités de même lait, l’un engraissé en la cuisine, l’autre accoutumé par les champs au son de la trompe et du huchet, voulant montrer au peuple lacédémonien que les hommes sont tels que la nourriture les fait, mit les deux chiens en plein marché, et entre eux une soupe et un lièvre : l’un courut au plat et l’autre au lièvre. « Toutefois, dit-il, si sont-ils frères ». Donc celui-là, avec ses lois et sa police, nourrit et fit si bien les Lacédémoniens, que chacun d’eux eut plus cher de mourir de mille morts que de reconnaître autre seigneur que le roi et la raison. »

Ensuite La Boétie est encore plus révolutionnaire, il est encore plus provocateur et méprisant pour le populo ; il remarque que, comme sur Facebook, on aime jouer à Big Brother, qu’on aime participer à son propre emprisonnement (empoisonnement) moral et physique – et qu’on paierait même pour. C’est le Panopticon de Bentham à la carte :

« Celui qui vous maîtrise tant n’a que deux yeux, n’a que deux mains, n’a qu’un corps, et n’a autre chose que ce qu’a le moindre homme du grand et infini nombre de nos villes, sinon que l’avantage que vous lui faites pour vous détruire. D’où a-t-il pris tant d’yeux, dont il vous épie, si vous ne les lui baillez ? Comment a-t-il tant de mains pour vous frapper, s’il ne les prend de vous ? Les pieds dont il foule vos cités, d’où les a-t-il, s’ils ne sont des vôtres ? Comment a-t-il aucun pouvoir sur vous, que par vous ? Comment vous oserait-il courir sus, s’il n’avait intelligence avec vous ? Que vous pourrait-il faire, si vous n’étiez receleurs du larron qui vous pille, complices du meurtrier qui vous tue et traîtres à vous-mêmes ? »

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Le citoyen participe à sa propre aliénation. Il est collabo, pas victime. On n’a jamais autant payé d’impôts en Amérique ou en France en 2016. L’Etat n’a jamais été aussi dominateur. Quant au monstre froid européen… No comment.

Mais on en redemande.

Puis le jeune auteur parle des réseaux de la tyrannie qui sont sur une base de six, comme le web (WWW_666, voyez mon livre republié). On pense à Musset et à Lorenzaccio qui eux-mêmes répètent déjà la redoutable antiquité gréco-romaine :

« Toujours il a été que cinq ou six ont eu l’oreille du tyran, et s’y sont approchés d’eux-mêmes, ou bien ont été appelés par lui, pour être les complices de ses cruautés, les compagnons de ses plaisirs, les maquereaux de ses voluptés, et communs aux biens de ses pilleries. Ces six adressent si bien leur chef, qu’il faut, pour la société, qu’il soit méchant, non pas seulement par ses méchancetés, mais encore des leurs. Ces six ont six cents qui profitent sous eux, et font de leurs six cents ce que les six font au tyran. Ces six cents en tiennent sous eux six mille, qu’ils ont élevé en état, auxquels ils font donner ou le gouvernement des provinces, ou le maniement des deniers, afin qu’ils tiennent la main à leur avarice et cruauté et qu’ils l’exécutent quand il sera temps…".

Nicolas Bonnal

Bibliographie:

La Boétie _ Discours sur la servitude volontaire

Nicolas Bonnal – Les grands auteurs et la théorie de la conspiration ; internet et les secrets de la globalisation (amazon.fr)

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mercredi, 24 janvier 2024

« J’ai peur que l’humanité n’avance plus » : quand Tocqueville annonce la Fin de l’Histoire

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« J’ai peur que l’humanité n’avance plus »: quand Tocqueville annonce la Fin de l’Histoire

Nicolas Bonnal

C’est dans un chapitre de la Démocratie, of course : « Pourquoi les grandes révolutions deviendront rares. » Ici Tocqueville annonce la Fin de l’Histoire au sens de Fukuyama : on laisse de côté le Grand Jeu (qui est devenu petit) de la géopolitique et on constante l’émergence d’un citoyen mondial, homme de confort et de médias, celui qu’entrevoient à la même époque (revoyez mes textes) Poe, Thoreau, Balzac ou Baudelaire. Qu’il soit Chinois ou Russe (ces Américains pauvres, comme disait Kojève) n’importe pas : c’est la même mouture d’homme limité spirituellement et dépendant de l’Etat moderne et de son autoritarisme forcené (voir Jouvenel ou Günther Anders) ; Etat qui sait le tenir en le tenant par ses aspirations au confort. Revoyez la scène centrale de du grand film de Jewison, Roller Ball, quand Maud Adams explique à James Caan que la civilisation c’est le confort, qu’on ne saurait donc y renoncer. Deux fois James Bond girl (L’Homme au pistolet d’or et Octopussy), Maud Adams sait de quoi elle parle.

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Tocqueville donc prévoit (comme l’étonnant et ignoré Cournot, voyez mes textes) la fin des révolutions (avènement des pseudo-révolutions de droite ou de gauche) et ce règne du citoyen confortable, toujours soumis, non encore doté de sa télé :

« Je tremble, je le confesse, qu’ils ne se laissent enfin si bien posséder par un lâche amour des jouissances présentes, que l’intérêt de leur propre avenir et de celui de leurs descendants disparaisse, et qu’ils aiment mieux suivre mollement le cours de leur destinée, que de faire au besoin un soudain et énergique effort pour le redresser. »

La France n’a plus connu que des pseudo-révolutions après la Grande qui a amené le règne bourgeois. Et ce système s’est accommodé de la République. Et paradoxalement donc Tocqueville redoute la fin des révolutions :

« Oserais-je le dire au milieu des ruines qui m’environnent ? Ce que je redoute le plus pour les générations à venir, ce ne sont pas les révolutions. »

Le présent permanent arrive parce que le but de la vie est matérialiste et médiocre dans une société que Tocqueville croit devenir égalitaire (rappelons que les 500 ultra-riches possèdent aujourd’hui 43% du PNB contre 6% en 2000) :

« Si les citoyens continuent à se renfermer de plus en plus étroitement dans le cercle des petits intérêts domestiques, et à s’y agiter sans repos, on peut appréhender qu’ils ne finissent par devenir comme inaccessibles à ces grandes et puissantes émotions publiques qui troublent les peuples, mais qui les développent, et les renouvellent. Quand je vois la propriété devenir si mobile, et l’amour de la propriété si inquiet et si ardent, je ne puis m’empêcher de craindre que les hommes n’arrivent à ce point, de regarder toute théorie nouvelle comme un péril, toute innovation comme un trouble fâcheux ; tout progrès social comme un premier pas vers une révolution, et qu’ils refusent entièrement de se mouvoir de peur qu’on les entraîne. »

Et notre génie de conclure sur un ton inquiet :

« On croit que les sociétés nouvelles vont chaque jour changer de face, et moi j’ai peur qu’elles ne finissent par être trop invariablement fixées dans les mêmes institutions, les mêmes préjugés, les mêmes mœurs, de telle sorte que le genre humain s’arrête et se borne ; que l’esprit se plie et se replie éternellement sur lui-même sans produire d’idées nouvelles ; que l’homme s’épuise en petits mouvements solitaires et stériles ; et que, tout en se remuant sans cesse, l’humanité n’avance plus. »

C’est ce que j’appelle le présent permanent dans toutes mes chroniques, qui rend les analyses de nos contemporains si inférieures aux génies de l’époque (voyez Tolstoï ou Balzac sur la dépendance addictive  au Journal, Dostoïevski et les « expositions »).

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On rappellera le texte de Péguy sur les retraites : « C’est toujours le système de la retraite. C’est toujours le même système de repos, de tranquillité, de consolidation finale et mortuaire. Ils ne pensent qu’à leur retraite, c’est-à-dire à cette pension qu’ils toucheront de l’État non plus pour faire, mais pour avoir fait. Leur idéal, s’il est permis de parler ainsi, est un idéal d’État, un idéal d’hôpital d’État, une immense maison finale et mortuaire, sans soucis, sans pensée, sans race. Un immense asile de vieillards. Une maison de retraite. Toute leur vie n’est pour eux qu’un acheminement à cette retraite, une préparation de cette retraite, une justification devant cette retraite. Comme le chrétien se prépare à la mort, le moderne se prépare à cette retraite. Mais c’est pour en jouir, comme ils disent. »

C’est évidemment cet esprit de retraite qui accompagnera l’humanité jusqu’à son extinction totale en ce siècle ou un autre.

Sources:

Charles Péguy, « Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne » (1914, posthume), dans Œuvres complètes de Charles Péguy, éd. La Nouvelle Revue française, 1916-1955, t. 9, p. 250

Démocratie en Amérique, Chapitre XXI, Troisième partie. - Pourquoi les grandes révolutions deviendront rares…

jeudi, 11 janvier 2024

Fukuyama et la création du bourgeois comme clé de l’Histoire universelle

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Fukuyama et la création du bourgeois comme clé de l’Histoire universelle

Nicolas Bonnal

J’ai dit vingt fois le bien que je pense de Fukuyama, qui n’est absolument pas démenti depuis quarante ans (Reset, unification numérique, dictature verte, totalitarisme sanitaire global, et mondialisme obtus de l’ONU), et je n’y reviendrai pas. Il faut le compléter par Kojève pour dépasser l’imbécile observation géopolitique « qu’on va voir ce qu’on va voir avec les Russes et les Chinois » (Kojève s’en moque déjà de ces « Américains du pauvre » et ça le fait doucement rigoler). Pour moi le meilleur chapitre de son étourdissant et captivant livre est le dix-septième (sic) qui décrit la fabrication du bourgeois par l’ingénierie sociale d’alors (Fukuyama cite cette expression).

On l’écoute alors :

« Hobbes et Locke, les fondateurs du libéralisme moderne, cherchaient à éradiquer le thymos de la vie politique, et à le remplacer par une combinaison de désir et de raison. Ces premiers libéraux anglais modernes voyaient la mégalothymie (l’orgueil guerrier, la personnalité aristocratique) sous la forme d’une fierté passionnée et obstinée des princes, ou le fanatisme surnaturel des prêtres militants, comme la principale cause de la guerre et, ce faisant, s'est attaqué à toutes les formes de fierté. »

Un qui a parfaitement compris cela en France c’est Alfred de Vigny, dernier très grand esprit aristocratique de notre littérature, auteur de Cinq-Mars (peine de mort pour les duellistes) et de la Servitude et grandeur militaire, que j’ai commentée, et qui explique nos Gamelin et nos Goya et nos tragi-comiques défaites à répétition depuis deux siècles.

Fukuyama poursuit :

« Leur dénigrement de l'orgueil aristocratique s'est poursuivi par un certain nombre d'écrivains des Lumières, dont Adam Ferguson, James Stewart, David Hume et Montesquieu. Dans la société envisagée par Hobbes, Locke et d'autres premiers penseurs libéraux des temps modernes, l’homme n’a besoin que de désir et de raison. »

Enfin la cerise sur le catho moderniste (qui effare Drumont, Bloy, Bernanos, Bruckberger, tout le monde enfin) :

« Le Bourgeois était une création entièrement délibérée de la pensée moderne, un effort d'ingénierie sociale qui cherchait à créer la paix sociale en changer la nature humaine elle-même. Au lieu d'opposer la mégalothymie du petit nombre contre celui du grand nombre, comme Machiavel l'avait suggéré, les fondateurs du libéralisme moderne espéraient vaincre complètement la mégalothymie en opposant, en fait, les intérêts de la partie désirante de la nature humaine aux passions de sa nature thymotique. »

Ici il faut relire Platon qui a bien décrit (livre VIII de la République, voyez mon texte) cette émergence de l’être démocrate-républicain qui dans l’Athènes pas si antique est déjà bobo, ludique, cool, technophile, zoophile, vérolé de bonnes news et plus très guerrier (voir mes textes sur Démosthène aussi).

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Un autre qui a bien vu l’importance eschatologique du bourgeois est Taine :

« Le bourgeois est un être de formation récente, inconnu à l'antiquité, produit des grandes monarchies bien administrées, et, parmi toutes les espèces d'hommes que la société façonne, la moins capable d'exciter quelque intérêt. Car il est exclu de toutes les idées et de toutes les passions qui sont grandes, en France du moins où il a fleuri mieux qu'ailleurs. Le gouvernement l'a déchargé des affaires politiques, et le clergé des affaires religieuses. La ville capitale a pris pour elle la pensée, et les gens de cour l'élégance. L'administration, par sa régularité, lui épargne les aiguillons du danger et du besoin. Il vivote ainsi, rapetissé et tranquille. A côté de lui un cordonnier d'Athènes qui jugeait, votait, allait à la guerre, et pour tous meubles avait un lit et deux cruches de terre, était un noble… »

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C’est dans ses Fables de La Fontaine. Rappelons que La Fontaine saisit l’émergence de la civilisation technoscientifique anglo-saxonne :

« Vous l’aimez. Les Anglais pensent profondément ;
Leur esprit, en cela, suit leur tempérament ;
Creusant dans les sujets, et forts d’expériences,
Ils étendent partout l’empire des sciences. »

C’est dans le renard anglais.

Le bourgeois français est moins spectaculaire que l’anglais. Il va inspirer Molière qui le dépeint sous toutes ses formes, autoritaire, rapiat, féminisé, pédant, cacochyme, bigot, hypocondriaque, servile, médiocre.

C’est ce bourgeois qui après la Réforme, les guerres et la contre-réforme, va intégrer la religion moderne, mise en place dès le dix-septième siècle, celle dont parlent Guénon et les « marxistes » dont Feuerbach qu’on relit ici :

« Depuis longtemps la religion a disparu et sa place est occupée par son apparence, son masque, c’est-à-dire par l’Eglise, même chez les protestants, pour faire croire au moins à la foule ignorante et incapable de juger que la foi chrétienne existe encore, parce qu’aujourd’hui comme il y a mille ans les temples sont encore debout, parce qu’aujourd’hui comme autrefois les signes extérieurs de la croyance sont encore en honneur et en vogue. »

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Et ici d’une manière extraordinaire, Fukuyama s’accorde avec Dostoïevski qui découvre l’importance cardinale du roi Louis XIV (l’Etat c’est moi, le métier de roi…) qui met fin à l’Histoire avant le Napoléon et le Robespierre du duo Kojève-Hegel :

« D'ailleurs, il ne sait que très peu de l'univers en dehors de Paris. De plus, il ne tient pas savoir. C'est un trait commun à toute la nation et très caractéristique. Mais la particularité la plus caractéristique, - c'est l'éloquence. L'amour de l'éloquence vit toujours et augmente de plus en plus. J'aurais bien voulu savoir à quelle époque a commencé cet amour de l'éloquence en France. Certainement, le début principal date de Louis XIV. Il est remarquable qu'en France tout date de Louis XIV. Comment a-t-il fait pour prévaloir ainsi - je ne saurais le comprendre! Car il n'est pas de beaucoup supérieur aux rois précédents. Peut-être, parce qu’il a été le premier à dire: l'Etat, c'est moi. Cela a énormément plu, cela a fait tout le tour de l'Europe. Je pense que c'est par ce mot seul qu’il s'est rendu célèbre. »

Louis XIV comme date-charnière de la Fin de l’Histoire ? Baudrillard (anti-jésuite) et Debord (anti-baroque) ne sont pas loin de le penser (on y reviendra). Une dernière remarque : sur ce milieu si extra-lucide du dix-neuvième siècle, on redécouvrira deux auteurs chrétiens et français essentiels, Gougenot des Mousseaux et Mgr Gaume, qui avaient surnaturellement tout compris.

En tout cas personne mieux que Dostoïevski, sauf Marx et Guénon peut-être, n’aura dénoncé le monstrueux et si périlleux mirage occidental. De Guénon j’aime toujours à citer cette remarque, que le Français de Louis XIV, déjà bien abruti (vive le romantisme ultérieur tout de même) ne pige plus rien à son moyen âge :

« Ce qui est tout à fait extraordinaire, c’est la rapidité avec laquelle la civilisation du moyen âge tomba dans le plus complet oubli; les hommes du XVIIe siècle n’en avaient plus la moindre notion, et les monuments qui en subsistaient ne représentaient plus rien à leurs yeux, ni dans l’ordre intellectuel, ni même dans l’ordre esthétique ; on peut juger par-là combien la mentalité avait été changée dans l’intervalle. »

Cette mentalité avait changé, comment et pourquoi ? J’en reviens toujours à cette remarque de Thomas Frank dans la conquête du cool: sur les panneaux publicitaires on voit que la nation américaine a muté en cinq ans. Le peuple nouveau de l’autre… Rôle de la typographie (Macluhan, qui a bien expliqué comment la typographie nous aura altérés en occident, et définitivement, et continuellement) et des nouvelles formes de communication.

Toujours est-il que la bourgeoisie s’est mise en place sous les Rois (autorité spirituelle et pouvoir temporel…) et pas en 1789 – et qu’elle a la vie dure. N’est-elle pas la seule classe révolutionnaire (Marx), celle dont l’ultime mission révolutionnaire (Schwab-Harari-Malleret) est maintenant l’extermination physique de l’humanité-pas-argentée pour sauver le climat ? Avec des bourgeois-puritains comme ça, on n’a vraiment pas besoin de bolchéviques ou de maoïstes.

Sources:

https://old.tsu.ge/data/file_db/anthim/011.pdf

http://classiques.uqac.ca/classiques/taine_hippolyte/la_f...

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2024/01/07/q...

https://strategika.fr/2024/01/09/quand-dostoievski-denonc...

https://www.dedefensa.org/article/feuerbach-et-la-copie-d...

https://www.dedefensa.org/article/rene-guenon-et-notre-ci...

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samedi, 06 janvier 2024

Quand Dostoïevski dénonce la Babylone mondialiste et l’homoncule occidental…

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Quand Dostoïevski dénonce la Babylone mondialiste et l’homoncule occidental…

Nicolas Bonnal

Notes d’hiver sur des impressions d’été…

Ce voyage connu et oublié est essentiel pour compléter mon livre et mes réflexions sur Dostoïevski et la modernité occidentale (je vais rajouter ce texte à mon recueil traduit en roumain du reste). Ici il ne s’agit pas comme dans Crocodile d’un conte fantastique et comique, mais d’un ensemble de réflexions échevelées et épouvantées face à la grande modernité infernale occidentale et son troupeau bourgeois et consommant. Les cibles de ce voyage pas comme les autres sont surtout Londres et Paris, les deux capitales les plus folles alors de cet Occident qui fonctionne en mode turbo maintenant, contre le monde (toujours…) et contre sa population toujours plus hébétée et « hallucinée » (Guénon).

Ce qui est clair c’est que la civilisation (l’anti-civilisation de Guénon) est déjà là: elle est marchande, technique, mondialiste, fascinante, effrayante, babylonienne, apocalyptique. Et elle veut déjà refaire son homme à zéro façon Schwab:

« Mais, en revanche, quelle assurance avons-nous dans notre Vocation civilisatrice, de quelle façon hautaine résolvons-nous les questions, et quelles questions: le sol n'existe pas, le peuple non plus, la nationalité est un certain système de contributions, I'âme, - tabula rasa, c'est une cire que l'on peut modeler pour en faire I'homme véritable, l'homme universel en général, I'homonculus; il suffit de se servir des produits de la civilisation européenne et de lire deux ou trois livres. »

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Le ton est sarcastique mais résume ce que nous vivons depuis deux siècles : le refus de l’homme, des peuples et des nationalités qui survivent tant bien que mal. Rappelons cette observation de Debord :

« Non seulement on fait croire aux assujettis qu’ils sont encore, pour l’essentiel, dans un monde que l’on a fait disparaître, mais les gouvernants eux-mêmes souffrent parfois de l’inconséquence de s’y croire encore par quelques côtés. Il leur arrive de penser à une part de ce qu’ils ont supprimé, comme si c’était demeuré une réalité, et qui devrait rester présente dans leurs calculs. Ce retard ne se prolongera pas beaucoup. Qui a pu en faire tant sans peine ira forcément plus loin… »

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Donnons la note des éditeurs pour les moins érudits de nos lecteurs (s’il en reste) :

« 1. Tabula rasa, expression de Locke (Essai sur l'entendement humain) et des philosophes empiristes: elle compare l'esprit humain avant l'expérience à une « tablette rase », sur laquelle rien n'est écrit. Les choses viennent s'y imprimer de l’Extérieur et ne sont pas innées, comme chez Descartes. 2. L'homonculus : dans la tradition folklorique, homme de taille réduite auquel alchimistes et sorciers prétendaient pouvoir donner vie... »

Sur Locke relire De Maistre et Fukuyama qui, malgré les sarcasmes dont il fait inutilement l’objet, en a très bien parlé. La philo anglaise de l’époque est un social engineering destiné à fabriquer du bourgeois, explique tel quel notre petit maître sous-estimé et très mal lu (la différence entre des bourgeois US, euro, russe ou chinois, Alexandre Kojève – voyez mes textes – annonce qu’elle sera ténue aussi…).

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Comme Nietzsche ou Diderot, Dostoïevski comprend que notre civilisation déteste le petit peuple :

« Non, à présent je veux dire seulement ceci : l'article ne blâmait pas et ne maudissait pas uniquement les voiles légers, ne disait pas seulement que c'était un vestige de mœurs barbares, mais il critiquait la barbarie du peuple, la barbarie élémentaire, nationale, en l'opposant à la civilisation européenne de notre société de la plus haute noblesse. »

Idem chez Guénon dans ses aperçus : le peuple est un support plastique et initiatique, il garde toujours quelque chose du passé traditionnel, la classe moyenne fabriquée par l’Etat moderne jamais. Raison de cette rage à détruire partout et toujours les paysans.

La guerre des préjugés commence, et la caste occidentale veut toujours et partout imposer les siens:

« L'article raillait, l'article avait l'air d'ignorer que les accusateurs étaient peut-être mille fois pires et plus vils, que nous n'avons fait qu’échanger nos préjugés et nos des vilenies pour préjugés et des vilenies plus grandes. L'article faisait mine de ne pas s'apercevoir de nos propres préjugés et vilenies. »

Dostoïevski tape très fort sur le bourgeois. C’est l’homme uniforme de Fukuyama, la classe moyenne de Guénon, le philistin de Nietzsche, l’être moderne de Taine (pour qui le bourgeois a fleuri plus en France qu’ailleurs, à cause de l’Etat – on y revient) :

« Pourquoi regarde-t-il ayant l'air de dire: « Voilà, je ferai un peu de commerce dans ma boutique, aujourd'hui. Et si le Seigneur le permet, demain aussi, peut-être aussi après-demain, si le Seigneur veut bien m'accorder cette grâce... Eh bien, alors, alors, que je puisse mettre de côté quelque petite chose, et après moi le déluge. »

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Le bourgeois cache les pauvres, ajoute notre voyageur  :

« Pourquoi a-t-il fourré tous les pauvres dans un endroit quelconque et pourquoi assure-t-il qu'il n'y en a pas du tout? »

Surtout, il adore la presse et il croit tout ce que dit la presse et les journaux, les radios et les télés et les réseaux sociaux. Ecoutez bien :

« Pourquoi la littérature gouvernementale lui suffit-elle?

Pourquoi a-t-il une envie furieuse de se persuader que ses journaux sont incorruptibles?

Pourquoi consent-il à dépenser tant d'argent pour payer des espions? »

Oublions les espions, une vieille habitude anglo-saxonne ! Sur cette manie de la presse et cette intoxication, les grands esprits ont tout dit : Fichte, Thoreau, Balzac bien sûr, Léon Bloy, Drumont, Bernanos, Nietzsche encore. Mais je citerai le début d’Anna Karénine p. 15) :

« Le journal que recevait Stépane Arcadiévitch était libéral sans être trop avancé, et d’une tendance qui convenait à la majorité du public. Quoique Oblonsky ne s’intéressât guère ni à la science, ni aux arts, ni à la politique, il ne s’en tenait pas moins très fermement aux opinions de son journal sur toutes ces questions, et ne changeait de manière de voir que lorsque la majorité du public en changeait. Pour mieux dire, ses opinions le quittaient d’elles-mêmes après lui être venues sans qu’il prît la peine de les choisir ; il les adoptait comme les formes de ses chapeaux et de ses redingotes, parce que tout le monde les portait, et, vivant dans une société où une certaine activité intellectuelle devient obligatoire avec l’âge, les opinions lui étaient aussi nécessaires que les chapeaux. »

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On ajoute une dernière note tordante sur le bourgeois froncé décrit par notre auteur :

« Pourquoi n'ose-t-il souffler mot sur l'expédition du Mexique ? »

Oui, les expéditions punitives (Palestine, Yémen, Russie, Chine, Vietnam, Corée, Mali, Soudan, Cuba, Japon…), le bourgeois euro-américain ne s’en lasse et ne s’en lassera JAMAIS.

Mais continuons de voyager au gré des notes du plus rebelle et « flippant » des maîtres (un des rares écrivains de génie condamné à mort tout de même) ; nous arrivons à la fameuse et babylonienne exposition universelle:

« A Londres la même chose arrive, mais quelles larges images vous oppressent! Cette ville immense comme la mer qui s'agite jour et nuit, le bruit et le hurlement des machines, ces chemins de fer qui passent par-dessus les maisons (bientôt aussi en dessous), cette hardiesse d'entreprise, qui n'est en réalité que le degré le plus élevé de l'ordre bourgeois, cette Tamise empoisonnée, cet air saturé de charbon de terre, ces splendides Squares et ces parcs, ces terribles coins de la ville, tels que Whitechapel, avec sa population sauvage, à demi nue et affamée ; la cité avec ses millions et son commerce universel, le palais de cristal, l’Exposition, Oui, l’Exposition est étonnante. »

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On ne retrouvera cette cruauté des traits que chez Jack London (Les bas-fonds de Londres) et bien sûr chez Wilde (Dorian Gray est une parabole sur le Londres méphitique de Victoria-Rothschild et de l’aristocratie gay d’alors, parabole qui lui coûtera très cher).

Triomphe du capital mondialisé pétaradant et paradant :

« Vous sentez une force terrible, qui a réuni cette foule innombrable, venue de tous les points du monde en un seul troupeau ; vous sentez qu’ici il y a la victoire, le triomphe… »

Un mystérieux troupeau apparaît, celui de l’homme sans qualités qu’on réduit à l’état de bétail (voyez cette foule alignée avec ses smartphones devant l’Arc-de-Triomphe le soir du réveillon) devant la Babylone moderne enfin réalisée dans l’Angleterre biblique et puritaine de Milton, Cromwell et Rothschild :

« Vous paraissez même commencer à craindre quelque chose. Oui, si indépendant que vous soyez, vous commencez à craindre. Ceci ne serait-il pas l'idéal atteint? pensez-vous; n'est-ce pas la fin? Ne serait-ce pas « I'unique troupeau »? Ne faudrait-il pas I'accepter en effet comme vérité parfaite et se taire définitivement? Tout cela est si triomphant, si victorieux et si fier, que vous commencez à respirer avec peine. Vous regardez ces centaines de mille, ces millions d'hommes, qui y viennent humblement de toute la surface terrestre - des hommes venus avec une seule pensée, qui se tiennent silencieux et avec un calme entêtement, dans ce palais colossal, et vous sentez, que quelque chose de définitif s'est accompli, accompli et terminé. C’est comme une image biblique, quelque chose de Babylone, une prophétie de I'Apocalypse, qui s'accomplit devant vos yeux. »

Le maître ajoute même :

« Vous sentez qu'il faudrait énormément de résistance pour ne pas adorer Baal... »

Tiens, un peu d’Isaïe pour nous aider à comprendre (Isaïe, 60) :

« 9 Car les îles s’attendront à moi, et les navires de Tarsis [viennent] les premiers, pour apporter tes fils de loin, leur argent et leur or avec eux, au nom de l’Éternel, ton Dieu, et au Saint d’Israël, car il t’a glorifiée. 10 Et les fils de l’étranger bâtiront tes murs, et leurs rois te serviront. Car dans ma colère je t’ai frappée, mais dans ma faveur j’ai eu compassion de toi. 11 Et tes portes seront continuellement ouvertes (elles ne seront fermées ni de jour ni de nuit), pour que te soient apportées les richesses des nations, et pour que leurs rois te soient amenés. 12 Car la nation et le royaume qui ne te serviront pas périront, et ces nations seront entièrement désolées. »

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Et comme on est français et qu’on a parlé de Louis XIV et de Taine, on ajoutera ces lignes de Dostoïevski sur notre moliéresque bourgeois qui accouche depuis quatre siècles, devant des Sganarelle contrits et confits, de femmes savantes, précieuses ridicules, Orgon, pédants, Trissotin, Tartufe, dévots blindés, avares, médecins malgré eux, George Dandins cocus électeurs et éternels contents, malades imaginaires et bourgeois gentilshommes mondialisés et islamisés :

« D'ailleurs, il ne sait que très peu de l'univers en dehors de Paris. De plus, il ne tient pas savoir. C'est un trait commun à toute la nation et très caractéristique. Mais la particularité la plus caractéristique, - c'est l'éloquence. L'amour de l'éloquence vit toujours et augmente de plus en plus. J'aurais bien voulu savoir à quelle époque a commencé cet amour de l'éloquence en France. Certainement, le début principal date de Louis XIV. Il est remarquable qu'en France tout date de Louis XIV. Comment a-t-il fait pour prévaloir ainsi - je ne saurais le comprendre! Car il n'est pas de beaucoup supérieur aux rois précédents. Peut-être, parce qu’il a été le premier à dire: l'Etat, c'est moi. Cela a énormément plu, cela a fait tout le tour de l'Europe. Je pense que c'est par ce mot seul qu’il s'est rendu célèbre. »

Louis XIV comme date-charnière de la Fin de l’Histoire ? Baudrillard et Debord non plus ne sont pas loin de le penser. On y reviendra. Une dernière remarque : sur ce milieu si effrayant du dix-neuvième siècle, on redécouvrira deux auteurs chrétiens et français essentiels, Gougenot des Mousseaux et Mgr Gaume, dont nous avons maintes fois parlé. En tout cas personne mieux que Dostoïevski, sauf Marx et Guénon peut-être, n’aura dénoncé le monstrueux et si périlleux mirage occidental.

Sources et notes :

Notes d’hiver sur des impressions d’été, éditions Entente.

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mardi, 02 janvier 2024

Diderot et Bougainville: le point sur la malignité des hommes blancs

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Diderot et Bougainville: le point sur la malignité des hommes blancs

Nicolas Bonnal

« Si tout y est ordonné comme ce que tu m'en dis, vous êtes plus barbares que nous »

De Gaza en Ukraine, de Bruxelles à Berlin, et de Paris à Washington jamais on n’a eu autant des preuves déplorables et de démonstrations de la malignité ontologique de l’homme blanc, dont l’élite kabbalistique et friquée rêve maintenant de zigouiller tout le monde à partir de Rome (du club ou du feint-siège) et de Davos. Occasion pour nous de relire les retouches au voyage de Bougainville dont ma formation de catho de droite et de français de souche m’avait perdre les finesses et les vérités. Je recommande aussi le voyage de notre navigateur serein, disponible sur archive.org.

On commence, en félicitant Diderot pour ce style incomparable caractéristique de la reine des langues – la nôtre alors - au siècle des Lumières (Bach, Schiller, Mozart, Rameau…).

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Sur le cannibalisme notre auteur ne cache rien et il écrit sans scrupule :

« Que deviennent-ils en se multipliant sur un espace qui n'a pas plus d'une lieue de diamètre ? A. Ils s'exterminent et se mangent; et de là peut-être une première époque très ancienne et très naturelle de l'anthropophagie, insulaire d'origine. B. Ou la multiplication y est limitée par quelque loi superstitieuse ; l'enfant y est écrasé dans le sein de sa mère foulée sous les pieds d'une prêtresse. A. Ou l'homme égorgé expire sous le couteau d'un prêtre ; ou l'on a recours à la castration des mâles... B. A l'infibulation des femelles ; et de là tant d'usages d'une cruauté nécessaire et bizarre, dont la cause s'est perdue dans la nuit des temps, et met les philosophes à la torture. »

Diderot, on l’attend au tournant avec son bon sauvage :

« B. Je n'en doute pas : la vie sauvage est si simple, et nos sociétés sont des machines si compliquées ! Le Tahitien touche à l'origine du monde, et l'Européen touche à sa vieillesse. L'intervalle qui le sépare de nous est plus grand que la distance de l'enfant qui naît à l'homme décrépit. Il n'entend rien à nos usages, à nos lois, ou il n'y voit que des entraves déguisées sous cent formes diverses, entraves qui ne peuvent qu'exciter l'indignation et le mépris d'un être en qui le sentiment de la liberté est le plus profond des sentiments. »

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Mais Goethe (revoyez mon texte sur la dévitalisation des Européens) soulignera aussi le déclin de notre perfection de civilisé :

« Du reste, nous autres Européens, tout ce qui nous entoure est, plus ou moins, parfaitement mauvais; toutes les relations sont beaucoup trop artificielles, trop compliquées; notre nourriture, notre manière de vivre, tout est contre la vraie nature; dans notre commerce social, il n’y a ni vraie affection, ni bienveillance. »

Goethe évoquait presque en disciple de Rousseau (beaucoup plus germanique que français, et si mal compris…) le modèle du sauvage :

« On souhaiterait souvent d’être né dans les îles de la mer du Sud, chez les hommes que l’on appelle sauvages, pour sentir un peu une fois la vraie nature humaine, sans arrière-goût de fausseté. »

Parfois même Goethe succombait – toujours devant l’extraordinaire et bienheureux Eckermann au pessimisme, quant à la misère de notre temps (on est en février 1828) :

« Quand, dans un mauvais jour, on se pénètre bien de la misère de notre temps, il semble que le monde soit mûr pour le jugement dernier. Et le mal s’augmente de génération en génération. Car ce n’est pas assez que nous ayons à souffrir des péchés de nos pères, nous léguons à nos descendants ceux que nous avons hérités, augmentés de ceux que nous avons ajoutés… »

L’homme blanc, c’est le fric et la propriété (200.000 palestiniens massacrés pour le gaz, le tourisme et pour l’immobilier – les colonies…) ; Diderot alors :

« Ce vieillard s'avança d'un air sévère, et dit : " Pleurez, malheureux Tahitiens ! pleurez ; mais que ci soit de l'arrivée, et lion du départ de ces hommes ambitieux et méchants : un jour, vous les connaîtrez mieux. Un jour, ils reviendront, le morceau de bois que vous voulez attaché à la ceinture de celui-ci, dans une main, et le fer qui pend au côté de celui-là, dans l'autre, vous enchaîner, vous égorger, ou vous assujettir à leurs extravagances et à leurs vices ; un jour vous servirez sous eux aussi corrompus, aussi vils, aussi malheureux qu'eux… »

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Après on peut pleurer sur ce modèle communiste qui est celui des Evangiles :

« Ici tout est à tous ; et tu nous as prêché je ne sais quelle distinction du tien et du mien. Nos filles et nos femmes nous sont communes ; tu as partagé ce privilège avec nous ; et tu es venu allumer en elles des fureurs inconnues. Elles sont devenues folles dans tes bras ; tu es devenu féroce entre les leurs. Elles ont commencé à se haïr ; vous vous êtes égorgés pour elles ; et elles nous sont revenues teintes de votre sang. Nous sommes libres ; et voilà que tu as enfoui dans notre terre le titre de notre futur esclavage. Tu n'es ni un dieu, ni un démon : qui es-tu donc, pour faire des esclaves ? »

Pour l’occidental, le monde est – reprenons leur dieu Malthus – un restaurant où seul le riche armé s’empiffre. Diderot écrit lui :

« Vous êtes deux enfants de la nature ; quel droit as-tu sur lui qu'il n'ait pas sur toi ? Tu es venu ; nous sommes-nous jetés sur ta personne ? avons-nous pillé ton vaisseau ? t'avons-nous saisi et exposé aux flèches de nos ennemis ? t'avons-nous associé dans nos champs au travail de nos animaux ? Nous avons respecté notre image en toi. Laisse-nous nos mœurs ; elles sont plus sages et plus honnêtes que les tiennes ; nous ne voulons point troquer ce que tu appelles notre ignorance, contre tes inutiles lumières. Tout ce qui nous est nécessaire et bon, nous le possédons. »

Les bons sauvages ne sont pas malthusiens pour un sou :

« Quel sentiment plus honnête et plus grand pourrais-tu mettre à la place de celui que nous leur avoir inspiré, et qui les anime ? Ils pensent que le moment d'enrichir la nation et la famille d'un nouveau citoyen et venu, et ils s'en glorifient. Ils mangent pour vivre et pour croître : ils croissent pour multiplier, et ils n'y trouvent ni vice, ni honte… »

imdidages.jpgAprès, comme Lao Tse, Diderot fait la chasse aux lois (ne lui imputez pas notre « révolution ratée » - Bernanos, fruit des maçons, des juristes et des bourgeois) :

« Tu es en délire, si tu crois qu'il y ait rien, soit en haut, soit en bas, dans l'univers, qui puisse ajouter ou retrancher aux lois de la nature. Sa volonté éternelle est que le bien soit préféré au mal, et le bien général au bien particulier. Tu ordonneras le contraire ; mais tu ne seras pas obéi. Tu multiplieras les malfaiteurs et les malheureux par la crainte, par le châtiment et par les remords ; tu dépraveras les consciences ; tu corrompras les esprits ; ils ne sauront plus ce qu'ils ont à faire ou à éviter. Troublés dans l'état d'innocence, tranquilles dans le forfait, ils auront perdu de vue l'étoile polaire, leur chemin. »

Au moment où l’Occident achève d’imposer son monstrueux malthusianisme partout, lisons et écoutons le bon sauvage alors :

OROU. - Ô étranger ! ta dernière question achève de me déceler la profonde misère de ton pays. Sache, mon ami, qu'ici la naissance d'un enfant est toujours un bonheur, et sa mort un sujet de regrets et de larmes. L'enfant est un bien précieux, parce qu'il doit devenir un homme ; aussi, en avons-nous un tout autre soin que nos plantes et de nos animaux. Un enfant Supplément au Voyage de Bougainville III 20 qui naît, occasionne la joie domestique et publique : c'est un accroissement de fortune pour la cabane, et de force pour la nation : ce sont des bras et des mains de plus dans Tahiti, nous voyons en lui un agriculteur, un pécheur, un chasseur, un soldat, un époux, un prêtre… »

Sur les mœurs et la servitude volontaire le philosophe sauvage écrit :

« Qu'entendez-vous donc par des mœurs ? B. J'entends une soumission générale et une conduite conséquente à des lois bonnes ou mauvaises. Si les lois sont bonnes, les mœurs sont bonnes ; si les lois sont mauvaises, les mœurs sont mauvaises ; si les lois, bonnes ou mauvaises, ne sont point observées, la pire condition d'une société, il n'y a point de mœurs. »

Les lois ne sont plus observées chez nous par les riches et les puissants. Elles ne le furent un temps que par peur du communisme (voir notre texte sur Zinoviev).

https://bacdefrancais.net/diderot-supplement-voyage-bouga...

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2021/03/12/g...

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2022/07/17/f...

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2020/08/17/z...

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2021/05/13/d...

vendredi, 29 décembre 2023

Théodore Kaczynski enfin vu de droite

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Théodore Kaczynski enfin vu de droite

Nicolas Bonnal

Je n’avais lu que des extraits du texte de Kaczynski dont ma culture pyrrhonienne (encore un texte contre les machines ?) m’avait toujours tenu éloigné : et cet affreux terroriste d’ailleurs, n’était-il lui-même qu’une énième psy-op du système ? Et le terrorisme Una-bomber (opération stupide, compliquée, et peu efficace, vouée à l’échec donc…) relève-t-il aussi d’une énième manip’ du Deep State US dont la version totalitaire et post-moderne apparut avec le binôme Clinton et Janet Reno ? Même les procès sont comme les attentats ou les piteux «massacres dans les boites de nuit» mis en scène depuis les années Clinton (celui de Michael Jackson comme celui d’O. J. Simpson). L’avènement des chaînes info et du web a rendu le conditionnement perpétuel et hyper-efficace – et l’opposition liquide et virtuelle, qui se contente de cliquer toute la journée, totalement inefficace. Mais bon, parlons du texte.

Là, j’ai eu des surprises. Kaczynski est un homme de droite, un réac conservateur blanc (d’où la manip’ encore plus envisageable : le mâle blanc lucide - haï par Sartre et nos intellos froncés - = terroriste etc.) et il attaque le progressisme venu de la gauche dure.

On commence :

« 7. Mais qu'est-ce que le progressisme ? Dans la première moitié du 20ème siècle, on pouvait à peu près identifier le progressisme au socialisme. Aujourd'hui, les choses sont moins claires, et il est difficile de qualifier d'un seul mot un mouvement devenu très hétéroclite. Quand nous parlerons ici des progressistes, nous ferons surtout référence aux socialistes, aux collectivistes, aux gens «politiquement corrects», aux féministes, aux défenseurs des homosexuels et des handicapés, aux défenseurs des droits des animaux, etc. Mais n'est pas forcément progressiste celui qui participe à de telles activités… »

Attention : la pleurnicherie humanitaire de Philippe Muray a toujours existé : Marx en parle (la duchesse de Sutherland extermine ses paysans écossais mais elle chérit la case de l’oncle Tom – voyez le Capital, VI), Hobson en parle, et Gustave de Beaumont, et quelques dizaines d’autres. Ce qui importe ici c’est de noter la liquidation de la question sociale (les pauvres n’ont qu’à crever, il suffit comme dit Nietzsche dans la Volonté, §154, de leur couper l’appétit) remplacée par la question sociétale : féminine attitude, LGBTQ, haine rabique du blanc (d’autant plus facile que le petit blanc Ran-Tan-Plan ne comprend toujours pas pour qui il vote), etc.            

0269001985550P.JPGLe langage devient fou et on va retrouver Orwell et l’âme désarmée de Bloom (dont j’ai aussi parlé ailleurs – je répète que les pires intellos ne sont pas les juifs mais les froncés, à part Céline-Drumont-Céline, et pas pour les raisons qu’on croit, et ce depuis six siècles) :

« 11. Lorsqu'un individu juge dépréciatifs presque tous les propos tenus sur lui — ou sur les groupes auxquels il s'identifie — nous pouvons dire qu'il nourrit un sentiment d'infériorité ou de dépréciation de soi. C'est une attitude fréquente chez ceux qui militent en faveur des droits des minorités, qu'ils appartiennent ou non aux communautés qu'ils défendent. Ils sont particulièrement susceptibles sur les mots désignant les minorités. Les termes «nègre», «oriental», «handicapé», ou «nana» désignant un Africain, un Asiatique, un infirme ou une femme n'avaient pas à l'origine de connotation péjorative. «Nana» et «gonzesse» étaient presque les équivalents féminins de «gars», «mec» ou «type». »

Kaczynski voit comme Allan Bloom le rôle des militants dans les universités (cf. les éléments de Cornell university en 1959) ; car la vraie guerre culturelle a eu lieu en occident anglo-saxon, pas en Chine. Un qui l’avait compris était Eric Hobsbawn, juif communiste rationnel qui voit l’Occident démocratique anglo-saxon devenir totalement cinglé dans les années soixante (il est rejoint par Vargas Llosa et des dizaines d’autres) :

« Ce sont les militants eux-mêmes qui leur ont donné un sens péjoratif. Quelques défenseurs des droits des animaux vont jusqu'à rejeter le terme «animal domestique» et insistent pour le remplacer par «compagnon animal». Les anthropologues progressistes se donnent beaucoup de mal pour éviter le moindre propos dépréciatif sur les peuples primitifs. Ils veulent désormais les appeler des «peuples sans écriture».

Disons-le nûment alors. Le danger ne vient pas des races ou des immigrés, des noirs ou des « arabo-musulmans », mais des gauchistes blancs toqués, humanitaires tous cultivés et rêvant d’une bonne retraite (disait déjà Céline) :

« 12. Les plus sensibles au langage «politiquement incorrect» ne sont ni le Noir du ghetto, ni l'immigré asiatique, ni la femme battue, ni la personne handicapée ; il s'agit plutôt d'une minorité de militants dont la plupart n'appartiennent à aucun groupe «opprimé», mais viennent des couches privilégiées de la société. Le bastion du «politiquement correct» se trouve dans les universités, en majorité chez les professeurs, blancs, de sexe masculin, hétérosexuels, issus de la classe moyenne, avec emploi fixe et bon salaire. »

L’increvable fonctionnaire français (Godelier) qui a invité la théorie du genre se dit lui-même fonctionnaire au service de l’humanité… Rassurez-vous, Platon avait déjà tout dit sur la dégénérescence démocratique (livre VIII de la République, voyez mon texte).

On se met à adorer le faible ou la victime :

« 13. De nombreux progressistes font leurs les problèmes des groupes qui paraissent faibles (les femmes), historiquement vaincus (les Indiens d'Amérique), répulsifs (les homosexuels) ou inférieurs d'une quelconque façon. Ce sont eux qui pensent que ces groupes sont inférieurs et c'est précisément à cause de cela qu'ils s'identifient à eux, même s'ils ne s'avouent jamais de tels sentiments. (Nous ne voulons pas dire que les femmes, les Indiens, etc., sont inférieurs, nous relevons seulement un trait de la psychologie progressiste.) »

61eZWuuZKSL._AC_UF1000,1000_QL80_.jpgLe passage à la liquidation des sexes ou des races ou de la culture (qui est ontologiquement raciste, sexiste, etc., donc éliminable, tout comme la langue non inclusive est fasciste – dixit Barthes, grammairien-sémiologue qui fut le nouveau Vaugelas de nos interminables flemmes savantes) nous prépare au conditionnement informatique qui va métamorphoser ontologiquement. On va y revenir. Kaczynski ajoute :

« 14. Les féministes sont vraiment rongées par la crainte que les femmes ne soient pas aussi fortes et aussi compétentes que les hommes, et cherchent désespérément à prouver qu'elles le sont.

15. Les progressistes ont tendance à haïr tout ce qui renvoie une image de force, d'habileté et de réussite. Ils détestent les États-Unis, la civilisation occidentale, les Blancs de sexe masculin et la rationalité. »

La liquidation du « mâle blanc bourgeois » (Sartre dans sa monstrueuse conférence sur les intellectuels à Tokyo) est le programme numéro un. Et tous les Biden, Macron, Delors, Schäuble, von der Leyen, Lagarde, Biden (again, car je l’adore, et il va être réélu dans un fauteuil bourgeois de sa salle ovale) et Powell ne sont payés ou motivés que pour ça: nous réduire à néant. Rappelons que le pauvre doit et va crever, la cause est entendue depuis Gorbatchev et le virage à droite (1984…) Mitterrand-Fabius-Delors. L’extrême-gauche culturelle sert le milliardaire post-humain de la bourse (qui crève tous les plafonds avec son IA en dépit de tous les Bill Bonner, Delamarche, Greyerz et Gave de la place antisystème). Kaczynski note aussi qu’on reprogramme les caractères (en fait on programme l’humanité comme on veut, il est temps de le reconnaître) pour en faire des efféminés, des dégonflés et assistés :

« 16. Des locutions comme «confiance en soi», «indépendance d'esprit», «initiative», «esprit d'entreprise» ou «optimisme» ont peu de place dans le vocabulaire progressiste de gauche. Le progressiste est anti-individualiste et pro-collectiviste. Il demande à la société de résoudre les problèmes des individus et de les prendre en charge. Il n'a pas confiance en ses propres capacités à résoudre ses problèmes et à satisfaire ses besoins. Il est opposé à la notion de compétition parce que, dans le fond, il se sent minable. »

Qui a parlé le premier d’efféminé aux temps modernes ? Un certain La Boétie, dans sa Servitude volontaire ...)

La quête du vaccin par tous nos innombrables retraités et nos petits jeunes conditionnés par la télé et la hiérarchie sanitaire-administrative  (O Foucault si incompris – voyez mes textes encore…) a montré cette dimension minable du petit fonctionnaire post-humain. On se serait cru dans un épisode du prisonnier (« individualiste ! »), faux rebelle toujours facilement et manipulé et ridiculisé par les femmes – vive James Bond et Sean Connery donc. Le machisme ou donjuanisme est le seul moyen de mettre fin à ces temps du jésuitisme de la Fin.

L’art moderne et le cinéma des festivals doivent aussi dégénérer pour créer notre homoncule occidental dont la civilisation a déjà disparu, ce que plein de naïfs n’ont pas compris :

« 17. Les formes d'art prisées par les intellectuels progressistes modernes sont caractérisées par le sordide, l'échec et le désespoir. Ou bien encore elles prennent une tournure orgiaque, rejetant tout contrôle rationnel, comme s'il n'y avait plus aucun espoir de parvenir rationnellement à quoi que ce soit, comme s'il ne restait plus qu'à s'immerger dans les sensations du moment. »

51BsgiZu2ML._AC_UF1000,1000_QL80_.jpgLe déclin de l’art est bien décrit par Tolstoï dans son essai sur l’art (voyez mon texte). A la même époque le sioniste Max Nordau en parle très bien (voyez mon texte aussi). Freud évoque même la disparition des races évoluées (si, si) du fait de la culture… C’est bien cela qui me désole chez Barzun : a-t-il compris de quels temps il parlait ?

Je trouve ensuite un deuxième lien, dernier et surtout essentiel : celui entre la sous-culture gauchiste festivalière, antiraciste-écologiste etc. et le triomphe de la toute-puissance technologique mise au service du contrôle des populations (ici Mélenchon s’incite à la table de Schwab à Davos) :

« 157. Si la société industrielle survit, il est probable que s'installera un contrôle technologique presque total du comportement humain. Il ne fait aucun doute que la pensée et le comportement humain sont pour une large part biologiquement déterminés. Les expériences l'ont démontré: des sensations comme la faim, ou des sentiments comme le plaisir, la colère ou la crainte peuvent être manipulés en stimulant électriquement des parties précises du cerveau. Les souvenirs peuvent être détruits en endommageant certaines régions du cerveau, ou ravivés par stimulation électrique. Des médicaments peuvent provoquer des hallucinations ou modifier l'état d'esprit. Il existe peut-être une âme humaine immatérielle mais, si elle existe, il est évident qu'elle est moins déterminante que les données biologiques du comportement humain. Dans le cas contraire, les scientifiques ne pourraient pas manipuler si facilement les sensations et les comportements à l'aide de médicaments et d'impulsions électriques. »

Ce que Kaczynski décrit (comme tant de films hollywoodiens de la bonne époque), nous le vivons maintenant :

« 158. Les autorités ne peuvent guère envisager de contrôler la population en branchant des électrodes dans tous les cerveaux. Mais le fait que les pensées et les sensations humaines soient si vulnérables aux interventions biologiques montre que le problème du contrôle du comportement est principalement un problème technique : un problème de neurones, d'hormones et de molécules complexes, le genre de problème auquel les scientifiques peuvent s'attaquer. Étant donné les extraordinaires performances techniques de notre société, il est plus que probable que de grands progrès seront accomplis dans le contrôle du comportement humain. »

Il explique pourquoi cela marchera (cf. la stratégie du salami des soviétiques) :

« 159. Les gens parviendront-ils à résister victorieusement à l'introduction d'un tel contrôle ? Ce serait certainement le cas si on tentait de l'instaurer brusquement. Mais parce qu'il sera installé très progressivement, il n'y aura aucune résistance rationnelle et efficace (voir paragraphes 127, 132, 153). »

Je termine par le meilleur : l’alliance entre la subversion et la technologie. C’est le 666. Un antéchrist machine uni à un Lucifer gnostique. C’est ce que nous avons maintenant en Europe comme en Amérique (la Chine et la Russie se contentent pour l’instant de la machine, ignorant quelque peu le LGBTQ…) :

« 216. Certains progressistes ont l'air de s'opposer à la technologie ; cela durera tant qu'ils seront exclus de la direction du système. Mais si le progressisme devient un jour dominant dans notre société et qu'alors il dispose de la technologie, les progressistes s'en serviront avec enthousiasme et favoriseront son développement. Ils ne feront ainsi que répéter ce qu'ils ont déjà fait tant de fois par le passé. Quand les bolcheviques étaient minoritaires en Russie, ils étaient vigoureusement opposés à la censure et à la police secrète, ils prônaient l'autodétermination des minorités nationales, etc. ; mais, aussitôt arrivés au pouvoir, ils imposèrent une censure plus stricte, créèrent une police secrète encore plus implacable que celle du tsarisme et opprimèrent les minorités nationales au moins autant que l'avaient fait les tsars. »

Mais comme on disait le danger vient et est venu des USA et de leurs légendaires et sataniques universités (ô confréries…) :

« Aux États-Unis, il y a une vingtaine d'années, alors que les progressistes étaient en minorité dans les universités, les professeurs progressistes s'étaient fait les ardents défenseurs de la liberté d'expression ; aujourd'hui ils ont réussi à imposer leur mode de pensée, à l'exclusion de tout autre, dans les universités où ils sont majoritaires : c'est le «politiquement correct». Même chose pour la technologie : s'ils arrivent jamais à la contrôler, ils s'en serviront pour opprimer tout le monde. »

C’est ce vers quoi nous allons, gaîment. J’oubliais : opprimer ne leur suffira pas.

Quelques sources :

https://www.dedefensa.org/article/max-nordau-et-lart-dege...

https://www.terreetpeuple.com/culture-enracinee-memoire-8...

https://yogaesoteric.net/fr/de-platon-a-packard-de-la-ges...

https://eurolibertes.com/societe/de-platon-a-cnn/

https://dissibooks.files.wordpress.com/2013/09/avenirsoci...

https://nicolasbonnal.wordpress.com/2023/10/20/michel-fou...

https://www.dedefensa.org/article/sigmund-freud-politique...

https://www.dedefensa.org/article/allan-bloom-et-la-decon...

https://www.dedefensa.org/article/platon-nous-decrivait-i...

21:06 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : philosophie, nicolas bonnal, theodor kaczynski | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mardi, 26 décembre 2023

Watzlawick et le rejet du père dans le monde américain-occidental

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Watzlawick et le rejet du père dans le monde américain-occidental

Nicolas Bonnal

guide_non_conformiste_pour_lusage_de_lamerique-258929-264-432.jpgDans son Guide non conformiste pour l’usage de l’Amérique, Watzlawick règle ses comptes avec la matrice de Palo Alto qui fit sa fortune et sa célébrité. Le bouquin est un règlement de comptes digne de figurer dans le répugnant brulot de Philippe Roger sur les anti-américains de tout poil, qui comme on sait ont perdu la partie en France et en Europe – car plus l’Amérique sombre et devient folle (militairement, démographiquement, politiquement, culturellement et économiquement), plus elle fascine et domine les esprits européens réduits à l’état de zombis et de miséreux bellicistes. Il reste aux politiciens européens à liquider la population locale sur ordre des labos, des GAFAM et des fonds de pension US (merci aux dibbouks de Kunstler et à cette volonté du Tikkoun olam qui devait réparer le monde – sont-ils stupides ou si mal intentionnés ?). Le problème est qu’en réduisant la population de leurs ouailles ici comme au Japon (-800.000/an depuis le vaccin) les « élites » américaines détruisent aussi leur capacité de nuire à l’échelle planétaire. Mais quand on dispose d’indices boursiers éternellement stratosphériques (quarante fois la valeur de 1980 quand l’or entre-temps n’a que triplé, et cinq fois celle de 2009), on peut tout se permettre, pas vrai ?

On sait que fille de l’Europe, l’Amérique, l’a toujours voulu détruire, ce qui est devenu possible à partir de la Première Guerre Mondiale. Ruinée et dépeuplée par cette guerre, l’Europe devient une colonie US, achève de se ruiner avec la Deuxième Guerre Mondiale qui se fait sur ordre américain (voir Frédéric Sanford, Barnes, Preparata, etc.) et ensuite peu à peu dépose les âmes et les armes. Elle n’est qu’un ombre et la construction européenne apparaît pour ce qu’elle est : une déconstruction sur ordre « anglo-saxon », qui aujourd’hui revêt un caractère haineux et carrément exterminateur.

Je reviendrai sur la lucidité des grands écrivains américains quant à la faculté de nuisance US qui est apparue dès la première moitié du dix-neuvième siècle : de Poe à Lovecraft en passant par Twain ou Hawthorne, il n’est pas un grand esprit US qui n’ait vu la catastrophe matérialiste et illuministe arriver : même Walt Whitman (voyez mon texte) en avait très bien parlé, une fois raccroché ses crampons de moderniste. Après la guerre de quatorze poursuivie pour les banquiers et la possession de la terre feinte, écrivains et dernières élites de souche anglo-saxonne culturelles décampent et vont sur l’Italie ou Paris ; et pendant que Stefan Zweig dénonce l’américanisation-uniformisation du monde (il dit bien que c’est la même chose), uniformisation qui repose sur le matérialisme, l’abrutissement et l’industrie culturelle (quelle alliance de mots tout de même), le banquier américain commence sa conquête de l’Europe, celle qui ravit nos leaders.

Donc dans son livre sur l’Amérique Watzlawick insiste sur la haine du père. Pays de grand remplacement et d’immigration, l’Amérique désavantage le père à partir des années 1870-1880.

51QAwJJ17XL._AC_UF1000,1000_QL80_.jpg« Les relations avec le père géniteur sont toutes différentes. Au début de son traité The American People, devenu un classique, l'anthropologue britannique Geoffrey Gorer analyse le phénomène typiquement amérjcain du rejet du père, et l'attribue à la nécessité, qui s'imposait pratiquement à chacun des trente millions d'Européens qui émigrèrent aux Etats-Unis entre 1860 et 1930, de s'adapter aussi vite que possible à la situation économique américaine. Mais, en s'efforçant de faire de ses enfants (généralement nés aux États-Unis) de « vrais » Américains, il devint, pour ces derniers, un objet de rejet et de dérision. Ses traditions, ses connaissances insuffisantes de la langue et surtout ses valeurs constituaient une source de gêne sociale pour la jeune génération qui fut, à son tour, victime de la réprobation de ses enfants. »

Oui l’homme immigré est toujours désavantagé et ne peut plus éduquer ses enfants, car il ne maîtrise pas assez la nouvelle langue et sa nouvelle sous-culture de sport, de consommation ou de télévision. Lipovetsky en avait bien parlé pour les maghrébins en France. Dans la démocratie cool et nihiliste qu’il décrit, les parents n’ont plus droit de cité (sic). Comme dit ailleurs Guy Debord, on ressemble à son temps plus qu’à son père. Le grand livre de Booth Tarkington, la Splendeur des Amberson, mal adapté sur ce point essentiel par l’agent communiste et New Deal Orson Welles (et pour cause !), en parle très bien de ce grand remplacement.

1003857_TarkingtonB_Magnificent.jpgMais le maître enfonce encore le cou :

« Ce rejet du père comme symbole du passé va de pair avec la surestimation des valeurs nouvelles et donc de la jeunesse. Le trentième anniversaire est cette date fatidique qui vous met au rebut du jour au lendemain, et mieux vaut ne pas parler du quarantième. Il en va de même avec l'engouement pour tout ce qui est nouveau, et tire sa qualité de cette nouveauté, même s'il s'agit d'une vieillerie sortie tout droit du magasin de friperie. »

La société de consommation s’impose et impose la rapide consommation sexuelle ou autre des femmes (Ô James Bond et le Tavistock Institute !) et des hommes (aujourd’hui confondus dans le sac unisexe) :

« Les slogans proclament imprimés sur les emballages des produits du supermarché même si l'on peut supposer, à juste titre, que farine ou aspirine, il s'agit toujours du même produit. Et le modèle de l'année d'un type d'automobile doit se distinguer du précédent, au moins par une enjolivure, même si ce qui importe, la technique de construction, n'a pas changé depuis des années. »

L’idéal totalitaire va s’imposer : on oublie la famille et on impose un groupe manipulé par un conditionnement ou un danger extérieur (pensez à ces films des années 70 qui bâtis sur l’implosion terminale de la famille imposent la naissance d’un groupe tenu par la peur et l’obéissance à un prêcheur ou un chef-clone issu du Deep State) ; Watzlawick encore :

« A cette foi utopique en l'avenir et au rejet du passé s'ajoute un autre élément, déjà évoqué: l'égalité et la stéréotypie, une éducation fondée sur l'intégration à la communauté. Cette félicité à venir devra être partagée à parts égales, il ne saurait être question de privilèges individuels. Depuis le jardin d'enfants, on inculque aux Américains qu'ils font partie d'un groupe, et que les valeurs, le comportement et le bien-être de ce groupe sont prépondérants. Toute pensée individuelle est répréhensible, sans parler d'une attitude non conforme. Les enseignants s'adressent à leurs élèves comme à un collectif, en se servant du mot class: Class, you will now write a composition about..., et cette entité amorphe qu'est la classe commence sa rédaction. Alors qu'un Européen ne supporte pas d'être pris pour Monsieur Tout-le-monde, le souci majeur d'un Américain est de ne pas dévier des normes du groupe. »

Ce groupe totalitaire et festif, abruti et bien soumis a donné en Europe les fous de Bruxelles et cette communauté européenne qui nous promet guerre, misère, Reset et totalitarisme informatique.