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mercredi, 20 septembre 2023

Jean Baudrillard et Guillaume Faye face au simulacre américain

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Jean Baudrillard et Guillaume Faye face au simulacre américain

Nicolas Bonnal

Baudrillard a écrit fréquemment des pages hostiles à l’hegemon américain mais il a aussi écrit des pages fascinées qui m’évoquent Koyaanisqatsi ou l’excellent Mobile de Michel Butor. Pour lui l’Amérique c’est le désert, le cinéma, le mirage et le simulacre ; c’est surtout ce qui ne peut être rompu par la décadence. La déchéance US devient sous la plume du maître un signe de vitalité supérieure qui, loin de fasciner le seul Baudrillard, fascine les peuples européens et leurs élites.

Il éclaire cette position paradoxale (l’Amérique c’est pour moi l’image de la Bête, ce consensus apocalyptique et ténébreux qui mène des masses d’euro-cons et même ricains à leur perdition sur terre) dans une réponse à Guillaume Faye qu’il cite dans son exceptionnel texte Amérique qui célèbre le simulacre.

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Voici un bref extrait du texte de Guillaume – que Baudrillard apprécie stylistiquement :

« La Californie n’a rien inventé : elle a tout pris à l’Europe, et lui a resservi défiguré, privé de sens, repeint aux dorures de Disneyland. Parodies du savoir, de la ville et de l’urbanité, de l’œnologie, de la technique, de la religion, de l’érotisme, de la drogue… »

Et il commente méchamment :

« Tout là-dedans est vrai (si on veut), puisque le texte lui-même est à l'image du stéréotype hystérique dont il gratifie la Californie. Ce discours doit cacher d'ailleurs une fascination certaine pour son objet. »

En fait le rejet de l’Amérique devient une manière d’encenser l’Amérique (cf. le Grand Satan…) ; et de renverser l’agresseur :

« Mais si on peut dire exactement l'inverse de ce qu'il dit dans les mêmes termes, c'est justement que G. Faye n'a pas su opérer lui-même ce retournement. Il n'a pas saisi comment à l'extrême de cette insignifiance, de cette « folie douce» de l'insignifiance, de cet enfer mou et climatisé qu'il décrit, les choses se renversent. Il n'a pas saisi le défi de cette « transcendance marginale » où justement tout un univers se trouve affronté à sa marge, à sa simulation « hystérique » et pourquoi pas ? »

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Et de poser les vraies questions à l’envers :

"Pourquoi pas une parodie de la ville avec Los Angeles? Une parodie de la technique à Silicon Valley ? Une parodie de la sociabilité, de l'érotisme et de la drogue, voire une parodie de la mer (trop bleue !) et du soleil (trop blanc !). Sans parler des et de la culture. Bien sûr, tout cela est une parodie! Si toutes ces valeurs ne supportent pas d'être parodiées, c'est qu'elles n'ont plus d'importance. Oui, la Californie (et l'Amérique avec elle) est le miroir de notre décadence, mais elle n’est pas décadente du tout, elle est d'une vitalité-hyperréelle, elle toute l'énergie du simulacre". « C'est le jeu mondial de l'inauthentique » bien sûr: c'est ça qui fait son originalité et sa puissance. Cette montée en puissance du simulacre, vous l’éprouvez ici sans effort. »

On est ici dans la guerre du faux d’Umberto Eco et le faux ricain a triomphé partout ; Baudelaire le redoutait déjà.

« Mais y est-il jamais venu ? Sinon il saurait que la clef de l'Europe n'est pas dans son passé révolu, mais dans cette anticipation parodique et délirante qu'est le Nouveau Monde. Il ne voit pas que chaque détail de l’Amérique peut être abject ou insignifiant, c'est l'ensemble qui dépasse l’imagination – du coup chaque détail de sa description peut être juste, c’est l’ensemble qui dépasse les bornes de la sottise. Ce qui est neuf en Amérique, c'est le choc du premier niveau (primitif et sauvage) et du troisième type (le simulacre absolu). Pas de second degré. »

Pour Baudrillard le second degré est celui de la dérision et de la critique, celui de l’européen. Il est terminé.

dimanche, 17 septembre 2023

G. K. Chesterton et la conspiration ploutocratique (Le nommé Jeudi, 1908)

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G. K. Chesterton et la conspiration ploutocratique (Le nommé Jeudi, 1908)

Nicolas Bonnal

On lit et on relit Chesterton, et son génial Nommé jeudi, publié en 1908, lisible sur Wikisource, qui décrit la situation que nous vivons, que nos anti-conspirateurs dénoncent :

« Vous partagez cette illusion idiote que le triomphe de l’anarchie, s’il s’accomplit, sera l’œuvre des pauvres. Pourquoi ? Les pauvres ont été, parfois, des rebelles ; des anarchistes, jamais. Ils sont plus intéressés que personne à l’existence d’un gouvernement régulier quelconque. Le sort du pauvre se confond avec le sort du pays. Le sort du riche n’y est pas lié. Le riche n’a qu’à monter sur son yacht et à se faire conduire dans la Nouvelle-Guinée. Les pauvres ont protesté parfois, quand on les gouvernait mal. Les riches ont toujours protesté contre le gouvernement, quel qu’il fût. Les aristocrates furent toujours des anarchistes ; les guerres féodales en témoignent. »

C’est qu’en effet les oligarques n’aiment guère obéir.

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Dans son roman à clé sur la montée du communisme et de la mondialisation (tous aux mains d’une clique de banquiers), Chesterton, qui avait été révolté par la guerre des boers liée au diamant (Barnato, Rothschild, Cecil Rhodes et sa périlleuse Table Ronde), ajoute :

« Nous ne sommes pas des bouffons ; nous sommes des hommes qui luttons dans des conditions désespérées contre une vaste conspiration. Une société secrète d’anarchistes nous poursuit comme des lapins. Il ne s’agit pas de ces pauvres fous qui, poussés par la philosophie allemande ou par la faim, jettent de temps en temps une bombe ; il s’agit d’une riche, fanatique et puissante Église : l’Église du Pessimisme occidental, qui s’est proposé comme une tâche sacrée la destruction de l’humanité comme d’une vermine».

Chesterton ajoute avec humour et fantaisie cette allusion à Cecil Rhodes et à la Table ronde – dont reparlera Carroll Quigley dans ses classiques:

« Voici son application à ces circonstances : la plupart des lieutenants de Dimanche sont des millionnaires qui ont fait leur fortune en Afrique du Sud ou en Amérique. C’est ce qui lui a permis de mettre la main sur tous les moyens de communication, et c’est pourquoi les quatre derniers champions de la police anti-anarchiste fuient dans les bois, comme des lièvres. »

Et comme aujourd’hui on accuse le mondialisme et le transhumanisme des maîtres du réseau (Google, Amazon, Facebook, Apple, GAFA, etc.),

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Chesterton dénonce les maîtres du rail :

« Mais permettez-moi de vous faire observer que la force de cette racaille est proportionnée à la nôtre et que nous ne sommes pas grand-chose, mon ami, dans l’univers soumis à Dimanche. Il s’est personnellement assuré de toutes les lignes télégraphiques, de tous les câbles. Quant à l’exécution des membres du Conseil suprême, ce n’est rien pour lui, ce n’est qu’une carte postale à mettre à la poste, et le secrétaire suffit à cette bagatelle. »

Nicolas Bonnal

Bibliographie

Gilbert Keith Chesterton – Le nommé jeudi (wikisource)

Nicolas Bonnal –  Littérature et conspiration (Amazon.fr, Dualpha.com)

 

dimanche, 03 septembre 2023

De Thierry Breton à Napoléon III : Victor Hugo et l’interdiction de penser et d’imprimer

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De Thierry Breton à Napoléon III: Victor Hugo et l’interdiction de penser et d’imprimer

Nicolas Bonnal

Les interdits cybernétiques de Thierry Breton évoquent Orwell pour le Daily Mail. Mais nous avons de nombreux précédents en France concernant l’interdiction de tout par la bureaucratie ; et je prévoyais dans mon livre sur l’exception française (Les Belles Lettres, 1997) que la technocratie française socialiste et gaulliste annexerait l’Europe (démographiquement et intellectuellement) et qu’elle finirait par tout interdire.

On fait avec les moyens du bord : en 1851 c’est l’imprimerie, avec Breton c’est internet (d’ailleurs je m’en fous : l’humanité a ce qu’elle mérite). Victor Hugo :

« À l’heure qu’il est, personne ne sait au juste ce que c’est que le 2 décembre, ce qu’il a fait, ce qu’il a osé, qui il a tué, qui il a enseveli, qui il a enterré. Dès le matin du crime, les imprimeries ont été mises sous le scellé, la parole a été supprimée par Louis Bonaparte, homme de silence et de nuit. Le 2, le 3, le 4, le 5 et depuis, la vérité a été prise à la gorge et étranglée au moment où elle allait parler. Elle n’a pu même jeter un cri. Il a épaissi l’obscurité sur son guet-apens, et il a en partie réussi. Quels que soient les efforts de l’histoire, le 2 décembre plongera peut-être longtemps encore dans une sorte d’affreux crépuscule. Ce crime est composé d’audace et d’ombre ; d’un côté il s’étale cyniquement au grand jour, de l’autre il se dérobe et s’en va dans la brume. Effronterie oblique et hideuse qui cache on ne sait quelles monstruosités sous son manteau. »

Rappelons que peu à peu l’empire devint libéral et… populaire, le plébiscite de 1870, quelques mois avant la « correction » (Marx) face à la Prusse – correction méritée pour un empire qui avait croisé le fer avec la moitié de la terre, Chine, Mexique, Italie (1867 et 70), Autriche ou bien sûr… Russie – confirmant Napoléon dans sa pérennité dynastique.

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Aucune illusion à se faire sur le suffrage universel : sous Napoléon III ce fut comme sous Hitler. Hugo rajoute :

« Et c’est là le scrutin, et répétons-le, insistons-y, ne nous lassons pas ; je crie cent fois les mêmes choses, dit Isaïe, pour qu’on les entende une fois ; et c’est là le scrutin, c’est là le plébiscite, c’est là le vote, c’est là le décret souverain du « suffrage universel », à l’ombre duquel s’abritent, dont se font un titre d’autorité et un diplôme de gouvernement ces hommes qui tiennent la France aujourd’hui, qui commandent, qui dominent, qui administrent, qui jugent, qui règnent, les mains dans l’or jusqu’aux coudes, les pieds dans le sang jusqu’aux genoux ! »

Comme sous Macron et sous Breton on a des élections et des médias euphorisants :

« Maintenant, et pour en finir, faisons une concession à M. Bonaparte. Plus de chicanes. Son scrutin du 20 décembre a été libre, il a été éclairé ; tous les journaux ont imprimé ce qui leur a plu ; qui a dit le contraire ? des calomniateurs… »

Après Hugo (il sera pacifiste sous Napoléon, belliciste sous Gambetta, donc méfiance) part sur les grands mots :

« Ils résolurent d’en finir une fois pour toutes avec l’esprit d’affranchissement et d’émancipation, et de refouler et de comprimer à jamais la force ascensionnelle de l’humanité. L’entreprise était rude. Ce que c’était que cette entreprise, nous l’avons indiqué déjà, plus d’une fois, dans ce livre et ailleurs. »

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Mais quand on voit la liquidation de la « culture masculine blanche » (désolés, c’est la culture, même s’il n’y en a plus, lisez Barzun) par Fink (qui commande tout) et consorts (Ursula Bourla etc.) on peut méditer les belles paroles qui suivent (sublime envolée avec accumulation d’infinitifs) :

« Défaire le travail de vingt générations ; tuer dans le dix-neuvième siècle, en le saisissant à la gorge, trois siècles, le seizième, le dix-septième et le dix-huitième, c’est-à-dire Luther, Descartes et Voltaire, l’examen religieux, l’examen philosophique, l’examen universel ; écraser dans toute l’Europe cette immense végétation de la libre pensée, grand chêne ici, brin d’herbe là ; marier le knout et l’aspersoir ; mettre plus d’Espagne dans le midi et plus de Russie dans le nord ; ressusciter tout ce qu’on pourrait de l’inquisition et étouffer tout ce qu’on pourrait de l’intelligence ; abêtir la jeunesse, en d’autres termes, abrutir l’avenir ; faire assister le monde à l’auto-da-fé des idées ; renverser les tribunes, supprimer le journal, l’affiche, le livre, la parole, le cri, le murmure, le souffle ; faire le silence ; poursuivre la pensée dans la casse d’imprimerie, dans le composteur, dans la lettre de plomb, dans le cliché, dans la lithographie, dans l’image, sur le théâtre, sur le tréteau, dans la bouche du comédien, dans le cahier du maître d’école, dans la balle du colporteur ; donner à chacun pour foi, pour loi, pour but et pour dieu, l’intérêt matériel ; dire au peuple : mangez et ne pensez plus ; ôter l’homme du cerveau et le mettre dans le ventre ; éteindre l’initiative individuelle, la vie locale, l’élan national, tous les instincts profonds qui poussent l’homme vers le droit ; anéantir ce moi des nations qu’on nomme Patrie ; détruire la nationalité chez les peuples partagés et démembrés, les constitutions dans les États constitutionnels, la République en France, la liberté partout ; mettre partout le pied sur l’effort humain. »

C’est ce qu’ils refont aujourd’hui nos clercs et bureaucrates associés au capital des fonds de pension américains. Hugo écrit au passage (il irait en taule aujourd’hui donc je le cite goulument) sur ce gouvernement (déjà) des aristos (ils sont toujours là) et des millionnaires – et des obsédés sexuels (cf. la Fête impériale) :

« Allons, nous allons exposer ce triomphe de l’ordre ; nous allons peindre ce gouvernement vigoureux, assis, carré, fort ; ayant pour lui une foule de petits jeunes gens qui ont plus d’ambition que de bottes, beaux fils et vilains gueux ; soutenu à la Bourse par Fould le juif, et à l’église par Montalembert le catholique ; estimé des femmes qui veulent être filles et des hommes qui veulent être préfets ; appuyé sur la coalition des prostitutions ; donnant des fêtes ; faisant des cardinaux ; portant cravate blanche et claque sous le bras, ganté beurre frais comme Morny, verni à neuf comme Maupas, frais brossé comme Persigny, riche, élégant, propre, doré, brossé, joyeux, né dans une mare de sang. »

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Puis il remarque (comme le fera Albert Speer dans ses mémoires sur le troisième Reich, autre association de bureaucrates socialistes et de milliardaires russophobes) le lien entre dictature et progrès technique (voyez aussi mon Internet nouvelle voie initiatique, quatrième partie) :

« Parce que vous avez vu réussir un coup de main prétorien, vous vous déclarez bas-empire ! C’est vite dit, et lâchement pensé. Mais réfléchissez donc, si vous pouvez. Est-ce que le bas-empire avait la boussole, la pile, l’imprimerie, le journal, la locomotive, le télégraphe électrique ? Autant d’ailes qui emportent l’homme, et que le bas-empire n’avait pas ! Où le bas-empire rampait, le dix-neuvième siècle plane. Y songez-vous ? Quoi ! nous reverrions l’impératrice Zoé, Romain Argyre, Nicéphore Logothète, Michel Calafate ! Allons donc ! Est-ce que vous vous imaginez que la Providence se répète platement ? Est-ce que vous croyez que Dieu rabâche ? »

Comme je l’ai dit le pouvoir devenu libéral sera conforté par le dernier plébiscite. Et comme le dit Flaubert  (alors ami de Hugo, avec il correspond et dont il récupère le courrier) dans son Journal, quelque part en 1853 :

« Mais une vérité me semble être sortie de tout cela ; c'est qu'on n'a nul besoin du vulgaire, de l'élément nombreux des majorités, de l'approbation, de la consécration. 89 a démoli la royauté et la noblesse, 48 la bourgeoisie et 51 le peuple. Il n'y a plus rien, qu'une tourbe canaille et imbécile. Nous sommes tous enfoncés au même niveau dans une médiocrité commune. »

Breton comme Biden ou Macron l’ont parfaitement compris.  Il n’y a aucune résistance, qu’une poignée de râleurs qui cliquent en attendant d’être affamés et privés de tout comme les autres, alors pourquoi se priver, merde ? Censure aussi Victor Hugo, Thierry. Et notre cher passé…

Flaubert encore : « L'humanité a la rage de l'abaissement moral, et je lui en veux de ce que je fais partie d'elle. »

Sources principales :

http://www.bouquineux.com/?telecharger=304&Flaubert-C...

https://www.dailymail.co.uk/news/article-12469157/EU-accu...

http://www.centremultimedia.be/IMG/pdf/hugo_napoleon_le_p...

https://www.amazon.fr/Autopsie-lexception-fran%C3%A7aise-...

https://www.amazon.fr/INTERNET-SECRETS-MONDIALISATION-Nic...

 

mardi, 15 août 2023

Victor Hugo et le génie des énergies naturelles (eau, vent)

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Victor Hugo et le génie des énergies naturelles (eau, vent)

Nicolas Bonnal

Dans Quatre-vingt-treize, Hugo défie les hommes et leur barbarie. Il se fait le chantre en pleine guerre civile française, en pleine horreur révolutionnaire, de la sagesse, de la beauté et de la richesse de la nature.

Il décrit ainsi une promenade :

« Pendant que ceci se passait près de Tanis, le mendiant s’en était allé vers Crollon. Il s’était enfoncé dans les ravins, sous les vastes feuillées sourdes, inattentif à tout et attentif à rien, comme il l’avait dit lui-même, rêveur plutôt que pensif, car le pensif a un but et le rêveur n’en a pas, errant, rôdant, s’arrêtant, mangeant çà et là une pousse d’oseille sauvage, buvant aux sources, dressant la tête par moments à des fracas lointains, puis rentrant dans l’éblouissante fascination de la nature, offrant ses haillons au soleil, entendant peut-être le bruit des hommes, mais écoutant le chant des oiseaux. »

Bruit des hommes, chant des oiseaux. Hugo aimait Leopardi (voyez mon texte).

Hugo explique aussi que certains paysages créent du mal-être :

« En présence de certains paysages féroces, on est tenté d’exonérer l’homme et d’incriminer la création ; on sent une sourde provocation de la nature ; le désert est parfois malsain à la conscience, surtout à la conscience peu éclairée ; la conscience peut être géante, cela fait Socrate et Jésus ; elle peut être naine, cela fait Atrée et Judas. La conscience petite est vite reptile ; les futaies crépusculaires, les ronces, les épines, les marais sous les branches, sont une fatale fréquentation pour elle ; elle subit là la mystérieuse infiltration des persuasions mauvaises. »

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C’est tout le message de Tolkien (dernier écrivain romantique et magique) que l’on a là.

La nature est plus sage et plus belle. L’homme évidemment peut « dépasser » la nature. Cela fait longtemps qu’il ne le fait plus. Notez :

« Restez dans la nature. Soyez les sauvages. Otaïti est un paradis. Seulement, dans ce paradis on ne pense pas. Mieux vaudrait encore un enfer intelligent qu’un paradis bête. Mais non, point d’enfer. Soyons la société humaine. Plus grande que nature. Oui. Si vous n’ajoutez rien à la nature, pourquoi sortir de la nature ? Alors, contentez-vous du travail comme la fourmi, et du miel comme l’abeille. Restez la bête ouvrière au lieu d’être l’intelligence reine. »

Belle définition de la société idéale (« nature sublimée ») :

« Si vous ajoutez quelque chose à la nature, vous serez nécessairement plus grand qu’elle ; ajouter, c’est augmenter ; augmenter, c’est grandir. La société, c’est la nature sublimée. Je veux tout ce qui manque aux ruches, tout ce qui manque aux fourmilières, les monuments, les arts, la poésie, les héros, les génies. »

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Malgré la brutalité et l’imbécillité de l’homme, de ses guerres et de ses fabrications (comme dit Lao Tse)  la nature persiste :

« La nature est impitoyable ; elle ne consent pas à retirer ses fleurs, ses musiques, ses parfums et ses rayons devant l’abomination humaine ; elle accable l’homme du contraste de la beauté divine avec la laideur sociale ; elle ne lui fait grâce ni d’une aile de papillon ni d’un chant d’oiseau ; il faut qu’en plein meurtre, en pleine vengeance, en pleine barbarie, il subisse le regard des choses sacrées ; il ne peut se soustraire à l’immense reproche de la douceur universelle et à l’implacable sérénité de l’azur. Il faut que la difformité des lois humaines se montre toute nue au milieu de l’éblouissement éternel. L’homme brise et broie, l’homme stérilise, l’homme tue ; l’été reste l’été, le lys reste le lys, l’astre reste l’astre. »

On répète parce que c’est trop beau : « L’homme brise et broie, l’homme stérilise, l’homme tue ; l’été reste l’été, le lys reste le lys, l’astre reste l’astre. »

Il est amusant de voir d’ailleurs que la nature n’a jamais été aussi belle alors que l’homme écolo et repenti prétend à coups d’éoliennes et d’énième guerre mondiale la protéger.

Une dernière grande envolée poétique :

« Ce matin-là, jamais le ciel frais du jour levant n’avait été plus charmant. Un vent tiède remuait les bruyères, les vapeurs rampaient mollement dans les branchages, la forêt de Fougères, toute pénétrée de l’haleine qui sort des sources, fumait dans l’aube comme une vaste cassolette pleine d’encens ; le bleu du firmament, la blancheur des nuées, la claire transparence des eaux, la verdure, cette gamme harmonieuse qui va de l’aigue marine à l’émeraude, les groupes d’arbres fraternels, les nappes d’herbes, les plaines profondes, tout avait cette pureté qui est l’éternel conseil de la nature à l’homme. Au milieu de tout cela s’étalait l’affreuse impudeur humaine ; au milieu de tout cela apparaissaient la forteresse et l’échafaud, la guerre et le supplice, les deux figures de l’âge sanguinaire et de la minute sanglante ; la chouette de la nuit du passé et la chauve-souris du crépuscule de l’avenir. En présence de la création fleurie, embaumée, aimante et charmante, le ciel splendide inondait d’aurore la Tourgue et la guillotine, et semblait dire aux hommes : Regardez ce que je fais et ce que vous faites. »

L’homme brise et broie, l’homme stérilise, l’homme tue ; l’été reste l’été, le lys reste le lys, l’astre reste l’astre. »

La France de jadis…

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Enfin Hugo lance même un message sublime sur l’énergie naturelle. L’homme doit s’aider de la terre pour vivre mieux :

« Que tout homme ait une terre, et que toute terre ait un homme. Vous centuplerez le produit social. La France, à cette heure, ne donne à ses paysans que quatre jours de viande par an ; bien cultivée, elle nourrirait trois cent millions d’hommes, toute l’Europe. Utilisez la nature, cette immense auxiliaire dédaignée. Faites travailler pour vous tous les souffles de vent, toutes les chutes d’eau, tous les effluves magnétiques. Le globe a un réseau veineux souterrain ; il y a dans ce réseau une circulation prodigieuse d’eau, d’huile, de feu ; piquez la veine du globe, et faites jaillir cette eau pour vos fontaines, cette huile pour vos lampes, ce feu pour vos foyers. Réfléchissez au mouvement des vagues, au flux et reflux, au va-et-vient des marées. Qu’est-ce que l’océan ? une énorme force perdue. Comme la terre est bête ! ne pas employer l’océan ! »

 

samedi, 12 août 2023

Michel Foucault et le progrès de la surveillance dans notre monde moderne

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Michel Foucault et le progrès de la surveillance dans notre monde moderne

Nicolas Bonnal

Plus personne ne conteste que nous vivons dans des sociétés de vigilance et de surveillance. Le pouvoir bienveillant, tutélaire et doux peut désormais tout contrôler avec les progrès de la technologie et le déclin de la réactivité des populations. Le terrorisme, la dette ou la Russie serviront de croquemitaine. Bernanos écrivait en 1945 :

« Aujourd’hui l’exception est devenue la règle, la Démocratie mobilise tout, hommes, femmes, enfants, animaux et machines, sans même nous demander de trinquer à sa santé. »

Évoquons Michel Foucault. On le prend pour le maître à penser de tous ceux qui au pouvoir achèvent de replâtrer notre société. En réalité, en le relisant, je me rends compte qu’il est possible sans se forcer de faire une lecture guénonienne et traditionaliste de Foucault – comme on peut en faire une de Nietzsche ou même de Karl Marx quand il décrit l’apparition du capitalisme et la progressive et monstrueuse destruction du libre paysan d’Angleterre (Capital, I, 6). Foucault a très bien décrit la monstruosité moderne en marche à partir de la fin du Moyen-Âge par exemple, ce que nos profs et experts appellent eux "les Lumières". Son texte résonne curieusement quand il évoque le Moyen-Âge, âge définitivement plus libre que nos temps modernes. Pensez au grand critique soviétique Bakhtine et à sa relecture révolutionnaire/traditionnelle de Rabelais par exemple.

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On l’écoute et on le relit un peu mieux alors (Surveiller et punir, surtout) :

« Les Lumières, qui ont découvert les libertés, ont également inventé les disciplines. »

Foucault prend le contre-pied de Debord (la Société du Spectacle… et évoque une société moderne post-spectaculaire fondée sur des techniques et des technologies du contrôle humain :

« La punition a cessé peu à peu d’être théâtre. Et tout ce qu’il pourrait prendre avec lui comme un spectacle sera affecté par un indice négatif. »

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Il écrit le rôle des couvents baroques (comme il a raison), des casernes et des hôpitaux dans cette gestation de notre monde sinistre où il faut, disait une sage dame, périr en symétrie. Il souligne le rôle de la Réforme et des armées protestantes :

« La grande discipline militaire a été formée, dans les armées protestantes de Maurice d’Orange et Gustave-Adolphe (dessin), à travers un rythme qui a été souligné par les exercices de piété ; l’existence dans l’armée doit avoir, dit plus tard Boussanelle, ‘des perfections du cloître lui-même’. »

Pensons aux automates de Kleist. On progressa alors, on fit des manœuvres, des pas, des exercices. Et des danses aussi, dont se moquent Montesquieu, Pouchkine et Molière :

« L’acte est décomposé en ses éléments ; la position du corps, des membres, des articulations est définie ; à chaque mouvement est assigné une adresse, une amplitude, une durée ; son ordre de succession est prescrit. Le temps pénètre dans le corps, et avec lui toutes les minutieuses commandes de puissance. »

Foucault remet à leur place les psychologues et les fonctionnaires de l’orthopédie morale :

« Il y a dans la justice moderne et dans ceux qui l’administrent un embarras de punir qui n’exclut pas toujours le zèle ; il croît sans cesse: sur cette blessure, le psychologue fourmille aussi bien que le modeste fonctionnaire de l’orthopédie morale. »

Comme Sorel dans son histoire oubliée de Francion, Foucault décrit l’atmosphère carcérale – pour ne pas dire concentrationnaire! – du collège jésuite :

« Prenons l’exemple de la ‘classe’. Dans les écoles jésuites, il y avait encore une organisation binaire et massive à la fois : les classes, qui pouvaient avoir jusqu’à deux ou trois cents élèves, et étaient divisées en groupes de dix. Chacun de ces groupes avec leur décurion, était placé dans un champ, le romain ou le carthaginois ; à chaque décurie correspondait une décurie inverse. La forme générale était celle de la guerre et de la rivalité entre Carthage et Rome. »

Foucault évoque la grande modification, pour parler comme Butor. On torture toujours les hommes, mais autrement :

« La souffrance physique, la douleur du corps même, ne sont plus les éléments constitutifs du chagrin. La punition est passée d’un art de sensations insupportables à une économie de droits suspendus. »

Foucault ajoute sarcastique :

« À la suite de cette nouvelle circonspection, toute une armée de techniciens est venue soulager le bourreau, l’anatomiste immédiat de la souffrance : les gardes, les médecins, les aumôniers, les psychiatres, les psychologues, les éducateurs. »

L’homme tranquillisé d’Huxley est bien sûr au programme :

« Au moment où l’heure de l’exécution approche, les patients reçoivent des injections de tranquillisants. Utopie de la modestie judiciaire: supprimer l’existence en évitant de ressentir les dommages, en privant tous les droits sans les faire souffrir, en imposant des peines libérées de la souffrance. L’utilisation de la psychopharmacologie et de divers ‘déconnecteurs’ physiologiques, même s’ils doivent être provisoires, s’inscrit dans la logique de cette pénalité. »

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Du coup on sera privé des spectacles punitifs :

« Le grand spectacle de la punition physique disparaît alors au début du XIXe siècle ; le corps suppléé est déguisé ; l’appareil théâtral de la souffrance est exclu de la punition. On entre dans l’ère de la sobriété punitive. »

C’est qu’on délaisse le corps pour attaquer l’âme :

« Depuis les 150 ou 200 ans que l’Europe a mis en place ses nouveaux systèmes de sanctions, les juges, peu à peu, mais selon un processus qui remonte à loin, ont été mis à même de juger autre chose que des crimes : ‘l’âme’ des criminels. »

Ambiance religieuse réformatrice. Foucault use du mot « cellule » :

« La cellule, cette technique du monachisme chrétien qui ne subsistait que dans les pays catholiques, devient dans cette société protestante l’instrument par lequel l’homo oeconomicus et la conscience religieuse peuvent se reconstituer en même temps. »

Il évoque l’ambiance carcérale de l’univers de Nicolas Ledoux ou d’Oberkampf, qui fabrique alors nos toiles de Jouy. C’est que le monde moderne naît dans la prison :

« La prison, lieu d’exécution de la sentence, est en même temps un lieu d’observation des individus punis. Dans deux sens. Surveillance naturellement. Mais aussi la connaissance de chaque détenu, de son comportement, de ses dispositions profondes, de son amendement progressif ; les prisons devraient être conçues comme un lieu de formation pour une connaissance clinique des condamnés… »

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Foucault évoque bien sûr le panopticon du monstrueux Bentham (il fit pendre un de ses domestiques pour un vol de fourchette) devenu l’idole des penseurs contemporains :

« Le panopticon devint vers 1830-1840 le programme architectural de la plupart des projets pénitentiaires. »

Le programme, avant la machine à habiter de Le Corbusier :

« En bref, constituer une prison-machine avec une cellule de visibilité où le détenu sera coincé ‘dans la maison de verre du philosophe grec’ et un point central à partir duquel un regard permanent peut contrôler à la fois les prisonniers et le personnel. »

Très nourri de lectures juridiques et pénitentiaires, Foucault évoque l’Allemand Julius :

« Julius lut comme un processus historique accompli ce que Bentham avait décrit comme un programme technique. Notre société n’est pas celle du spectacle, mais de la vigilance ; sous la surface des images, vous atteignez les corps en profondeur… »

J’ai évoqué ici Fukuyama qui dit que le bourgeois fut une fabrication de l’intelligence britannique, à partir de Locke et de Hobbes. Foucault remarque :

« La belle totalité de l’individu n’est pas amputée, réprimée, altérée par notre ordre social, mais l’individu y est soigneusement fabriqué, selon toute une tactique de forces et de corps. »

Notre néo-classique explique bellement :

« Nous sommes beaucoup moins grecs que nous le pensons. Nous ne sommes pas sur les gradins ou sur la scène, mais sur la machine panoptique, dominée par ses effets de puissance que nous étendons nous-mêmes, puisque nous sommes l’un de ses rouages. »

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Cet aspect laborantin du monde moderne est ici excellemment décrit :

« L’hôpital d’abord, puis l’école et plus tard encore l’atelier n’ont pas simplement été ‘mis en ordre’ par les disciplines ; ils sont devenus, grâce à elles, de tels appareils que tout mécanisme d’objectivation peut être utilisé comme instrument de sujétion, et tout accroissement de pouvoir donne naissance à une connaissance possible ; de ce lien, typique des systèmes technologiques, c’est ainsi que la médecine clinique ; la psychiatrie ; la psychologie des enfants ; la psychopédagogie ; la rationalisation du travail ont pu se former dans l’élément disciplinaire. »

J’espère en avoir assez fait pour susciter chez les plus attentifs une relecture traditionnelle et antimoderne de Michel Foucault. Je laisserai encore la parole au maître Tocqueville, cet expert en prisons d’ailleurs, qui écrit dans sa démocratie  en Amérique :

« Sous le gouvernement absolu d’un seul, despotisme, pour arriver à l’âme, frappait grossièrement le corps ; et l’âme, échappant à ces coups, s’élevait glorieuse au-dessus de lui ; mais dans les républiques démocratiques, ce n’est point-là que la tyrannie ; elle laisse le corps et va droit à l’âme. »

Nicolas Bonnal sur Amazon.fr

vendredi, 11 août 2023

Une admirable lettre de Saint-Exupéry au général X: «Deux milliards d’hommes n’entendent plus que le robot»

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Une admirable lettre de Saint-Exupéry au général X: «Deux milliards d’hommes n’entendent plus que le robot»

Nicolas Bonnal

Pilote de guerre Saint-Ex est placé pour parler de la technologie ; or celle-ci anéantit le combat et le goût du combat et le voyage et le goût du voyage.

Il écrit donc dans sa lettre :

« Je viens de faire quelques vols sur « P-38 ». C’est une belle machine. J’aurais été heureux de disposer de ce cadeau-là pour mes vingt ans. Je constate avec mélancolie qu’aujourd’hui, à quarante-trois ans, après quelque six mille cinq cents heures de vol sous tous les ciels du monde, je ne puis plus trouver grand plaisir à ce jeu-là. Ce n’est plus qu’un instrument de déplacement – ici, de guerre. Si je me soumets à la vitesse et à l’altitude à un âge patriarcal pour ce métier, c’est bien plus pour ne rien refuser des emmerdements de ma génération que dans l’espoir de retrouver les satisfactions d’autrefois. Ceci est peut-être mélancolique, mais peut-être bien ne l’est pas. »

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Il a redécouvert par hasard le goût du déplacement en carriole, le goût du cheval, du mouton, des oliviers :

« Ceci est peut-être mélancolique, mais peut-être bien ne l’est pas. C’est sans doute quand j’avais vingt ans que je me trompais. En octobre 1940, de retour d’Afrique du Nord où le groupe 2-33 avait émigré, ma voiture étant remisée, exsangue, dans quelque garage poussiéreux, j’ai découvert la carriole et le cheval. Par elle, l’herbe des chemins. Les moutons et les oliviers. Ces oliviers avaient un autre rôle que celui de battre la mesure derrière les vitres à cent trente kilomètres à l’heure. Ils se montraient dans leur rythme vrai qui est de lentement fabriquer des olives. Les moutons n’avaient pas pour fin exclusive de faire tomber la moyenne. Ils redevenaient vivants. Ils faisaient de vraies crottes et fabriquaient de la vraie laine. Et l’herbe aussi avait un sens puisqu’ils la broutaient. »

Même la poussière est parfumée :

« Et je me suis senti revivre dans ce seul coin du monde où la poussière soit parfumée (je suis injuste, elle l’est en Grèce aussi comme en Provence). Et il m’a semblé que, durant toute ma vie, j’avais été un imbécile... »

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Après la tristesse devant la mécanisation du monde lui revient :

« Tout cela pour vous expliquer que cette existence grégaire au cœur d’une base américaine, ces repas expédiés debout en dix minutes, ce va-et-vient entre les monoplaces de 2600 CV dans une sorte de bâtisse abstraite où nous sommes entassés à trois par chambre, ce terrible désert humain, en un mot, n’a rien qui me caresse le cœur. Ça aussi, comme les missions sans profit ou espoir de retour de juin 1940, c’est une maladie à passer. Je suis « malade » pour un temps inconnu. Mais je ne me reconnais pas le droit de ne pas subir cette maladie. Voilà tout. Aujourd’hui, je suis profondément triste – et en profondeur. Je suis triste pour ma génération qui est vide de toute substance humaine. Qui, n’ayant connu que le bar, les mathématiques et les Bugatti comme forme de vie spirituelle, se trouve aujourd’hui dans une action strictement grégaire qui n’a plus aucune couleur. »

En trois mots il expédie son époque :

« De la tragédie grecque, l’humanité, dans sa décadence, est tombée jusqu’au théâtre de M. Louis Verneuil (on ne peut guère aller plus loin). Siècle de la publicité, du système Bedeau, des régimes totalitaires et des armées sans clairons ni drapeaux ni messe pour les morts. Je hais mon époque de toutes mes forces. L’homme y meurt de soif. »

Ce n’est pas le même style (quelle chance nous avions tout de même), mais ce sont les thèmes de Céline et Bernanos. Saint-Ex ajoute sur la disparition spirituelle de la guerre :

« Considérez combien il intégrait d’efforts pour qu’il fût répondu à la vie spirituelle, poétique ou simplement humaine de l’homme. Aujourd’hui que nous sommes plus desséchés que des briques, nous sourions de ces niaiseries. Les costumes, les drapeaux, les chants, la musique, les victoires (il n’est pas de victoire aujourd’hui, rien qui ait la densité poétique d’un Austerlitz. »

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Et alors que Bernanos prépare sa France contre les robots (pauvre France ! Pauvre Bernanos !), il écrit notre pilote :

« Ah ! Général, il n’y a qu’un problème, un seul de par le monde. Rendre aux hommes une signification spirituelle, des inquiétudes spirituelles. Faire pleuvoir sur eux quelque chose qui ressemble à un chant grégorien. Deux milliards d’hommes n’entendent plus que le robot, ne comprennent plus que le robot, se font robots. Tous les craquements des trente dernières années n’ont que deux sources : les impasses du système économique du XIXe siècle, le désespoir spirituel. »

Il pressent que l’après-guerre sera terrible, les termites (il en parle aussi) n’ayant rien compris :

« À quoi servira de gagner la guerre si nous en avons pour cent ans de crise d’épilepsie révolutionnaire ? Quand la question allemande sera enfin réglée, tous les problèmes véritables commenceront à se poser. Il est peu probable que la spéculation sur les stocks américains suffise, au sortir de cette guerre, à distraire, comme en 1919, l’humanité de ses soucis véritables. Faute d’un courant spirituel fort, il poussera, comme champignons, trente-six sectes qui se diviseront les unes les autres. Le marxisme lui-même, trop vieillot, se décomposera en une multitude de néo-marxismes contradictoires. On l’a bien observé en Espagne. À moins qu’un César français ne nous installe dans un camp de concentration néo-socialiste pour l’éternité. »

Le César on l’a ; il s’appelle Jupiter. Vive nos antiquités gréco-latines contre lesquelles se déchaînent aussi Bernanos et Céline.

On nous châtrés, ajoute le maître :

« Nous sommes étonnamment bien châtrés. Ainsi sommes-nous enfin libres. On nous a coupé les bras et les jambes, puis on nous a laissés libres de marcher. Mais je hais cette époque où l’homme devient, sous un totalitarisme universel, bétail doux, poli et tranquille. On nous fait prendre ça pour un progrès moral ! Ce que je hais dans le marxisme, c’est le totalitarisme à quoi il conduit. L’homme y est défini comme producteur et consommateur, le problème essentiel est celui de distribution. Ainsi dans les fermes modèles. Ce que je hais dans le nazisme, c’est le totalitarisme à quoi il prétend par son essence même. On fait défiler les ouvriers de la Ruhr devant un Van Gogh, un Cézanne et un chromo. Ils votent naturellement pour le chromo. Voilà la vérité du peuple ! »

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Et il n’avait pas vu la télé et les réseaux sociaux !

Plus on est allé vers le peuple  au nom de la république ou de la démocratie libérale ou socialo (éducation, conscription, élections), plus on a récolté le totalitarisme qui a son tout a récolté le peuple. On a le bétail soumis en échange.

Le maître ajoute :

« On boucle solidement dans un camp de concentration les candidats Cézanne, les candidats

Van Gogh, tous les grands non-conformistes, et l’on alimente en chromos un bétail soumis. Mais où vont les États-Unis et où allons-nous, nous aussi, à cette époque de fonctionnariat universel ? L’homme robot, l’homme termite, l’homme oscillant du travail à la chaîne : système Bedeau, à la belote. L’homme châtré de tout son pouvoir créateur et qui ne sait même plus, du fond de son village, créer une danse ni une chanson. L’homme que l’on alimente en culture de confection, en culture standard comme on alimente les bœufs en foin. C’est cela, l’homme d’aujourd’hui. »

Hommage à la princesse de Clèves qui avait tant énervé l’insupportable Sarkozy :

« Et moi, je pense que, il n’y a pas trois cents ans, on pouvait écrire La Princesse de Clèves ou s’enfermer dans un couvent pour la vie à cause d’un amour perdu, tant était brûlant l’amour. Aujourd’hui, bien sûr, des gens se suicident. Mais la souffrance de ceux-là est de l’ordre d’une rage de dents. Intolérable. Ça n’a point à faire avec l’amour. »

Et il conclue pensant à ses pauvres voisins endormis dans son baraquement militaire :

« Depuis le temps que j’écris, deux camarades se sont endormis devant moi dans ma chambre. Il va me falloir me coucher aussi, car je suppose que ma lumière les gêne (ça me manque bien, un coin à moi !). Ces deux camarades, dans leur genre, sont merveilleux. C’est droit, c’est noble, c’est propre, c’est fidèle. Et je ne sais pourquoi j’éprouve, à les regarder dormir ainsi, une sorte de pitié impuissante. Car, s’ils ignorent leur propre inquiétude, je la sens bien. Droits, nobles, propres, fidèles, oui, mais aussi terriblement pauvres. Ils auraient tant besoin d’un dieu. Pardonnez-moi si cette mauvaise lampe électrique que je vais éteindre vous a aussi empêché de dormir et croyez en mon amitié. »

Car, s’ils ignorent leur propre inquiétude, je la sens bien.

Tu vas voir le prochain vaccin, tu vas voir leur Reset, tu vas voir leur nouvelle guerre mondiale, tu vas voir les CBDC.

jeudi, 03 août 2023

« Pour être tué, il faut vivre » (Jules Michelet): comment le vieil Occident zombie survit à sa mort

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« Pour être tué, il faut vivre » (Jules Michelet): comment le vieil Occident zombie survit à sa mort

Nicolas Bonnal

Vladimir Poutine et la Russie dominent, mais l’Occident se maintient avec sa dette, son hypocrisie, ses casseroles coloniales. Dix techno-lords US sont plus riches que tous les Africains. Bruxelles agonise en nous volant argent et liberté.

Jean Baudrillard parla d’hystérésis (1) pour décrire ce monde. Il évoquait même, je crois, cette barbe qui continue de pousser au poil de menton du cadavre.

Qu’est-ce qui n’est pas mort en Occident ?  Qu’est-ce qui ne relève pas encore du phénomène zombi ? Les économies hallucinées (James Kunstler), les cent mille milliards  de dettes qui ne terrorisent que les naïfs (on ira tous à un million de milliards de $, imprimez !), les nations abolies, fusionnées, les peuples remplacés ou stérilisés, les religions profanées, tout en fait, y compris la terre et son atmosphère (voyez comment vivent la Chine ou l’Inde de notre René Guénon pour rire un peu), relève de la parodie, de la mort défigurée et du mort-vivant. Le public se reconnaît du reste dans ce type abominable de série yankee : les morts qui font semblant de vivre. Je continuerais durant des pages, si je ne craignais de me répéter. Le mouvement autonome du non-vivant, disait-on du mouvement matériel en ces temps aéroportés et précipités.

Je ne suis pas plus pessimiste que cet historien progressiste, qui est passé de mode en ces temps divagants, palabreurs et parkinsoniens. Michelet s’étonne en son temps de républicanisme alors prometteur, de l’hystérésis  médiévale, du maintien incompréhensible, des siècles durant, du clergé et de la féodalité, maintien  qui aboutit aux violentes révolutions qu’on connaît.

« L’état bizarre et monstrueux, prodigieusement artificiel, qui fut celui du Moyen-âge, n’a d’argument en sa faveur que son extrême durée, sa résistance obstinée au retour de la nature. »

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Et il philosophe du coup Michelet (il le fait souvent bien) :

« Mais n’est-elle pas naturelle, dira-t-on, une chose qui, ébranlée, arrachée, revient toujours ? La féodalité, voyez comme elle tient dans la terre. Elle semble mourir au treizième siècle, pour refleurir au quatorzième. Même au seizième siècle encore, la Ligue nous en refait une ombre, que continuera la noblesse jusqu’à la Révolution. Et le clergé, c’est bien pis. Nul coup n’y sert, nulle attaque ne peut en venir à bout. »

Comment se maintint le clergé en fait ?

«  Frappé par le temps, la critique et le progrès des idées, il repousse toujours en dessous par la force de l’éducation et des habitudes. Ainsi dure le Moyen-âge, d’autant plus difficile à tuer qu’il est mort depuis longtemps. Pour être tué, il faut vivre. Que de fois il a fini ! »

Michelet rappelle les grandes dates agoniques du Moyen-âge :

« Il finissait dès le douzième siècle, lorsque la poésie laïque opposa à la légende une trentaine d’épopées ; lorsqu’Abélard, ouvrant les écoles de Paris, hasarda le premier essai de critique et de bon sens.

Il finit au treizième siècle, quand un hardi mysticisme, dépassant la critique même, déclare qu’à l’Évangile historique succède l’Évangile éternel et le Saint-Esprit à Jésus.

 Il finit au quatorzième, quand un laïque, s’emparant des trois mondes, les enclot dans sa Comédie, humanise, transfigure et ferme le royaume de la vision.

Et définitivement, le Moyen-âge agonise aux quinzième et seizième siècles, quand l’imprimerie, l’antiquité, l’Amérique, l’Orient, le vrai système du monde, ces foudroyantes lumières, convergent leurs rayons sur lui. »

Ce système de la Renaissance-science-nation est en train de crever autour de nous comme on sait. Il n’accouche de rien du tout, on a un œuf de serpent écrasé. Comme je le montre dans un livre (3), Tocqueville, Pouchkine ou Poe avaient déjà tout dit sur ce monde gelé il y a deux cents ans. Ce monde qui dure depuis relève de cette hystérésis. Mais combien de temps un tel zombi peut durer ? Michelet poursuit avec conscience :

« Que conclure de cette durée ? Toute grande institution, tout système une fois régnant et mêlé à la vie du monde, dure, résiste, meurt très longtemps. Le paganisme défaillait dès le temps de Cicéron, et il traîne encore au temps de Julien et au-delà de Théodose. »

Samichphhre.jpgTout met du temps à crever, paganisme compris, et tout dure au-delà de sa mort. Michelet persiste et signe :

« Que le greffier date la mort du jour où les pompes funèbres mettront le corps dans la terre, l’historien date la mort du jour où le vieillard perd l’activité productive. »

Si c’est comme cela pour le génie médiéval, je ne vous dis pas pour la démocratie-marché…

« Tout finit au douzième siècle ; le livre se ferme… », termine Michelet qui remarque qu’un système périclitant comme celui de l’Eglise – ou de la démocratie bourgeoise à notre époque -  a tendance à devenir totalitaire et dangereux :

« Les anciens conciles sont généralement d’institutions, de législation. Ceux qui suivent, à partir du grand concile de Latran, sont de menaces et de terreurs, de farouches pénalités. Ils organisent une police. Le terrorisme entre dans l’Église, et la fécondité en sort. »

Cette Eglise moderne lança aussi la Croisade. Les conciles orthodoxes furent oubliés. C’est encore cette Eglise catholique romaine, star des temps modernes, qui inventa en 1622 le beau mot de propagande.

A Michelet j’adjoindrai un philosophe oublié (Michel Onfray en parle, mais trop peu), Ludwig Feuerbach qui remarque que son antichristianisme n’a plus prise parce qu’il a à faire à des farceurs masqués. C’est comme pour les attentats, les « gens », le « public » ne sentent pas les coups. Ils sont anesthésiés (Stanley Payne). En ces temps de Bergoglio et de gauchisme catho, cela ne prêtera pas à sourire.

« Le ton « des bonnes sociétés, » le ton neutre, sans passion et sans caractère, approprié à la défense d’illusions, de préjugés et de mensonges dont tout le monde convient, voilà le ton dominant, le ton normal de l’époque, le ton dans lequel non seulement les affaires politiques, — ce qui se comprend de soi-même, — mais encore les affaires de religion et de science, c’est-à-dire le mal d’aujourd’hui, sont traitées et doivent être traitées (4). »

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Et Feuerbach annonçait ce que décrit Edgar Poe à la même époque: le masque prendrait la place du visage, le cerveau celui de l’âme.

 « Apparence, mensonge, hypocrisie, masque, voilà le caractère du temps présent; masque notre politique, masque notre moralité, masque notre religion et masque notre science. »

Le masque de la mort rose occidentale cache une décrépitude sans égale ; la Russie ici aussi devra se mettre à l’œuvre pour inspirer des hommes de bonne volonté.

Notes

(1) Le dictionnaire d’Oxford de mon ordinateur donne cette définition en anglais. ‘The phenomenon in which the value of a physical property lags behind changes in the effect causing it, as for instance when magnetic induction lags behind the magnetizing force.’

(2) A l'ouest rien de « moderne » - Chroniques de la Fin de l'Histoire, (Edition Kindle sur amazon.fr).

(3) Michelet (Jules : Histoire de France, VII, Renaissance, pp. 17-18 (sur uqac.ca).

(4) Feuerbach (Ludwig) : l’essence du christianisme, traduit de l’allemand par Joseph Roy, Paris, 1864. préface de la seconde édition.

 

samedi, 29 juillet 2023

Préface à "La destruction de la France au cinéma" de Nicolas Bonnal

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Pierre Le Vigan:

Préface à La destruction de la France au cinéma de Nicolas Bonnal

Disons-le d’emblée : « La destruction de la France au cinéma » est un livre épatant. Alacrité, rapidité de l’écriture, parfois célinienne. Comme « D’un château à l’autre » devenu « D’un château l’autre »… Livre furieux, joyeux, caustique, exaspéré par le monde moderne, mais pas haineux. Bonnal en long et en large. On ne s’en lasse pas. L’idée de départ est de montrer comment une certaine France a disparu. Une France prémoderne ? Traditionnelle ? Celle des vieux métiers ? Celle des vieilles librairies, des bouquins papier et non des e-books ? Celle des bistrots ? Un peu tout cela. Une chose est sûre. C’était la France que nous aimions.

La littérature peut montrer la disparition de cette France. Le cinéma tout autant, et sans doute de manière plus spectaculaire. Nicolas Bonnal s’y prend en deux temps. Tout d’abord, en quelques quatre-vingt pages, il combine littérature et cinéma pour aborder les grands aspects de l’effacement d’une certaine France. S’agit-il de la liquidation de la tradition par la modernité ?  Ou de la liquidation de la modernité des années 60 par la postmodernité des années 80 et 90 ? Un peu les deux. En tout cas, le monde se déglingue. Un monde se déglingue.  Un monde que l’on voit encore dans Flandres (2006), de Bruno Dumont, filmé comme un film de Robert Bresson. Un monde qui disparait pour laisser place à d’autres normes, à une autre vision. Le problème est que le monde qui se déglingue était le nôtre. Tout ce qui était encore enchâssé dans un mode de vie traditionnel, dans un habitus ancien, se désencastre et  tourne en roue libre.   

L’imbécillité gratuite triomphe, le non-sens s’installe, le bavardage inutile prolifère, le sens du beau se déglingue. Nicolas Bonnal nous le montre par des allers et retours entre la création cinématographique et les œuvres de grands littérateurs, voire de quelques politiques comme de Gaulle et Michel Debré.  Les cinéastes ne sont pas les deniers à être lucides. Jean Renoir comparant notre temps et le Moyen-Age : « Notre religion, maintenant, c’est la banque, et notre latin, c’est la publicité ». Il pourrait ajouter le globish. « Choose France », comme dit McRond. Le monde devient uniforme. « Le monde ne présentait pas cette ennuyeuse unité vers laquelle nous marchons à grands pas » (toujours Jean Renoir).  Alexis Carrel et la destruction du sens esthétique (on pense aussi à Konrad Lorenz) : « Si l’activité esthétique reste virtuelle chez la plupart des individus, c’est parce que la civilisation industrielle nous a entouré de spectacles laids, grossiers et vulgaires. » (Il n’avait pourtant pas vu le pire). L’industrialisme nous éloigne de la joie, poursuit Carrel. On croirait lire Péguy. « La civilisation moderne est incapable de produire une élite douée à la fois d’imagination, d’intelligence et de courage. » (Alexis Carrel).

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Le cinéma de Jean-Luc Godard. A bout de souffle (1960). La guerre d’Algérie n’est même pas terminée (mal terminée) et pourtant, nous en sommes déjà si loin avec ce film. Déjà dans un temps pas seulement postnationaliste mais postnational. « La belle américaine mène notre voyou franchouillard à la mort », dit Bonnal. Les Carabiniers (1963) : film anarchiste de droite. Et comment ! Le Petit soldat, toujours en 63. Film d’extrême droite ? En tout cas vingt-quatre fois la vérité par seconde.

Sacha Guitry : le tableau de la vraie France qui avait déjà commencé à être remplacée. D’où le charme inoxydable de Guitry. Michel Audiard : la fin des maisons closes, du client du dimanche, du « furtif » (et s’il n’y avait que cela, la fermeture des ’’maisons’’ !). L’homme moderne « rêve de savoir s’il est devenu l’homme du vingtième siècle ». Il n’y a plus qu’à répéter avec conviction et en chœur « Merci Simca », comme le fait Charles Denner dans Le Voyou de Claude Lelouch (1970).

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Jacques Tati, Jour de fête (1949). C’est « l’humiliation du facteur français à vélo » face aux méthodes américaines. On pense au film espagnol Bienvenue Mr Marshall (1953). Toujours Tati. Les vacances de Monsieur Hulot (1953) : le début du dévergondage touristique. Les congés payés comme dit joliment Brigitte Bardot. Mon Oncle (1958) : la folie du monde moderne et la résistance du monde ancien.

Michel Serres : comme Bonnal, je ne me suis rendu compte que très tardivement qu’il était génial (avant tout dans ses entretiens). Son optimisme était de façade (ou de courtoisie ?). Son constat était lucide. « L’américanisation générale de la culture et des entrées de ville, qui sont devenues abominables [provoque] un hurlement de laideur. » Et voilà qui remonte à la modernité gaulliste. Ses ’’villes nouvelles’’, sautant par-dessus les vieilles banlieues. Ses tours de bureaux, ses grands magasins. André Malraux et l’engouement pour l’art moderne. Et les MJC des « cultureux ». L’objectif de Malraux : battre l’Amérique sur son propre terrain. Marc Fumaroli explique que l’Amérique ne pouvait pas perdre le duel autour de l’art moderne. L’art moderne, déjà déconstruit, entre innocence (les arts premiers) et perversité (les arts premiers seront les derniers). Zemmour, qui aime pourtant les Trente Glorieuses, a bien vu que Malraux – et la culture – était son point faible. Quant à Nicolas Bonnal, qui n’aime pas les Trente Glorieuses, il voit la « sarcellisation » de nos villes, et il nous la montre à travers le cinéma (Mélodie en sous-sol, 1962, Henri Verneuil).  

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La Pauvreté. Il y avait une dignité du Pauvre. On lui demande maintenant d’entretenir « cette vertu de l’Envie, indispensable au Progrès » (Georges Bernanos), ’’vertu’’ par laquelle il devient un consommateur comme un autre. Dans quel monde ? Dans celui de « l’avènement triomphal de l’Argent » - toujours Bernanos – marqué par « la dépossession progressive des Etats au profit des forces anonymes de l’Industrie et de la Banque. » Notons que, entretemps, l’Industrie, du moins chez nous, a été liquidée par la Banque. Et l’Ouvrier a laissé la place au Bureaucrate.

Et peut-être le plus important : le lien entre sadisme et totalitarisme dégénéré, celui même du libéralisme-libertaire, ce lien compris et annoncé par Pier Paolo Pasolini, avant Dany-Robert Dufour. « Tu baiseras ton prochain », inversion de Marc 12 : 31 « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Tu le tortureras comme le système te torture par l’envie. Barbare est le système libéral. Barbare tu seras toi-même.*

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La seconde partie du livre de Nicolas Bonnal est une analyse critique de films. Ils seraient au nombre de 72 films, chiffre chinois que notre auteur nous dit aimer. Mais en fait, ils sont au nombre de soixante-quinze ! Nicolas Bonnal n’est pas toujours exact mais il est toujours VRAI. Sa vérité est comme celle de Céline, moins factuelle que métaphysique. Evocation de plus de soixante-dix films donc, de Farrebique, prodigieux (Georges Rouquier, 1943) aux Valseuses (Bertrand Blier, 1973), en passant par les Tati, les Godard, les Tontons flingueurs (Georges Lautner, 1963), L’Imprécateur (Jean-Louis Bertuccelli, 1977), le nécessaire mais accablant Biquefarre (G. Rouquier, 1983), qui montre que le monde de Farrebique est mort…

Ne nous y trompons pas. Tous les films évoqués sont à voir, mais pas parce qu’ils sont des chefs d’œuvre. Certains sont de très grands films. Mais beaucoup sont ratés, bien que parfois restant fort agréables à regarder (Le fruit défendu d’Henri Verneuil, 1952, par exemple). L’essentiel : tous sont significatifs d’un tournant dans les mœurs. Des symptômes, et parfois des fantômes… Le temps a tourné comme il arrive au lait.

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Bonnal parle du cinéma (et du reste), dans un style tout à fait personnel et inimitable. C’est Louis-Ferdinand Bonnal. Il est né en 1961, l’année de la mort de Céline. En un sens, il a pris le relais de la colère de Ferdine. Tatiana est sa Lucette. Almeria est son Meudon – ou son Danemark. Consultant en décomposition, il propose de bons remèdes : comédies musicales, natation, plongée, lectures de Léon Bloy, Maurice Joly, Michelet... Bonnal ne s’interdit pas des répétitions de citations quand elles lui paraissent tellement lumineuses qu’il veut les faire entrer dans la tête du lecteur (comme quoi il n’a pas tout à fait désespéré de l’espèce humaine…). 

Ses propres formules sont souvent une synthèse qui vaut bien des livres. « De Gaulle et l’effondrement français : il œuvre en destructeur ET en fantôme ».  A savoir qu’il détruisit le monde d’avant, avec l’urbanisation et la modernité des années 60, et fut en même temps le fantôme d’un monde encore traditionnel, celui des familles durables, celui de la littérature et non de la télévision et des écrans. Jugement sans doute injuste. Et problème qui n’a peut-être pas de solution. Comment vouloir la puissance sans être dans la massification, la normalisation, la répétition, sans mettre au pouvoir les hommes d’argent, sans désenchanter le monde.

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Lisons Une enfance de Hans Carossa (1922, trad. 1943). Ce monde aurait-il résisté à la modernité technologique, fut-elle durablement nationale et socialiste ? Et le Regain de Jean Giono, illustré par un film de Pagnol (1937) ? Durable le regain ? Notons que le régime du maréchal Pétain, adulé par une certaine droite se voulant traditionaliste, voulait lui aussi faire construire des autoroutes (1942 : début des travaux de l’autoroute de l’Ouest). Mais il est vrai que ce n’était là que hors d’œuvres.  Il est vrai que la modernité s’accélère avec de Gaulle dans les années 60, mais que partout ailleurs en Europe, elle s’accélère aussi sans avoir besoin d’un de Gaulle (même en Espagne avec Franco !).

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La modernisation continuera de changer notre monde, nos paysages et nos mœurs, et notre regard sur la vie et sur nous-mêmes, sous Pompidou et sous Giscard. Par exemple avec les premiers supermarchés, ou avec les rénovations urbaines (Le Chat, 1971, de Pierre Granier-Deferre). On peut dire que le boulot de destruction et de « mochisation » de la France sera fait quand Mitterrand arrivera au pouvoir. Il ne restera qu’à désindustrialiser le pays pour en faire un nouveau tiers monde. Le commerce : baromètre de la modernité, avec la bagnole. Le premier supermarché s’ouvre à Rueil-Malmaison en 1958, et surtout le premier hypermarché à Sainte Geneviève des bois en 1963. Je dis « surtout » car les grands magasins existaient depuis Napoléon III (Le Bon Marché, 1852) et le premier Prisunic est installé rue de Provence à Paris en 1931, mais, en 1963, on change vraiment d’échelle et les hypermarchés sont hors les villes, et contre les villes. Ils ne prétendent pas les embellir, ils en sont au contraire la négation. Ste Geneviève des bois, Seine et Oise 1963, dans ce qui sera l’Essonne après le redécoupage de la région parisienne (1964-68). Opération qui frappe la région parisienne, tout comme l’Algérie n’avait cessé, depuis 1955, d’être redécoupée en nouveaux départements. Grande banlieue et gigantisme. Grande banlieue pour permettre le gigantisme. Pierre Uri, disciple de François Perroux, avait regretté la disparition du département de la Seine ancienne formule. Paris ne devait pas se couper de sa proche banlieue. Il avait raison.

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A Paris, ouverture de la FNAC Wagram en 1969, puis de la FNAC Montparnasse en 1974.  Fédération nationale d’achat des cadres: c’est le monde de Jacques Tati. Ou plutôt, c’est le monde dans lequel Jacques Tati commence à se sentir bien mal. La FNAC, c’est le début de la fin pour les libraires traditionnelles, de quartier, et pour les disquaires (le correcteur d’orthographe ne comprend pas le mot « disquaire » : ben oui, l’intelligence artificielle n’a pas de mémoire). Tout cela se terminera par la fermeture en 2020 du Boulinier historique du boulevard Saint-Michel et, un an plus tard, par la fermeture des Gibert Jeune de la place St-Michel. Comme cela avait été dit et souhaité et promu en haut lieu, le Covid sera l’occasion d’aller plus loin dans la modernisation-numérisation-dématérialisation de notre économie (et infiniment plus loin dans le flicage). Tout cela après la disparition de nombre de cafés, comme la Rôtisserie Périgourdine et son piano-bar, 2 place St-Michel, fermée en 1997, cafés remplacés par des boutiques toutes plus abominables les unes que les autres.

Sancortre.jpgCréation de la Carte Orange le 1er juillet 1975, ouverture du centre Pompidou en 1977. L’ambition d’un Paris pour tous ? Mais les prix de l’immobilier, de plus en plus délirants à partir des années 70-80, font que les candidats à l’accession à la propriété sont mis en situation d’acheter des surfaces de plus en plus petites. Et voilà Paris finalement sous-peuplé, mais sur-envahi de touristes, sur-construit en bureaux inutiles (pourquoi ne pas travailler dans des banlieues moches et rentrer le soir vivre dans une belle ville plutôt que le contraire ?). Et Paris lui-même devenu moche, ­– surtout après le départ de Chirac de la mairie, reconnaissons-le ! Et le regroupement familial de 1976 (décidément, Chirac aurait dû se borner à un mandat local), et la grande mutation ethnique qui s’ensuit de cette folie.

Un peuple de souche qui ne se reproduit plus guère biologiquement, mais qui ne veut pas non plus se reproduire culturellement et esthétiquement. Et si c’était un seul et même problème ?  Ce qui nous ramène à Nicolas Bonnal. En s’occupant de cinéma, c’est-à-dire de la question esthétique, il va au coeur de l’essentiel.

PLV

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jeudi, 27 juillet 2023

La solution, c’est le problème : retour sur Paul Watzlawick et les impasses occidentales

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La solution, c’est le problème: retour sur Paul Watzlawick et les impasses occidentales

Nicolas Bonnal

La guerre contre la Russie devait être la solution : elle est devenue le problème. L’Europe technocratique supranationale devait être la solution : elle est le problème. Le vaccin devait être la solution : il est devenu le problème. On continue ?

faites_vous_meme_votre_malheur-642833-264-432.jpgLe légendaire Paul Watzlawick avait souligné le caractère gothique de nos monstrueux systèmes de « santé » : la multiplication par trente des dépenses médicales a créé les conditions d’un effondrement humain : faible, endetté, complexé, le citoyen serait bon pour les abattoirs de la postmodernité et pour soixante vaccins par an. Tournant le dos aux enseignements de Jünger (dans les années cinquante –voyez mes textes) ou de Rudolf Steiner (dans les années vingt), le petit blanc occidental se donne aux monstres et aux charlatans des hôpitaux (Debord, Commentaires) pour un oui ou pour un non.

Deux caractères m’enchantent chez Watzlawick, sa culture littéraire qui est la mienne – et son humour.

Pour Watzlawick la solution est souvent le problème : et la presse britannique découvre l’écrasante défaite aujourd’hui de l’Ukraine et de l’Otan face à l’ours d’argile russe… Toutes les solutions de nos technocrates et politiciens froncés n’ont fait que créer de nouveaux problèmes sans jamais rien solutionner. Ce Watzlawick est un sage taoïste ironisant face au triomphe apocalyptique-millénaire des bureaucrates.

Mais laissons-lui la parole.

Faites-vous-même votre malheur, début du livre :

« Ce que les directeurs de zoo pratiquent dans leur modeste domaine, les gouvernements modernes tentent de l’accomplir à l’échelle nationale: confits dans la sécurité, il faut que les citoyens mènent une existence dégoulinante de bonheur du berceau jusqu'à la tombe. Pour atteindre ce noble objectif, il faut, entre autres choses, entreprendre et mener sans relâche l’éducation du public pour lui permettre d'accéder à des niveaux toujours plus élevés d'incompétence sociale. Il ne faut donc pas s'étonner de voir l'accroissement vertigineux des sommes consacrées dans le monde à la santé publique et aux diverses entreprises à caractère social. »

L’ironie dénonce cette attitude protectrice (cf. Tocqueville) qui débouche sur ses conséquences tragi-comiques et catastrophiques :

« Donnons quelques exemples: le total des dépenses de santé des Etats-Unis s'est élevé de 12,7 milliards de dollars en 1950 à 247,2 milliards en 1980. Les seules dépenses de médicaments et d'articles médicaux sont passées de 3,7 milliards à 19,2 milliards pendant la même période. Et les dépenses de Sécurité sociale ont connu une évolution aussi faramineuse, passant de 23,5 milliards en 1950 à 428,4 milliards en 1979 (24). Pour prendre un seul exemple européen, les statistiques actuelles font apparaître en Allemagne de l’Ouest une dépense quotidienne de 450 millions de DM pour le système de santé, c'est-à-dire trente fois plus qu'en 1950. Elles montrent aussi qu'on compte à tout moment une moyenne de 10 millions de personnes malades en République fédérale et que le citoyen moyen d'Allemagne de l'Ouest engloutit trente mille comprimés dans le cours de sa vie. »

On répète parce que c’est drôle : « le citoyen moyen d'Allemagne de l'Ouest engloutit trente mille comprimés dans le cours de sa vie. »

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Et vous ? Et moi ?

Certes un système aussi effroyable ne peut être interrompu. Il doit aller au bout comme le Titanic de la « civilisation » moderne dont a parlé Jünger dans son Traité du Rebelle :

 « Que l'on imagine ce qui nous arriverait en cas de ralentissement, voire  ce qu'à Dieu ne plaise! - d'inversion de cette tendance. Des ministères entiers et toutes sortes d'autres institutions monstrueuses s'effondreraient, des pans entiers de l'industrie feraient faillite et des millions d'hommes et de femmes se retrouveraient au chômage. Pour participer à la lutte contre l'éventualité d'un tel désastre, j'ai conscience du rôle modeste mais réel que peut jouer ce petit livre. »

La clé c’est ça. L’Etat moderne rend le citoyen nul et incapable, dépendant jusqu’au suicide – Tocqueville toujours et cette puissance publique, ce souverain qui nous enlèvera le trouble de penser et la peine de vivre, qui nous débarrassera dit Pearson vers 1990 du fardeau de la personnalité :

comment_reussir_a_echouer-258916-264-432.jpg« L'Etat moderne a si grand besoin de l'impuissance et du malheur toujours croissant de ses citoyens qu'on ne peut laisser la satisfaction d'un tel besoin à la seule initiative individuelle, quelles qu'en soient les bonnes intentions. Comme dans tous les autres domaines de la vie humaine, le chemin de la réussite passe ici par la planification et le dirigisme de l'État. Etre malheureux est certes à la portée du premier venu. »

Après l’art de se rendre malheureux devient une occupation à plein temps, via la pharmacie ou les livres de « développement personnel » (défense de rire) :

Mais se rendre malheureux, faire soi-même son propre mal heur sont des techniques qu'il faut apprendre: à cet apprentissage-là, quelques coups du destin ne suffisent pas. Or, même dans les écrits des professionnels (c'est-à-dire des psychiatres et des psychologues), les renseignements utiles sont rares et le plus souvent fournis au hasard, en dehors de toute intention de l'auteur…. ».

Sources:

https://www.amazon.fr/DANS-GUEULE-BETE-LAPOCALYPSE-MONDIA...

https://www.amazon.fr/Autopsie-lexception-fran%C3%A7aise-...

https://www.amazon.fr/Faites-vous-m%C3%AAme-votre-malheur...

https://www.telegraph.co.uk/news/2023/07/18/ukraine-and-t...

 

20:37 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philosophie, nicolas bonnal, paul watzlawick | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mardi, 25 juillet 2023

De la mafia française depuis 1815

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De la mafia française depuis 1815

par Nicolas Bonnal

Macron caracole en tête de cet hexagone promis à la guerre et au Reset avec un personnel politique et technique bourgeois, qui s’est mondialisé et américanisé, mais qui est caractéristique de leur France. En revoyant les Mystères de Paris, les Misérables ou le Comte de Monte-Cristo (extraordinaire version de Claude Autant-Lara) je me suis dit que sur le plan métaphorique ce film exprimait une vérité bien française génialement décrite par Balzac et Joly: le France est dirigée par une mafia – au sens de l’élite de l’ombre - bourgeoise.

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Certains l’appellent la caste. On peut dire que la France est dominée par une élite républicaine dangereuse et cruelle, et ce depuis longtemps. C’est une élite de talents (comme on disait fièrement chez les bourgeois) et de diplômes, mais pas seulement. C’est une élite d’argent, de maçonneries, de gens invisibles ou visibles, parfois cooptés mais rudement bien connectés en réseaux. C’est une élite qui conspire et qui joua à la politique : droite et gauche. C’est aussi une élite de familles et dynasties bourgeoises : les enfants sont un signe de richesse, m’a dit un bourgeois.  Les bourgeois seront les seuls autorisés à se produire : c’est aussi ça le Grand Reset. Sa mission est d’interdire tout mouvement à l’ancienne masse citoyenne imprudemment mise en avant par la bourgeoisie sauvage de 1789 et 1793. Cette bourgeoisie sauvage (ou mafieuse donc) a eu recours aux guerres pour diminuer-réduire ce peuple, aux guerres coloniales et à l’immigration ensuite. Elle tient sa guerre contre la Russie pour asseoir totalement son pouvoir.

Sa mise en place à cette mafia moderne (anti-aristocratique d’abord, elle s’agrégea la noblesse ensuite) eut un merveilleux descripteur: Balzac. Mais on a aussi Eugène Sue (les bas-fonds de Paris qui décrit l’ascension de la mafia française), le Dumas de Monte-Cristo (horrible société d’après-guerre, d’après la révolution et l’empire donc), le Hugo des Misérables (avec deux pièces maîtresses dans l’échiquier, le flic Javert et le truand Thénardier).

Z_Marcas.jpgBalzac donc (Z. Marcas, seize pages de vision pure) :

« Il m’a dit en 1831 ce qui devait arriver et ce qui est arrivé : les assassinats, les conspirations, le règne des juifs, la gêne des mouvements de la France, la disette d’intelligences dans la sphère supérieure, et l’abondance de talents dans les bas-fonds où les plus beaux courages s’éteignent sous les cendres du cigare. Que devenir ? ».

Certes il y a des raisons physiques. Trop d’apprentis-bourgeois, trop de diplômés qui veulent (ô mal français) vivre de la manne étatique. Balzac explique :

« Aujourd’hui que tout est un combat d’intelligence, il faut savoir rester des quarante-huit heures de suite assis dans son fauteuil et devant une table, comme un général restait deux jours en selle sur son cheval. L’affluence des postulants a forcé la médecine à se diviser en catégories: il y a le médecin qui écrit, le médecin qui professe, le médecin politique et le médecin militant; quatre manières différentes d’être médecin, quatre sections déjà pleines. Quant à la cinquième division, celle des docteurs qui vendent des remèdes, il y a concurrence, et l’on s’y bat à coups d’affiches infâmes sur les murs de Paris».

Nos professions dites libérales sont décidément très étatisées :

« Dans tous les tribunaux, il y a presque autant d’avocats que de causes. L’avocat s’est rejeté sur le journalisme, sur la politique, sur la littérature. Enfin l’État, assailli pour les moindres places de la magistrature, a fini par demander une certaine fortune aux solliciteurs. »

La Mafia française va se métamorphoser et se grandir avec le bonapartisme et la ploutocratie.

La France est dirigée par une bourgeoisie sauvage (il y avait une bourgeoisie chrétienne plus sage mais les frontières sont poreuses comme disait le Mitterrand des années quarante…) depuis l’Empire. L’Empire marie une haute et féroce fonction publique avec les profiteurs de guerre et la bourgeoisie héritière de la braderie des biens nationaux. Le Second Empire renforce cette société haïssable que Maurice Joly décrit bien mieux que Zola; société qui va s’accommoder comme un charme de la république de 1870.

Ici on vire à la ploutocratie, mais n’est-ce pas la définition de toute bonne société finalement ? On reverra avec plaisir les bas-fonds du très honorable André Hunebelle (Jean Marais et Pierre Mondy), le Comte de Monte-Cristo (toujours Mondy et Louis Jourdan) et le colonel Chabert avec un prodigieux  Raimu.

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Quant à Marx il a aussi brillamment écrit sur ce sujet bonapartiste qui taraude les rares observateurs :

« Dans ces voyages, que le grand Moniteur officiel et les petits Moniteurs privés de Bonaparte ne pouvaient moins faire que de célébrer comme des tournées triomphales, il était constamment accompagné d’affiliés de la société du 10 décembre. Cette société avait été fondée en 1849. Sous le prétexte de fonder une société de bienfaisance, on avait organisé le sous-prolétariat parisien en sections secrètes, mis à la tête de chacune d’elles des agents bonapartistes, la société elle-même étant dirigée par un général bonapartiste. A côté de « roués » ruinés, aux moyens d’existence douteux, et d’origine également douteuse, d’aventuriers et de déchets corrompus de la bourgeoisie, des forçats sortis du bagne, des galériens en rupture de ban, des filous, des charlatans, des lazzaroni, des pickpockets, des escamoteurs, des joueurs, des souteneurs, des tenanciers de maisons publiques, des porte-faix, des écrivassiers, des joueurs d’orgues, des chiffonniers, des rémouleurs, des rétameurs, des mendiants, bref, toute cette masse confuse, décomposée, flottante, que les Français appellent la « bohème ».

Bohême peut-être, mais qui va s’occuper de tout. L’Etat fort et inefficace n’est pas un vain mythe dans nos contrées latines :

« Ce pouvoir exécutif, avec son immense organisation bureaucratique et militaire, avec son mécanisme étatique complexe et artificiel, son armée de fonctionnaires d’un demi-million d’hommes et son autre armée de cinq cent mille soldats, effroyable corps parasite, qui recouvre comme d’une membrane le corps de la société française et en bouche tous les pores, se constitua à l’époque de la monarchie absolue, au déclin de la féodalité, qu’il aida à renverser. »

Problème :

« Toutes les révolutions politiques n’ont fait que perfectionner cette machine, au lieu de la briser. Les partis qui luttèrent à tour de rôle pour le pouvoir considérèrent la conquête de cet immense édifice d’État comme la principale proie du vainqueur. »

Dans mon livre sur la destruction de la France au cinéma je montre le rôle sinistre du gaullisme (rôle dénoncé par Godard, Tati, Verneuil, etc.) et de ses villes nouvelles déracinées et hors-sol comme on dit, qui a abouti à l’irréel hexagone que l’on sait. 

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Commandes: https://www.amazon.co.uk/DESTRUCTION-FRANCE-AU-CINEMA/dp/B0C9S8NWXX

samedi, 22 juillet 2023

Oswald Spengler et la stérilité du civilisé

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Oswald Spengler et la stérilité du civilisé

Nicolas Bonnal

On va parler de Spengler mais je voudrais faire quelques rappels préalables et indispensables pour expliquer pourquoi les Européens sont certainement morts comme êtres depuis longtemps.

Dans mon recueil sur les penseurs allemands j’ai souligné cette haine et cette peur du monde moderne et de la catastrophe qu’il amène ; on les retrouve chez tous les grands penseurs allemands ou autrichiens, y compris les juifs.

Dans son petit texte sur la guerre, voici ce Freud écrit sur la culture :

« Et voici ce que j’ajoute : depuis des temps immémoriaux, l’humanité subit le phénomène du développement de la culture (d’aucuns préfèrent, je le sais, user ici du terme de civilisation). C’est à ce phénomène que nous devons le meilleur de ce dont nous sommes faits et une bonne part de ce dont nous souffrons. Ses causes et ses origines sont obscures, son aboutissement est incertain, et quelques-uns de ses caractères sont aisément discernables. »

Voici les conséquences de ce développement culturel si nocif à certains égards, et auxquelles nos élites actuelles se consacrent grandement :

 « Peut-être conduit-il à l’extinction du genre humain, car il nuit par plus d’un côté à la fonction sexuelle, et actuellement déjà les races incultes et les couches arriérées de la population s’accroissent dans de plus fortes proportions que les catégories raffinées. »

Goethe lui rêvait déjà du paysan, pas encore trop pollué par la civilisation :

« Notre population des campagnes, en effet, répondit Goethe, s'est toujours conservée vigoureuse, et il faut espérer que pendant longtemps encore elle sera en état non seulement de nous fournir des cavaliers, mais aussi de nous préserver d'une décadence absolue ; elle est comme un dépôt où viennent sans cesse se refaire et se retremper les forces alanguies de l'humanité. Mais allez dans nos grandes villes, et vous aurez une autre impression… »

Et il insiste encore, au début du tome deuxième de ses entretiens avec Eckermann (voyez mes textes), sur l’affaiblissement des hommes modernes :

« Causez avec un nouveau Diable boiteux, ou liez-vous avec un médecin ayant une clientèle considérable - il vous racontera tout bas des histoires qui vous feront tressaillir en vous montrant de quelles misères, de quelles infirmités souffrent la nature humaine et la société… »

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Venons-en au déclin de l’occident de Spengler. Dans le tome II et le chapitre sur les villes notre auteur écrit des lignes admirables sur la fin du tact cosmique. On écoute le maître :

« Ce qui rend le citadin de la ville mondiale incapable de vivre ailleurs que sur ce terrain artificiel, c'est la régression du tact cosmique de son être, tandis que les tensions de son être éveillé deviennent chaque jour plus dangereuses. N'oublions pas que le côté animal du microcosme, l'être éveillé, s'ajoute à l'être végétal, mais non inversement. Tact et tension, sang et esprit, destin et causalité sont entre eux comme la campagne fleurie et la ville pétrifiée, comme l'être et ce qui dépend de lui. La tension sans le tact cosmique qui l'anime est le passage au néant. »

Comme Mirbeau, Spengler se rend compte que dans les grandes villes « toutes les têtes se ressemblent » :

« L'intelligence est le substitut de l'expérience inconsciente de la vie, l'exercice magistral d'une pensée squelettique et décharnée. Les visages intelligents se ressemblent chez tous les peuples. C'est la race elle-même qui ·se retire d'eux. Moins l'être sent le nécessaire et l'évident, plus il s'habitue à vouloir tout« éclairer», plus l'être éveillé calme sa phobie par la causalité. D'où l'identification par l'homme du savoir et de la démonstration; d'où la substitution aussi du mythe causal ou théorie scientifique au mythe religieux; d'où enfin la notion d'argent abstrait, considéré comme pure causalité de la vie économique, par opposition au commerce d'échanges ruraux qui est tact et non système de tensions. »

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Et comme je citais Mirbeau :

« …j’ai remarqué, à quelques exceptions près, que les villes, surtout les villes de travail et de richesses, qui, comme Anvers, sont des déversoirs de toutes les humanités, ont vite fait d’unifier, en un seul type, le caractère des visages… Il semble maintenant que, dans les grandes agglomérations, tous les riches se ressemblent, et aussi tous les pauvres. »

C’est dans La 628-E8, un livre prodigieux dont l’héroïne est une… automobile.

Maigre divertissement urbain (Spengler de nouveau) :

« La seule forme de récréation, spécifique à la ville mondiale, que connaisse la tension intellectuelle est la détente, la « distraction ». »

Et tout amène logiquement à la stérilité qui frappe toutes les races et tous les peuples du monde en ce vingt-et-unième épris de grands remplacements et d’inintelligence artificielle. Spengler :

« Et de ce déracinement croissant de l'être, de cette tension croissante de l'être éveillé il résulte, comme conséquence suprême, un phénomène préparé de longue date, sourdement, qui se manifeste soudain à la claire lumière de l'histoire pour mettre fin à tout ce spectacle : la stérilité du civilisé. »

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Ce n’est pas la culture de mort du pape polonais, c’est « le tournant métaphysique vers la mort » qu’incrimine plus justement Spengler (cela explique pourquoi les renaissances chrétiennes envisagées depuis deux siècles ont toutes échoué) :

« Ce phénomène est impossible à comprendre par la causalité physiologique, comme l'a tenté, par exemple, journellement la science moderne. Car il implique absolument un tournant métaphysique vers la mort. Certes oui comme individu, mais comme type, comme collectivité, le dernier homme des villes mondiales ne veut plus vivre : la phobie de la mort est éteinte dans cet organisme collectif. La crainte profonde et obscure qui s'empare du paysan, l'idée de la mort de sa famille et de son nom, ont perdu leur sens. Dans la continuité du sang, proche parent du monde intérieur visible; on ne sent plus un devoir du sang, la condition dernière de l'être, une fatalité. »

Spengler sera rejoint par Freud sur ce point précis :

« Les enfants manquent non seulement parce que leur naissance devient impossible, mais parce que l'intelligence extrêmement avancée ne trouve plus de raisons pour sa propre existence. »

Problème auquel furent déjà exposés les grecs et les romains (voyez mon recueil sur leur décadence) et dont parla abondamment Ibn Khaldun. On voit bien du reste cette impossibilité – en Russie actuelle comme ailleurs – de repeupler. Les gens ne veulent/peuvent plus. Le dépeuplement venu de la civilisation nihiliste occidentale n’est pas ce besoin dont a parlé Hitler à Rauschning : c’est devenu un destin.

Sources :

https://www.dedefensa.org/article/goethe-et-les-entropies...

https://www.dedefensa.org/article/sigmund-freud-politique...

https://ia802903.us.archive.org/14/items/oswaldspenglerle...

https://lesakerfrancophone.fr/ibn-khaldun-et-notre-modern...

https://reseauinternational.net/pourquoi-ibn-khaldun-pref...

http://www.dedefensa.org/article/ibn-khaldun-et-le-modele...

https://www.amazon.fr/livre-noir-d%C3%A9cadence-romaine/d...

https://www.amazon.fr/GOETHE-GRANDS-ESPRITS-ALLEMANDS-MOD...

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2021/03/12/g...

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2018/09/28/g...

 

mardi, 18 juillet 2023

Les mystères de notre soumission au parti démocrate américain

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Les mystères de notre soumission au parti démocrate américain

Nicolas Bonnal

Le parti démocrate est le parti préféré des Français et des Européens ; c’est le parti dit-on du social et des minorités, le parti des écologistes et des LGBTQ et le parti surtout de la guerre à mort contre la Chine et la Russie. Quand Obama fit soi-disant tuer le Ben Laden de service, Kagan se rengorgea et se dit que l’on pouvait ‘démocratement’ mener une guerre messianique d’extermination contre le reste du monde. Surtout avec Trump en face…

Mais le parti démocrate c’est surtout celui des deux premières guerres mondiales : les USA ont vu, ils sont venus, ils ont vaincu – et comme dit Trotski ils ont commis à leur service la social-démocratie européenne pour mettre l’Europe à la portion congrue.

Il semble que le parti démocrate invincible et indéboulonnable sera aussi le parti de la troisième guerre mondiale qui achèvera le vieillard débile et consentant européen.

En France terre des droits de l’homme et des guerres en boucle on honore surtout le parti démocrate. Le téléphage froncé voulait dans les sondages voter à 90% pour Biden contre Trump qui lui garantissait la paix et l’énergie peu chère (mais on ne refera pas les Français). On honore la mémoire de Roosevelt (Franklin Delano), de Wilson donc ou de Kennedy. On y a déifié Obama en France, qui a démoli la Libye, a peuplé l’Europe de migrants, et qui a déclenché les hostilités finales contre la Russie en 2014, tout en recevant un prix Nobel à Stockholm et en déclenchant sur ordre écolo-bancaire la liquidation de nos industries.

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Ce  parti démocrate mène le monde à sa perdition avec sa troisième guerre mondiale contre la Chine et la Russie ; il mène l’Europe à sa ruine totale et il livre l’Amérique aux hordes ethniques comme on dit, au lobby LGBTQ et à la faillite financière via la dette – le tout sur fond de hausse infinie et arrogante de la bourse.

C’est lui qui peuplé de « dibbouks » (Kunstler), a créé sous Wilson (élu grâce à une division des républicains et à une participation abusive et sans doute contrôlée de Théodore Roosevelt aux élections présidentielles de 1912) la Banque Fédérale avec les Warburg, c’est lui a liquidé le libéralisme américain et renforcé et créé l’Etat moderne (voyez l’ouvrage collectif de Denton, Goldberg ou Hoppe), c’est lui qui a militarisé la nation et créé les mille bases, c’est lui a créé la Deuxième Guerre Mondiale et réduit l’Europe à la portion congrue, c’est lui qui, avec Truman, a créé de A à Z la guerre froide contre la Russie (génial Ralph Raico) et c’est lui qui a fait la guerre pendant dix ans au Vietnam, guerre inutile, assassine et cruelle. Mais c’est lui qui est adoré.

Et ce parti en même temps qu’il veut une guerre d’extermination contre la Russie et la Chine désire remplacer la population (quelque que soit le pays qu’il contrôle en Europe) et liquider agriculture et industrie (Harris-Kerry).

Et c’est normal puisque c’est le parti non pas du chaos (comme dit Kunstler) mais de la mort. L’occidental des temps de la Fin adore l’obscur, disait Guénon, alors qu’il adore la mort.

Et on ne parlera pas de JFK par pitié. On répètera avec Trotski :

« Pendant ce temps, l’Amérique édifie son plan et se prépare à mettre tout le monde à la portion congrue… La social-démocratie est chargée de préparer cette nouvelle situation, c’est-à-dire d’aider politiquement le capital américain à rationner l’Europe. Que fait en ce moment la social-démocratie allemande et française, que font les socialistes de toute l’Europe ? Ils s’éduquent et s’efforcent d’éduquer les masses ouvrières dans la religion de l’américanisme; autrement dit, ils font de l’américanisme, du rôle du capital américain en Europe, une nouvelle religion politique. »

 

dimanche, 02 juillet 2023

Nicolas Bonnal: Apocalypse Woke & S.O.S. Chaînes Infos

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vendredi, 09 juin 2023

Deux vidéos de Nicolas Bonnal

jeudi, 25 mai 2023

Eloge de la théorie de la conspiration

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Eloge de la théorie de la conspiration

Nicolas Bonnal

Ce texte date de 2016 ; en réalité nous avons été (comme toujours) le premier à attaquer les fact-checkers et les chasseurs de complotistes – en nous aidant de notre maître, le super-cerveau juif libertarien Murray Rothbard qui expliquait qu’en chassant le recours à la conspiration on chasserait bientôt toute explication en matière d’Histoire, de vaccin, de virus ou de Reset – ou de réchauffement. Mais le goy étant ce qu’il est (et le Talmud ayant raison là-dessus : ce n’est même pas un animal, d’ailleurs Céline et Drumont sont d’accord), on finira très mal…

Récemment un beau cerveau du parti socialiste, œuvrant pour la Fondation Jaurès, chasseur et rogue dénonciateur des « conspi-racistes », a décrit, dans un rapport rédigé dans un style à coucher dehors, les membres de la nébuleuse conspiratrice qui « menace la démocratie » à travers le monde, ses empires et son hexagone...

Et cela a donné :

« C'est un milieu interlope que composent anciens militants de gauche ou d’extrême gauche, ex-« Indignés », souverainistes, nationaux-révolutionnaires, ultra-nationalistes, nostalgiques du IIIème Reich, militants anti-vaccination, partisans du tirage au sort, révisionnistes du 11-Septembre, antisionistes, afrocentristes, survivalistes, adeptes des “médecines alternatives”, agents d’influence du régime iranien, bacharistes, intégristes catholiques ou islamistes. »

Le bonhomme de neige passe naturellement pour un expert. Sans doute dénoncera-t-il aussi les 86% de Français qui ne voteront pas François Hollande au premier tour l'année prochaine. Faudra-t-il les interner avec les autres ?

Mais venons-en au point sérieux.

C'est la CIA  qui a lancé l'expression « théorie de la conspiration » au moment où, lors de l'assassinat Kennedy, tous les « roseaux pensants » ont refusé de s'incliner vers la thèse officielle. Tout le monde officiel s'est tu par lâcheté alors, mais c'est un autre problème, dont La Boétie, inspirateur des libertariens américains, avait déjà rendu compte.

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Le film d'Oliver Stone JFK a bien montré au monde entier que le coupable Oswald ne peut pas avoir été coupable ; il fait donc partie, ce gros produit hollywoodien, de la nébuleuse de la conspiration que veut faire interner le socialiste désigné plus haut. Et comme le film a été produit par Arnon Milchan, homme d'affaires israélien et parrain de la bombe atomique dans son propre pays, on se demande comment le serpent cessera de se mordre la queue.

Depuis presque deux siècles, l'histoire se confond avec l'actualité médiatique et ses instruments ; or la pauvre est rarement satisfaisante, sauf pour les imbéciles qui oublient tout. Comme on sait aussi, il y a plein d'assassinats fort mal expliqués qui entraînent des événements catastrophiques : tel assassinat à Sarajevo entraîne la première guerre mondiale, tel autre à Paris la nuit de cristal et la deuxième guerre mondiale, tel attentat enfin la guerre du Vietnam ou la course au chaos planétaire américain. Comme le remarque Debord dans ses fastueux Commentaires :

« Il est difficile d’appliquer le principe Cui prodest ? dans un monde où tant d’intérêts agissants sont si bien cachés. De sorte que, sous le spectaculaire intégré, on vit et on meurt au point de confluence d’un très grand nombre de mystères. (1)»

Paradoxe : les théoriciens de la conspiration se veulent les dénonciateurs de la conspiration étatique ou oligarchique. Et cela finit comme dans le jeu d'enfants, « c'est celui qui dit qui l'est » : celui qui dénonce le criminel conspirateur devient le conspirateur criminel à ausculter et enfermer ! Il y a là un front naturellement - et non conspirativement - hétérogène qui donne enfin raison au socialiste de tout à l'heure. La théorie de la conspiration, c'est le tiroir des choses inclassables de Boris Vian. On rêve du parti politique qui, larguant l'Europe aux anciens parapets ou cet Etat-nation fatigué, refléterait ces aspirations, ou plutôt ces... expirations.

Il y a deux niveaux dans la théorie de la conspiration : un qui va s'en prendre à un événement scandaleusement truqué par le pouvoir et ses médias (Kennedy, 11 septembre, mai 68, alunissage Apollo) ; et celui qui va considérer que c'est notre vision de l'histoire qui est tout simplement corrompue, et ce depuis deux siècles que l'histoire a prétendu - à l'époque romantique - devenir une science.

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Sur le premier point je citerai encore Guy Debord :

« Tous les experts sont médiatiques-étatiques, et ne sont reconnus experts que par là. Tout expert sert son maître, car chacune des anciennes possibilités d’indépendance a été à peu près réduite à rien par les conditions d’organisation de la société présente. L’expert qui sert le mieux, c’est, bien sûr, l’expert qui ment. Ceux qui ont besoin de l’expert, ce sont, pour des motifs différents, le falsificateur et l’ignorant. »

On connaît les experts en armes de destruction massive, les experts en traités de commerce, les experts en terrorisme et en état d'urgence, les experts en viande avariée et en changement climatique, les experts en assassinat au gaz syrien, les experts en viols ou en déplacement de population au Kosovo, - que le courageux journaliste Jacques Merlino avait remis à leur place.

Malheureusement il y a un lien entre la fumisterie perpétuelle de l'info aux ordres et la réécriture permanente de notre histoire ; il y a un lien important entre le déclin de l'histoire et celui de l'événement comme nouvelle. Debord évoque d'ailleurs, toujours dans ses Commentaires, avec une juste grandiloquence, la « décadence de l'explication »:

« Avec la destruction de l’histoire, c’est l’événement contemporain lui-même qui s’éloigne aussitôt dans une distance fabuleuse, parmi ses récits invérifiables, ses statistiques incontrôlables, ses explications invraisemblables et ses raisonnements intenables. »

Car il y a un autre problème : celui de la destruction de l'histoire par les historiens modernes en général, surtout depuis l'époque romantique et scientifique. D'un coup l'histoire a été dépeuplée de ses Turenne et de ses Bayard, remplie de forces magiques, aveugles, de machinations. L'être humain ne fut plus considéré comme un facteur historique majeur, mais comme un simple champ de forces. Citons Nerval et son Aurélia pour comprendre le Zeitgeist de cette gothique et scientifique époque romantique:

« Il me semblait voir une chaîne non interrompue d'hommes et de femmes en qui j'étais et qui étaient moi-même... Cette pensée me conduisit à celle qu'il y avait une vaste conspiration de tous les êtres animés pour rétablir le monde dans son harmonie première, et que les communications avaient lieu par le magnétisme des astres, qu'une chaîne non interrompue liait autour de la terre les intelligences dévouées à cette communication générale, et les chants, les danses, les regards, aimantés de proche en proche, traduisaient la même aspiration.»

On croirait le monde des réseaux du web...

Cette vision pythagoricienne ou novalisienne liée à un ineffable enchaînement va donner le fatalisme historique, le socialisme, le racisme, le bellicisme aussi, dont les démocraties occidentales ne sont pas sorties. Elle met fin, comme l'a vu Philippe Muray, au rationalisme et accompagne le darwinisme et le culte béat de la science. On se consolera en rappelant que Thucydide aussi décrit très bien (dans les discours de Périclès notamment) les mécanismes sophistiques qui font de la démocratie athénienne un empire thalassocratique toujours en guerre. Un empire thalassocratique créé au vingtième siècle a aussi prétendu conquérir l'espace en son temps et avoir posé quelques pieds sur la lune. ..

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La crise de la science historique n'échappa bien sûr pas au bon Alexis de Tocqueville :

« Les historiens qui vivent dans les temps démocratiques ne refusent donc pas seulement à quelques citoyens la puissance d’agir sur la destinée du peuple, ils ôtent encore aux peuples eux-mêmes la faculté de modifier leur propre sort, et ils les soumettent soit à une providence inflexible, soit à une sorte de fatalité aveugle. (2)»

On se mettra d'accord pour dire que la vision magique de l'histoire favorise bien sûr la théorie de la conspiration. Cette théorie de la conspiration est liée à un monde mal expliqué, digne de l'histoire « racontée par un idiot et pleine de bruit et de fureur »... Comme dit Sartre dans sa bien belle et bizarre étude sur Mallarmé, tout le monde dénonce au XIXème siècle un complot (le complot juif, le complot maçon, le complot carbonaro, le complot jésuite...) parce qu'il y a un « complot permanent de la bourgeoisie ! ». Lui-même tombe dans la théorie de la conspiration en prétendant la dénoncer, comme l'idiot du village médiatique socialiste cité plus haut, qui veut enfermer tout le monde pour sauver la vérité démocratique estampillée par PPDA et l'actualité en bandeau.

Tocqueville ajoute, inquiété par cette vision tronquée de l'histoire qui dénie à l'homme son rôle sur sa vie, homme conditionné par Darwin - puis par les sciences sociales :

« On dirait, en parcourant les histoires écrites de notre temps, que l’homme ne peut rien, ni sur lui, ni autour de lui. Les historiens de l’Antiquité enseignaient à commander, ceux de nos jours n’apprennent guère qu’à obéir. Dans leurs écrits, l’auteur paraît souvent grand, mais l’humanité est toujours petite. »

Notre écrivain ajoute dans le même chapitre, de sa plume incomparable, ces lignes qui rempliront de fierté Barack O. ou Erdogan:

 « Si cette doctrine de la fatalité, qui a tant d’attraits pour ceux qui écrivent l’histoire dans les temps démocratiques, passant des écrivains à leurs lecteurs, pénétrait ainsi la masse entière des citoyens et s’emparait de l’esprit public, on peut prévoir qu’elle paralyserait bientôt le mouvement des sociétés nouvelles et réduirait les chrétiens en Turcs. »

Dès lors on comprend le besoin d'une partie de l'opinion d'avoir des explications, même mauvaises. Et il y aura donc plusieurs niveaux dans la théorie de la conspiration : celle qui va délirer sur les juifs ou les jésuites, les patrons ou les communistes, et celle qui va chercher de comprendre par exemple les origines d'une guerre et la notion d'Etat profond. Les historiens libertariens américains ont dénoncé le rôle obscur des Lincoln, Wilson, Roosevelt dans l'édification d'un Etat américain tentaculaire, surendetté, dangereux, boutefeu et surpuissant. On peut donner ici une petite liste de ces universitaires qui se réclament de la théorie de la conspiration sans avoir rien à voir avec le lumpen-prolétariat intellectuel des antisémites et autres. John T. Flynn (fabuleux sur Roosevelt), Murray Rothbard, George Morgenstern (excellent sur Pearl Harbor), Ralph Raico, John Denson, Butler Shaffer, tous sont autant de grands noms qui voient que l'histoire officielle en Amérique manque vraiment d'éthique ou d'élémentaire logique.

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Debord, qui reste un des rares héritiers de Tocqueville en France, remarque à ce propos – toujours dans les Commentaires :

« L’imbécillité croit que tout est clair, quand la télévision a montré une belle image, et l’a commentée d’un hardi mensonge. La demi-élite se contente de savoir que presque tout est obscur, ambivalent, “monté” en fonction de codes inconnus. Une élite plus fermée voudrait savoir le vrai, très malaisé à distinguer clairement dans chaque cas singulier, malgré toutes les données réservées et les confidences dont elle peut disposer. C’est pourquoi elle aimerait connaître la méthode de la vérité, quoique chez elle cet amour reste généralement malheureux. »

On se demande d'ailleurs comment « l'imbécillité qui croit que tout est clair »  va se faire expliquer tout à l'heure le 11 septembre, puisqu'on accuse tour à tour l'Etat US (thèse non plus de Chritopher Bollyn, mais des alliés saoudites !), l'Arabie saoudite, puis l'Iran – en ayant tout bonnement abandonné le pauvre Ben Laden dont personne ne veut plus parler !

Mais le secret de l'imbécillité, notamment en France et en Amérique, pays frères et rivaux du messianisme démocratique, est de creuser encore plus bas, même quand elle a touché le fond.

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Sur cette nécessité donc de l'explication réaliste d'un événement ou d'une guerre, le grand historien et économiste Murray Rothbard (photo) a écrit les lignes suivantes – que nous ne traduisons pas :

« Car une recherche de "conspirations", aussi erronées que soient souvent les résultats, signifie une recherche de motifs et une attribution de responsabilité individuelle pour les méfaits historiques des élites dirigeantes. Si, cependant, une tyrannie, une vénalité ou une guerre d'agression imposée par l'État n'était pas provoquée par des dirigeants d'État particuliers, mais par des «forces sociales» mystérieuses et obscures, ou par l'état imparfait du monde - ou si, d'une manière ou d'une autre, tout le monde était coupable (« Nous sommes tous des assassins », proclame un slogan commun), alors il ne sert à rien que quiconque s'indigne ou se soulève contre de tels méfaits. En outre, un discrédit des « théories du complot » - ou en fait, de tout ce qui sent le « déterminisme économique » - rendra les sujets plus susceptibles de croire aux raisons de « bien-être général » qui sont invariablement avancées par l'État moderne pour s'engager dans toute action agressive. Actions. (3)»

Car ce ne sont pas les forces sociales qui mènent aux guerres, mais les élites politiques dégénérées...Suivez la situation en Pologne ou en Syrie.

Malicieux, Rothbard souligne donc que l'histoire conspirative – très culottée - recherche elle des motivations et des responsabilités, par-delà les forces aveugles ! On croirait lire Tocqueville... ce grand penseur a aussi encensé la Servitude volontaire de La Boétie.

Il rappelle aussi la menace juridique-étatique derrière tout cela, et il a raison.

On constate que Rothbard est aussi un peu agacé par les « forces sociales », forces cousines de ces « sciences sociales » auxquelles Zygmund Dobbs, dans un livre célèbre des années soixante, a rendu un hommage très rebelle (Céline aussi s'est défoncé contre le « sozial »). Mais ce que souligne Rothbard c'est que notre Etat moderne si fort impose son histoire, son archi-texture, ses moyens, ses credos pour conditionner ses citoyens-sujets. L'Etat d'ailleurs impose sa vision du monde comme ses impôts. Et ses historiens deviennent ses percepteurs ou ses sergents recruteurs, nous en savons quelque chose un peu partout. Les Etats endettés (debitum, le péché en latin) n'ont jamais été aussi prégnants ou accablants en Amérique ou dans le monde dit libre. Les mêmes administrations qui chassent le conspirateur font la chasse au passé. Comme en 1793 d'ailleurs (c'est pour cela que l'Etat-nation...).

Bossuet ou Michelet ou Malet-Isaac n'ont donc pas à être préférés l'un à l'autre, sinon pour des raisons stylistiques ; pour le reste il servent un agenda conquérant, qui va nous imposer après la dislocation de la liberté médiévale (un historien libertarien nommé Hoppe est même féodaliste) le culte du courtisan et de son roi-soleil, les ravages du Palatinat, la dévastation de la Hollande ou, en mode républicain, l'instruction obligatoire et donc les massacres de la première Guerre mondiale, réalisée sous les auspices de la pauvre Jeanne d'Arc béatifiée après le 11 novembre.

Après Tocqueville, Céline avait aussi compris qu'il fallait se méfier de l'histoire – comme d'ailleurs Paul Valéry. Je cite le premier - Céline :

« Comme le système était excellent, on se mit à fabriquer des héros en série, et qui coûtèrent de moins en moins cher, à cause du perfectionnement du système. Tout le monde s’en est bien trouvé. Bismarck, les deux Napoléon, Barrès aussi bien que la cavalière Elsa. La religion drapeautique remplaça promptement la céleste, vieux nuage déjà dégonflé par la Réforme et condensé depuis longtemps en tirelires épiscopales. »

C'est un étonnant professeur d'histoire nommé Princhard qui tient ce discours pacifiste à Bardamu. Et il insiste sur le peu d'avenir des pacifistes en démocratie – qui n'ont pas attendu Churchill ou Saddam Hussein pour être traités de munichois... la démocratie étant dans un monde qui n'est jamais « assez sûr pour elle » (Woodrow Wilson) se doit d'être toujours en guerre. Ceux qui ne sont pas en guerre sont des traîtres à la solde de l'ennemi. Le leader socialiste Eugene Debs fut condamné pour pacifisme à dix ans de prison sous Wilson, avant d'être libéré par le président Harding, lui-même damné pour isolationnisme.

« Les hommes qui ne veulent ni découdre, ni assassiner personne, les Pacifiques puants, qu’on s’en empare et qu’on les écartèle ! Et les trucide aussi de treize façons et bien fadées ! Qu’on leur arrache pour leur apprendre à vivre les tripes du corps d’abord, les yeux des orbites, et les années de leur sale vie baveuse ! (4)»

Car Céline a compris que l'histoire officielle servira surtout à tuer et à justifier des guerres (aujourd'hui : Syrie, Irak, Libye, Ukraine...). Ceux qui ne veulent pas de ces guerres seront des mutinés conspirateurs.

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Et Valéry, ce bel esprit isolé en son temps, témoigne à son tour, après un siècle passé à célébrer Valmy, les ancêtres gaulois, Napoléon ou les croisades :

« L’Histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l’intellect ait élaboré. Ses propriétés sont bien connues. Il fait rêver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, entretient leurs vieilles plaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au délire des grandeurs ou à celui de la persécution, et rend les nations amères, superbes, insupportables et vaines. (5)»

Nous ne nous sommes pas éloignés du sujet. La théorie de la conspiration est donc une critique pacifiste de l'Histoire officielle. Les historiens dits conspiratifs sont plutôt des savants et des pacifistes, les historiens et les commentateurs systémiques (qui peuvent être d'extrême-droite : voyez Bainville et les sourcilleux bataillons de l'A.F.) sont plutôt des bellicistes, parce qu'ils expliquent mal (le terrorisme, les forces sociales, l'impérialisme...) ou pas du tout les événements concernés, ou parce qu'ils les recyclent et les manipulent pour aider les politiques et leurs commanditaires à préparer les guerres suivantes (Johnson pour le Vietnam, Bush pour le Moyen-Orient). Toute l'histoire de la deuxième guerre mondiale vient ainsi d'être réécrite pour justifier la prochaine guerre contre la Russie qui sauvera une deuxième fois le « soldat Ryan » mais en terminera avec l'Europe.

Nicolas Bonnal

Notes:

(1) Debord, Commentaires sur le Société du spectacle

(2) Tocqueville, De la Démocratie 2, Première partie, Chapitre XXI

(3) Murray Rothbard, a libertarian manifesto, p. 80-81

(4) Voyage au bout de la nuit, p. 80.

(5) Regards sur le monde actuel, « de l'Histoire ».

 

mercredi, 17 mai 2023

Nicolas Bonnal : La Pulsion Génocidaire

mardi, 09 mai 2023

Bonnal: La Tyrannie numérique

Le Coup de Gueule de Nicolas Bonnal, la rubrique de Café Noir du mardi 09 mai 2023.

Pour une sélection de livres avec liens de Nicolas & Tetyana Bonnal voir ci-dessous.

LIVRES DE BONNAL CHEZ AVATAR EDITION

Internet – La Nouvelle Voie Initiatique https://avatareditions.com/livre/inte...

Le Choc Macron – Fin des Libertés et Nouvelles Résistances https://avatareditions.com/livre/le-c...

Le Salut par Tolkien https://avatareditions.com/livre/le-s...

Louis Ferdinand Céline – La Colère et les Mots https://avatareditions.com/livre/loui...

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dimanche, 30 avril 2023

Edouard Drumont, Mgr Delassus et la montée du grand impérialisme américain

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Edouard Drumont, Mgr Delassus et la montée du grand impérialisme américain

Nicolas Bonnal

On a déjà étudié Mgr Delassus et sa conjuration antichrétienne - et son étude sur l’américanisme qui montre que l’Amérique est sans doute une matrice et une république (une république ou un royaume comme celui d’Oz ?) antéchristique qui repose sur quatre piliers : le militarisme messianique d’essence biblique ; le matérialisme effroyable ; la subversion morale totale qui défie et renverse aujourd’hui toutes les civilisations (LGBTQ, BLM, Cancel culture, Green Deal, etc.). Quatrième pilier enfin : pire qu’Hiroshima, l’arme absolue semble être cette bombe informatique dont l’admirable et déjà oublié Paul Virilio (dernier penseur français d’importance) a parlé. L’éditeur de Virilio Galilée a d’ailleurs repris un de mes textes sur cet esprit fondamental.

Dans le tome deuxième de sa Conjuration Mgr Delassus cite Drumont (Drumont c’est comme Céline : on oublie ses propos sur les juifs et on se concentre sur le reste) sur la naissance de l’impérialisme gnostique des USA qui volent impunément – en arguant d’un attentat attribué à Ben Laden, pardon au gouvernement espagnol d’alors - Cuba et les Philippines pour faire de l’une un bordel (puis un paradis de sanctions communistes…) et de l’autre une colonie pénitentiaire (300.000 morts tout de même, voyez mon texte sur fr.sputniknews.com basé sur des historiens libertariens) puis capitaliste ad vitam (voyez le sort des ouvrières philippines dans film le Bourne Legacy avec Jeremy Renner par exemple).

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Delassus donc :

« M. Edouard Drumont faisait tout récemment ces observations : « Ce dont il faut bien se pénétrer, c'est que les Etats- Unis d'aujourd'hui ne ressemblent plus du tout aux Etats-Unis d'il y a seulement vingt ans.

« II y a eu, surtout depuis la guerre avec l'Espagne, une transformation radicale des mœurs, des idées et des sentiments de ce pays. Les Etats-Unis étaient naguère une grande démocratie laborieuse et pacifique ; ils sont devenus peu à peu une démocratie militaire, orgueilleuse de sa force, avide d'agrandissements et de conquêtes; il n'y a peut-être pas dans le monde entier d'impérialisme plus ambitieux, plus résolu et plus tenace que l'impérialisme américain. Chez ce peuple, qui eût haussé les épaules autrefois si on lui eût parlé de la possibilité d'une guerre avec une puissance quelconque, il n'est question actuellement que de dissentiments, de conflits et d'aventures. »

On verra ou reverra à ce propos l’admirable Le Lion et le Vent de John Milius, avec Sean Connery, qui illustrait bien cette fièvre définitive d’impérialisme qui prendra fin (prochaine) avec le monde.

Drumont ajoute (je ne sais d’où sort ce texte –sans doute est-ce un article de son journal) :

« Remarquez également combien l'action diplomatique des Etats-Unis est différente de ce qu'elle était jadis. Au lieu de se borner à maintenir l'intangibilité de la doctrine de Monroe, la grande République a la prétention maintenant de jouer partout son rôle de puissance mondiale. Elle ne veut pas que nous intervenions dans les affaires américaines, mais elle intervient à chaque instant et à tout propos dans nos affaires d'Europe. On n'a pas oublié le mauvais goût et le sans-gêne avec lesquels Roosevelt, il y a deux ou trois ans, voulut s'immiscer dans les affaires intérieures de la Roumanie, à propos des Juifs. Il est vrai que les Etats-Unis sont en voie de devenir une puissance juive, puisque dans une seule ville, comme New- York, il y a près d'un million d'Hébreux I Ajoutez à cela la fermentation continue de toutes ces races juxtaposées, mais non fusionnées, qui bouillonnent perpétuellement sur ce vaste territoire, comme en une immense cuve : la question chinoise, la question japonaise, la question nègre, presque aussi aiguë aujourd'hui qu'elle l'était à la veille de la guerre de sécession. Tout cela fait ressembler la République américaine à un volcan gigantesque qui lance déjà des jets de fumée et des bouffées de lave, en attendant l'éruption qui ne peut manquer d'éclater tôt ou tard... »

Comme la république impérialiste des Romains qui unifia et détruisit les cultures antiques (Oswald Spengler en parle bien), l’empire détruit et unifie tout ; Delassus ajoute :

« C'est en Amérique surtout qu'a pris corps le projet de l’établissement d'une religion humanitaire, devant se substituer aux religions existantes. Depuis longtemps on y travaille à abaisser les barrières dogmatiques et à unifier les confessions de façon à favoriser les voies à l'humanitarisme. »

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La liquidation du catholicisme romain par l’agent Bergoglio est une belle illustration. Et à propos de cette fusion des intérêts juifs et américains Delassus (qui cite beaucoup, et comme il a raison) cite l’historien Henry Bargy :

Il croit pouvoir poser ces deux assertions : « La République des Etats-Unis est, dans la pensée des Juifs d'Amérique, la Jérusalem future ». « L'Américain croit sa nation venue de Dieu ». Et il ajoute : Dans cette confiance patriotique des Américains, les Juifs ont reconnu la leur. Leur orgueil national est venu s'appuyer- sur celui de leurs nouveaux compatriotes. Les uns comme les autres attendent de leur race le salut de la terre (1). »

Avec des messies comme ça qui tiennent l’informatique, la presse et les billets de banque, nous sommes mal partis. Delassus annonce même le Grand Reset, simple application des idéaux socialistes et maçonniques. Mais découvrez son œuvre admirable.

PS : je découvre en terminant ce texte que Google devient inutilisable.

Bargy, dans son livre : La Religion dans la société aux Etats-Unis, dit : « La République des Etats-Unis est, dans la pensée des Juifs d'Amérique, la Jérusalem future. »

SOURCES :

https://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Delassus/Conjur...

https://ia800309.us.archive.org/34/items/lamricanismeet00...

http://www.editions-galilee.fr/images/3/p_9782718600796.pdf

https://fr.sputniknews.africa/20170107/Cuba-USA-Philippin...

https://www.dedefensa.org/article/lamericanisation-et-not...

samedi, 29 avril 2023

Nicolas Bonnal: le révolte française

Le Coup de Gueule de Nicolas Bonnal, la rubrique de Café Noir du mardi 25 avril 2023. Pour une sélection de livres avec liens de Nicolas & Tetyana Bonnal voir ci-dessous.

LIVRES DE BONNAL CHEZ AVATAR EDITION Internet – La Nouvelle Voie Initiatique https://avatareditions.com/livre/inte...

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LIVRES DE N. BONNAL CHEZ D'AUTRES ÉDITEURS Autopsie de l’Exception Française: Grandeur et Misère. (1ere ed. – Le Coq Hérétique – Autopsie de l’Exception Française) https://www.amazon.fr/dp/B0BZF8KSZG

Chroniques sur la Fin de l'Histoire https://www.amazon.fr/dp/1521035520

Dans la Gueule de la Bête de l’Apocalypse https://www.amazon.fr/dp/B09NR9QGLX

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Guénon, Bernanos et les Gilets Jaunes https://www.amazon.fr/dp/1090563531

La Comédie Musicale Américaine – Nicolas et Tetyana Bonnal https://www.amazon.fr/dp/B08NWWYBT3

Le Grand Reset et la Guerre du Vaccin https://www.amazon.fr/dp/B099TPX86L

Le Voyageur Éveillé https://www.amazon.fr/dp/2251442235

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vendredi, 21 avril 2023

Impasse française: avertissement pour les rares survivants

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Impasse française: avertissement pour les rares survivants

Nicolas Bonnal

Oublions les casseroles. Seuls les Alsaciens qui ne sont pas des Français (malgré Louis XIV) ont vraiment humilié Macron. Le reste est de la gnognotte.

Je me suis intéressé à ceux, aux femmes en particulier, qui contestent Macron (en ce moment, c’est facile de lui tirer dessus: et je me suis ennuyé sur YouTube (merde, lisez Flaubert ou Tocqueville – ou mon livre sur l’exception française ou l’apocalypse) et suis tombé sur Lancelin, sur Degois, sur une députée européenne écolo (Rivasi je crois), etc. Tout cela réclame plus d’écriture inclusive, plus d’écologie, plus de lutte contre l’extrême-droite, plus d’immigration, plus de social, plus d’égalité, plus de tolérance, etc. Il faut aussi plus d’Eurocratie. Ce sont des institutions formidables juste un peu violées par la pourtant si féminine-bourgeoise-humanitaire Ursula.

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Rien sur le Grand Reset, rien sur la ruine du continent, rien sur cette guerre au puissant binôme Chine-Russie, rien sur les milliards US qui contrôlent nos politiciens, rien sur le camp de concentration numérique. De l’anti-Macron mais pas trop : car sinon on aurait Marie Le Pen qui reste comme Hitler – dixit une des idiotes. Marine Le Pen (je la connais comme Lévy d’ailleurs) joue au centre et échouera ou fera du Meloni.

Mais je m’en fous. Sur les partis politiques Bakounine, Ostrogorski ou Michels ont déjà tout dit.

On se retrouve au niveau gauchiste scolaire (Harari aussi fait scolaire du reste, petit prof israélien bafouillant un anglais incertain et tenant des propos que l'on aurait, en d'autres temps, qualifié d'hitlériens, des propos bons pour Greta), woke débile et climatologue. Tuer l’homme pour sauver le dieu-Moloch-climat…

Je ne sais pas si le féminisme est le pire ennemi des femmes mais je sais qu’il est là pour détruire la société, la famille, les hommes, les enfants, peut-être les femmes et noyer cette société de type "Mme Bovary" sous un océan de dettes. La femme sait surtout dépenser et depuis qu’on l’a mise au pouvoir partout en Europe, le continent croule sous les dettes et les déficits. Idem en Amérique. Quant au totalitarisme féminin, relisez Chesterton : le despotisme féminin fera du monde une nursery.

De l’autre côté, je me suis penché sur l’autre camp auquel j’ai appartenu jusqu’à mon départ en France: pour l’extrême-droite comme pour la droite modérée Macron devient sympa, Macron incarne la présidence (même à Kinshasa), il incarne l’autorité contre l’extrême-gauche qui brûle les poubelles et n’aime ni l’Etat ni la démocratie (dixit Marion Le Pen – et non pas Maréchal – que j’ai interviewée jadis pour Pravda.ru). Zemmour accepte la réforme, qui a accepté le vaccin, le camp, les confinements, il nie le Reset, bref il se fout également du monde. Et BVoltaire.fr,  où j’ai aussi écrit, est devenu pro-Macron avec l’équipe Cluzel (journaliste à Famille chrétienne où j’ai officié jadis) et suite au ménage Ménard.

C’est que pendant que certains volaient encore aux étalages, je naviguais déjà sur le Mississipi (Goscinny).

Les carottes sont cuites et recuites. Je vis bien depuis que j’ai quitté la France et épousé une étrangère/ukrainienne (épousez-qui vous voulez – mais…) et je vous dis : faites vos bagages camarades.

Et ne me dites pas comme des gens de Radio-Courtoisie jadis : - moi monsieur je reste dans mon pays pour le défendre.

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On a vu où ils en sont ceux qui le défendent avec une inflation à 30% et dix millions d’immigrés en plus. Vous faut-il plus d’envahisseurs, d’inflation et de guerres pour le défendre ?

Si vous restez c’est vous qui y passerez le jour où (seule vérité dite par une des folles) le FMI prendra leur hexagone humanitaire républicain sous son implacable coupe.

Et faites gaffe à l’Europe qui est devenue un camp de concentration depuis que la technocratie française, type Delors Malleret (Mr Schwab-bis) ou Breton, a mis le grappin dessus.

Fly, you fools, comme dit Gandalf.

vendredi, 07 avril 2023

La guerre de Crimée (1853-1856) et la russophobie à travers les âges

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La guerre de Crimée (1853-1856) et la russophobie à travers les âges

Nicolas Bonnal

J’ai plusieurs fois évoqué la russophobie dans mon livre sur Dostoïevski ou dans mes textes publiés dans les médias russes (voir liens) ; elle est européenne cette russophobie, elle n’a pas attendu les Américains et elle est solidement enracinée. On peut dire qu’elle s’exprime une première fois dans la conquête de la Russie par Napoléon qui est ainsi décrit par Tolstoï dans Guerre et paix: c’est l’Europe et non la France (40% de la soldatesque) qui se jette à la gorge de la Russie. Chateaubriand (voyez mon texte) est totalement isolé quinze ans plus tard quand il demande à la diplomatie française de se rapprocher de la Russie et d’éviter les ombrageuses Autriche et Angleterre qui déclencheront les conflits qui en terminèrent avec notre civilisation (elle est morte notre civilisation à l’époque de Zweig ou Valéry, c’est son cadavre qui pue en ce moment).

La guerre de Crimée (1853-56, un million de victimes, de faim, de froid, de maladie, etc.), permet à l’Europe presque entière de se défouler. La France (comme toujours bonapartiste, militariste, autoritaire et humanitaire, lisez mon Exception française), l’Angleterre qui sacrifia tous les chrétiens (obsessionnelle habitude) d’Orient pour protéger son adorable empire ottoman (qu’elle sacrifia ensuite avec Lawrence et les sionistes), mais aussi la Sardaigne du très opportuniste Cavour, l’Autriche très ingrate (sauvée par Nicolas en 1848, mais qui mobilisa cent mille hommes) et d’une demi-douzaine d’autres nations font directement et indirectement la guerre à la Russie POUR DEFENDRE L’EMPIRE OTTOMAN. Le contrat chrétien est rompu par les Occidentaux, et la Grande Catherine s’en plaignait déjà.

Ici ce qui m’intéresse c’est de rappeler que tous les gouvernements de ce continent zombi approuvent systématiquement ce que font les Américains. Les Américains ont droit de vie et de mort sur toute cette planète et tout le monde est content en Europe. Vers 1850 c’est l’Europe occidentale – le couple franco-britannique - qui a ce droit (et refusera de le partager avec l’Allemagne) et qui, avant les USA, s’estime le messie des nations sur cette pauvre terre - pour la piller ou la détruire ou la moderniser...

Un historien russe de cette déjà triste époque s’en est rendu compte et il écrit au tzar Nicolas ; je traduis de Wikipédia anglais (tout arrive) :

« Mikhaïl Pogodin, professeur d'histoire à l'Université de Moscou, avait donné à Nicolas un résumé de la politique de la Russie envers les Slaves pendant la guerre. La réponse de Nicolas était remplie de griefs contre l'Occident. Nicolas partageait le sentiment de Pogodine que le rôle de la Russie en tant que protecteur des chrétiens orthodoxes dans l'Empire ottoman n'était pas compris et que la Russie était injustement traitée par l'Occident. Nicolas avait particulièrement approuvé le passage suivant:

« La France prend l'Algérie à la Turquie, et presque chaque année l'Angleterre annexe une autre principauté indienne : rien de tout cela ne perturbe l'équilibre des forces ; mais lorsque la Russie occupe la Moldavie et la Valachie, ne serait-ce que temporairement, cela perturbe l'équilibre des forces. La France occupe Rome et y séjourne plusieurs années en temps de paix : ce n'est rien ; mais la Russie ne songe qu'à occuper Constantinople, et la paix de l'Europe est menacée. Les Anglais déclarent la guerre aux Chinois, qui les ont, semble-t-il, offensés: personne n'a le droit d'intervenir; mais la Russie est obligée de demander la permission à l'Europe si elle se querelle avec son voisin. L'Angleterre menace la Grèce de soutenir les fausses prétentions d'un misérable Juif et brûle sa flotte: c'est une action licite; mais la Russie exige un traité pour protéger des millions de chrétiens, et cela est censé renforcer sa position à l'Est au détriment de l'équilibre des forces. On ne peut rien attendre de l'Occident que de la haine aveugle et de la méchanceté... (Commentaire en marge de Nicolas Ier : « C'est tout l'enjeu »).

C’est tiré du Mémorandum de Mikhail Pogodin à Nicolas Ier, 1853.

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Je ne vais pas trop commenter : l’Occident a tous les droits, la Russie – ou qui que ce soit d’ailleurs – n’en a aucun. Le résultat désastreux de cette guerre mena ensuite où l’on sait. Et il faut comprendre une deuxième évidence : même faible, même risible, l’Occident a la rage et ne s’arrête jamais. Lisez notre livre de prières publié en 1852 par A. Stourdza : parce qu’à part les missiles rien ne peut arrêter ces imbéciles. Ces siècles de la Fin pour reprendre Bernanos sont les siècles de la colère des imbéciles fabriqués à la chaîne (télé ou autre) en Occident depuis l’invention d’un certain Gutenberg. Leur guerre n’en finira pas car elle n’a jamais cessé.

Sources principales :

https://www.dedefensa.org/article/de-gaulle-et-chateaubri...

https://en.wikipedia.org/wiki/Crimean_War

https://en.wikipedia.org/wiki/Mikhail_Pogodin

https://lesakerfrancophone.fr/custine-et-les-racines-du-c...

https://lesakerfrancophone.fr/de-leffondrement-de-la-russ...

https://www.amazon.fr/Autopsie-lexception-fran%C3%A7aise-...

https://www.amazon.fr/Dosto%C3%AFevski-modernit%C3%A9-occ...

https://fr.sputniknews.africa/search/?query=bonnal

https://www.amazon.fr/Livre-pri%C3%A8res-orthodoxes-Tradu...

vendredi, 24 mars 2023

Leconte de Lisle et la colère poétique contre le monde moderne

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Leconte de Lisle et la colère poétique contre le monde moderne

par Nicolas Bonnal

« Vous vivez lâchement, sans rêve, sans dessein,/Plus vieux, plus décrépits que la terre inféconde,/Châtrés dès le berceau par le siècle assassin /De toute passion vigoureuse et profonde».

Une étude italienne rédigée en français par Yann Mortelette, talentueux et courageux universitaire, permet de redécouvrir ce poète méprisé mais curieux, païen, helléniste, rebelle, parnassien et enragé contre le monde moderne. Contemporain strict de Baudelaire, de Poe ou de Flaubert, sur lesquels j'ai écrit tant de textes (voyez mes recueils), Leconte de Lisle (1818-1894) en partage la rage.

Je citerai en vrac des vers méconnus ; sur la nature et sa destruction par la société industrielle voici ce qu'il écrit :

« Un air impur étreint le globe dépouillé
Des bois qui l’abritaient de leur manteau sublime;
Les monts sous des pieds vils ont abaissé leur cime;
Le sein mystérieux de la mer est souillé. »

Il voit la fin de la poésie arriver (voyez mes textes sur Pearson et Tolstoï qui comprennent qu'elle meurt à la fin du dix-neuvième, à Paris d'ailleurs) :

« Voici que le moment est proche où [les poètes] devront cesser de produire, sous peine de mort intellectuelle. […] Je suis invinciblement convaincu que telle sera bientôt, sans exception possible, la destinée inévitable de tous ceux qui refuseront d’annihiler leur nature au profit de je ne sais quelle alliance monstrueuse de la poésie et de l’industrie. »

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Lisons un sonnet admirable tiré de ses poèmes barbares :

« Vous vivez lâchement, sans rêve, sans dessein,
Plus vieux, plus décrépits que la terre inféconde,
Châtrés dès le berceau par le siècle assassin
De toute passion vigoureuse et profonde.

Votre cervelle est vide autant que votre sein,
Et vous avez souillé ce misérable monde
D’un sang si corrompu, d’un souffle si malsain,
Que la mort germe seule en cette boue immonde.

Hommes, tueurs de Dieux, les temps ne sont pas loin
Où, sur un grand tas d’or vautrés dans quelque coin,
Ayant rongé le sol nourricier jusqu’aux roches,

Ne sachant faire rien ni des jours ni des nuits,
Noyés dans le néant des suprêmes ennuis,
Vous mourrez bêtement en emplissant vos poches. »

Leconte de Lisle voit la notion de civilisation comme une chose occidentale inventée (cf. Guénon) et une réalité qui n’a pas progressé depuis l’Antiquité :

« En fait d’art original, le monde romain est au niveau des Daces et des Sarmates; le cycle chrétien tout entier est barbare. […] Que reste-t-il donc des siècles écoulés depuis la Grèce? Quelques individualités puissantes, quelques grandes œuvres sans lien et sans unité… »

C’est ce que dit Cochin sur l’art français après la Révolution. Il reste les grandes personnalités du début du dix-neuvième siècle puis peu à peu plus rien.

Comme Vigny cet aristocrate recommande le stoïcisme :

« La vie est ainsi faite, il nous la faut subir.
Le faible souffre et pleure, et l’insensé s’irrite;
Mais le plus sage en rit, sachant qu’il doit mourir. »

Dans une lettre inédite à Charles Bénézit du 12 septembre 1860, il écrit sur le déclin de l’art :

« Mon vieil ami, sois persuadé que je n’abandonne en aucune façon la cause de l’humanité. C’est l’humanité qui s’abandonne elle-même. À son aise! La poésie et l’art n’ont rien à faire dans le bourbier d’inepties et de lâchetés où elle s’enfonce d’heure en heure. Si la masse des soi-disant défenseurs de l’humanité est composée d’infectes brutes qui ont une horreur naturelle de la poésie et de l’art, ce n’est pas, ce me semble, une raison suffisante pour que nous devenions aussi bêtes qu’eux. D’ailleurs, on n’enseigne ni on ne convertit personne. »

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Il ajoute justement :

« On a renoncé fort sagement à la transmutation des métaux, et je crois qu’on ferait mieux de renoncer à la transmutation des âmes. La plus solennelle sottise qu’ait énoncée un homme de génie, est cette affirmation de Leibnitz: «L’éducation est la maîtresse de la vie». Hélas! l’éducation, ou rien, c’est exactement la même chose. […] Il y a des natures d’or et des natures de boue, et rien n’y fait; il y a des peuples qui ne seront jamais qu’une bande de laquais, vils par instinct et insolents par boutades. S’en mêle qui voudra; pour moi j’y ai renoncé, et je t’engage à en faire autant. Amen. »

Il décrit d’ailleurs le déclin de la poésie romantique devenue une bibliothèque rose avant la lettre (cf. Mme Bovary) :

« Le thème personnel et ses variations trop répétées ont épuisé l’attention; […] mais s’il est indispensable d’abandonner au plus vite cette voie étroite et banale, encore ne faut-il s’engager en un chemin plus difficile et dangereux que fortifié par l’étude et l’initiation. Ces épreuves expiatoires une fois subies, la langue poétique une fois assainie, les spéculations de l’esprit, les émotions de l’âme, les passions du cœur, perdront-elles de leur vérité et de leur énergie, quand elles disposeront de formes plus nettes et plus précises. »

Les Bretons ont rarement suscité l’admiration des écrivains. Lui n’est pas en reste – et, sur cette vie de province si française qui en a désespéré des dizaines, il écrit :

« Que le grand diable d’enfer emporte les sales populations de la province! Vous vous figurerez à grand-peine l’état d’abrutissement, d’ignorance et de stupidité naturelle de cette malheureuse Bretagne… »

Et de finir sur ces lignes rendues célèbres par notre bon vieux Lagarde et Michard :

« Que l’humanité est une sale et dégoûtante engeance! Que le peuple est stupide! C’est une éternelle race d’esclaves qui ne peut vivre sans bât et sans joug. »

C’est dans une lettre de 1848, adressée à un certain Ménard !

Le 22 août 1863, il écrit à Georges Lafenestre:

« Nous n’avons rien de commun avec la misérable race à laquelle nous appartenons pour le plus rude châtiment de nos péchés. Cuisiniers, généraux, danseuses, gandins, banquiers, acrobates, princes, avocats, assassins remarquables, huissiers, pianistes, notaires, gendarmes, chambellans, piqueurs, Legouvé père et fils, Scribe, Béranger, Ponsard et l’auteur du Pied qui remue trouvent grâce devant elle, mais non pas la poésie. »

Sa conception élitiste du poète va de pair avec sa crainte du nivellement et de l’uniformisation démocratiques. On est déjà dans la mondialisation et dans la grande liquidation des peuples et des cultures. Dans la préface des Poèmes et poésies, il s’interroge – comme le  Chateaubriand de la Conclusion des mémoires d’outre-tombe :

« Que sera-ce donc si [les races] en arrivent à ne plus former qu’une même famille, comme se l’imagine partiellement la démocratie contemporaine, qu’une seule agglomération parlant une langue identique, ayant des intérêts sociaux et politiques solidaires, et ne se préoccupant que de les sauvegarder? Mais il est peu probable que cette espérance se réalise, malheureusement pour la paix, la liberté et le bien-être des peuples, heureusement pour les luttes morales et les conceptions de l’intelligence ».

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Ecoutons l’universitaire Lavernette (surprenant, vraiment) :

« Son œuvre, qui passe en revue les civilisations les plus différentes, plaide en faveur d’une diversité culturelle que le poète juge menacée par l’égalitarisme moderne. Dans «Le Dernier des Maourys», le vieux chef indigène déclare à ceux qui sont venus coloniser ses terres:

Dans un dernier élan Leconte de Lisle écrit («Le Dernier des Maourys», Revue des deux mondes, 1er août 1889) :

« Puisque les nations de l’univers ancien
Se dispersent ainsi, Blancs, devant votre face;
Puisque votre pied lourd les broie et les efface;
Si les Dieux l’ont voulu, soit! Qu’il n’en reste rien! »

Oui, les blancs ont tout tué. Et comme disent Daniélou et Bruckberger il leur reste à se tuer eux-mêmes. Faisons-leur confiance : ils ne demandent qu’à s’exterminer avec les russes et les chinois et à refiler tous leurs avoirs à une poignée de riches américains.

Texte de YANN MORTELETTE disponible ici :

https://journals.openedition.org/studifrancesi/2945

Autres sources :

https://www.amazon.fr/Chroniques-sur-lHistoire-Nicolas-Bo...

https://www.amazon.fr/Pourquoi-monarchie-disparu-France-p...

https://www.dedefensa.org/article/chateaubriand-et-la-con...

https://numidia-liberum.blogspot.com/2021/02/edgar-poe-et...

https://www.dedefensa.org/article/baudelaire-et-la-sauvag...

https://www.dedefensa.org/article/leon-tolstoi-et-les-joy...

 

 

 

 

mercredi, 15 mars 2023

Prôner la grève de l’électeur avec Octave Mirbeau

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Prôner la grève de l’électeur avec Octave Mirbeau

Sélection de Nicolas Bonnal

Depuis deux siècles et demi nous nous faisons escroquer, ruiner, remplacer, exterminer et priver de nos libertés par nos élus, maires et députés, ministres et présidents. Cette fois sur fond de russophobie et de Reset nous allons y passer pour de bon et être liquidés par nos élus et ceux qui les ont mis là - comme candidats (RN y compris). Prônons la seule grève générale et totale qui compta alors : celle de l'électeur. Par Octave Mirbeau, écrivain anarchiste ami de Léon Bloy et inspirateur de Luis Buñuel. Le jour des élections mettez les piquets de grève : pas d'élu, pas de génocide et pas de guerre ; pas d'élu, pas de misère ; pas d'élu, pas de lois ; pas d’élus, pas de reset et pas de dette.

Mirbeau (1888) :

Une chose m’étonne prodigieusement — j’oserai dire qu’elle me stupéfie, c’est qu’à l’heure scientifique où j’écris, après les innombrables expériences, après les scandales journaliers, il puisse exister encore dans notre chère France (comme ils disent à la Commission du budget) un électeur, un seul électeur, cet animal irrationnel, inorganique, hallucinant, qui consente à se déranger de ses affaires, de ses rêves ou de ses plaisirs, pour voter en faveur de quelqu’un ou de quelque chose. Quand on réfléchit un seul instant, ce surprenant phénomène n’est-il pas fait pour dérouter les philosophies les plus subtiles et confondre la raison ? Où est-il le Balzac qui nous donnera la physiologie de l’électeur moderne ? Et le Charcot qui nous expliquera l’anatomie et les mentalités de cet incurable dément ? Nous l’attendons.

Je comprends qu’un escroc trouve toujours des actionnaires, la Censure des défenseurs, l’Opéra-Comique des dilettanti, le Constitutionnel des abonnés, M. Carnot des peintres qui célèbrent sa triomphale et rigide entrée dans une cité languedocienne ; je comprends M. Chantavoine s’obstinant à chercher des rimes ; je comprends tout. Mais qu’un député, ou un sénateur, ou un président de République, ou n’importe lequel, parmi tous les étranges farceurs qui réclament une fonction élective, quelle qu’elle soit, trouve un électeur, c’est-à-dire l’être irrêvé, le martyr improbable, qui vous nourrit de son pain, vous vêt de sa laine, vous engraisse de sa chair, vous enrichit de son argent, avec la seule perspective de recevoir, en échange de ces prodigalités, des coups de trique sur la nuque, des coups de pied au derrière, quand ce n’est pas des coups de fusil dans la poitrine, en vérité, cela dépasse les notions déjà pas mal pessimistes que je m’étais faites jusqu’ici de la sottise humaine, en général, et de la sottise française en particulier, notre chère et immortelle sottise, ô chauvin !

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Il est bien entendu que je parle ici de l’électeur averti, convaincu, de l’électeur théoricien, de celui qui s’imagine, le pauvre diable, faire acte de citoyen libre, étaler sa souveraineté, exprimer ses opinions, imposer — ô folie admirable et déconcertante — des programmes politiques et des revendications sociales ; et non point de l’électeur « qui la connaît » et qui s’en moque, de celui qui ne voit dans « les résultats de sa toute-puissance » qu’une rigolade à la charcuterie monarchiste, ou une ribote au vin républicain. Sa souveraineté à celui-là, c’est de se pocharder aux frais du suffrage universel. Il est dans le vrai, car cela seul lui importe, et il n’a cure du reste. Il sait ce qu’il fait. Mais les autres ?

Ah ! oui, les autres ! Les sérieux, les austères, les peuple souverain, ceux-là qui sentent une ivresse les gagner lorsqu’ils se regardent et se disent : « Je suis électeur ! Rien ne se fait que par moi. Je suis la base de la société moderne. Par ma volonté, Floquet fait des lois auxquelles sont astreints trente-six millions d’hommes, et Baudry d’Asson aussi, et Pierre Alype également. » Comment y en a-t-il encore de cet acabit ? Comment, si entêtés, si orgueilleux, si paradoxaux qu’ils soient, n’ont-ils pas été, depuis longtemps, découragés et honteux de leur œuvre ? Comment peut-il arriver qu’il se rencontre quelque part, même dans le fond des landes perdues de la Bretagne, même dans les inaccessibles cavernes des Cévennes et des Pyrénées, un bonhomme assez stupide, assez déraisonnable, assez aveugle à ce qui se voit, assez sourd à ce qui se dit, pour voter bleu, blanc ou rouge, sans que rien l’y oblige, sans qu’on le paye ou sans qu’on le soûle ?

À quel sentiment baroque, à quelle mystérieuse suggestion peut bien obéir ce bipède pensant, doué d’une volonté, à ce qu’on prétend, et qui s’en va, fier de son droit, assuré qu’il accomplit un devoir, déposer dans une boîte électorale quelconque un quelconque bulletin, peu importe le nom qu’il ait écrit dessus ?… Qu’est-ce qu’il doit bien se dire, en dedans de soi, qui justifie ou seulement qui explique cet acte extravagant ? Qu’est-ce qu’il espère ? Car enfin, pour consentir à se donner des maîtres avides qui le grugent et qui l’assomment, il faut qu’il se dise et qu’il espère quelque chose d’extraordinaire que nous ne soupçonnons pas. Il faut que, par de puissantes déviations cérébrales, les idées de député correspondent en lui à des idées de science, de justice, de dévouement, de travail et de probité ; il faut que dans les noms seuls de Barbe et de Baïhaut, non moins que dans ceux de Rouvier et de Wilson, il découvre une magie spéciale et qu’il voie, au travers d’un mirage, fleurir et s’épanouir dans Vergoin et dans Hubbard des promesses de bonheur futur et de soulagement immédiat. Et c’est cela qui est véritablement effrayant. Rien ne lui sert de leçon, ni les comédies les plus burlesques, ni les plus sinistres tragédies.

Voilà pourtant de longs siècles que le monde dure, que les sociétés se déroulent et se succèdent, pareilles les unes aux autres, qu’un fait unique domine toutes les histoires : la protection aux grands, l’écrasement aux petits. Il ne peut arriver à comprendre qu’il n’a qu’une raison d’être historique, c’est de payer pour un tas de choses dont il ne jouira jamais, et de mourir pour des combinaisons politiques qui ne le regardent point.

Que lui importe que ce soit Pierre ou Jean qui lui demande son argent et qui lui prenne la vie, puisqu’il est obligé de se dépouiller de l’un, et de donner l’autre ? Eh bien ! non. Entre ses voleurs et ses bourreaux, il a des préférences, et il vote pour les plus rapaces et les plus féroces. Il a voté hier, il votera demain, il votera toujours. Les moutons vont à l’abattoir. Ils ne se disent rien, eux, et ils n’espèrent rien. Mais du moins ils ne votent pas pour le boucher qui les tuera, et pour le bourgeois qui les mangera. Plus bête que les bêtes, plus moutonnier que les moutons, l’électeur nomme son boucher et choisit son bourgeois. Il a fait des Révolutions pour conquérir ce droit.

Ô bon électeur, inexprimable imbécile, pauvre hère, si, au lieu de te laisser prendre aux rengaines absurdes que te débitent, chaque matin, pour un sou, les journaux grands ou petits, bleus ou noirs, blancs ou rouges, et qui sont payés pour avoir ta peau ; si, au lieu de croire aux chimériques flatteries dont on caresse ta vanité, dont on entoure ta lamentable souveraineté en guenilles, si, au lieu de t’arrêter, éternel badaud, devant les lourdes duperies des programmes ; si tu lisais parfois, au coin du feu, Schopenhauer et Max Nordau, deux philosophes qui en savent long sur tes maîtres et sur toi, peut-être apprendrais-tu des choses étonnantes et utiles. Peut-être aussi, après les avoir lus, serais-tu moins empressé à revêtir ton air grave et ta belle redingote, à courir ensuite vers les urnes homicides où, quelque nom que tu mettes, tu mets d’avance le nom de ton plus mortel ennemi. Ils te diraient, en connaisseurs d’humanité, que la politique est un abominable mensonge, que tout y est à l’envers du bon sens, de la justice et du droit, et que tu n’as rien à y voir, toi dont le compte est réglé au grand livre des destinées humaines.

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Rêve après cela, si tu veux, des paradis de lumières et de parfums, des fraternités impossibles, des bonheurs irréels. C’est bon de rêver, et cela calme la souffrance. Mais ne mêle jamais l’homme à ton rêve, car là où est l’homme, là est la douleur, la haine et le meurtre. Surtout, souviens-toi que l’homme qui sollicite tes suffrages est, de ce fait, un malhonnête homme, parce qu’en échange de la situation et de la fortune où tu le pousses, il te promet un tas de choses merveilleuses qu’il ne te donnera pas et qu’il n’est pas d’ailleurs, en son pouvoir de te donner. L’homme que tu élèves ne représente ni ta misère, ni tes aspirations, ni rien de toi ; il ne représente que ses propres passions et ses propres intérêts, lesquels sont contraires aux tiens. Pour te réconforter et ranimer des espérances qui seraient vite déçues, ne va pas t’imaginer que le spectacle navrant auquel tu assistes aujourd’hui est particulier à une époque ou à un régime, et que cela passera. Toutes les époques se valent, et aussi tous les régimes, c’est-à-dire qu’ils ne valent rien. Donc, rentre chez toi, bonhomme, et fais la grève du suffrage universel. Tu n’as rien à y perdre, je t’en réponds ; et cela pourra t’amuser quelque temps. Sur le seuil de ta porte, fermée aux quémandeurs d’aumônes politiques, tu regarderas défiler la bagarre, en fumant silencieusement ta pipe.

Et s’il existe, en un endroit ignoré, un honnête homme capable de te gouverner et de t’aimer, ne le regrette pas. Il serait trop jaloux de sa dignité pour se mêler à la lutte fangeuse des partis, trop fier pour tenir de toi un mandat que tu n’accordes jamais qu’à l’audace cynique, à l’insulte et au mensonge.

Je te l’ai dit, bonhomme, rentre chez toi et fais la grève.

Octave Mirbeau.

(1888)

 

vendredi, 03 mars 2023

John Coleman: les 300 et leur extermination des mangeurs inutiles

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John Coleman: les 300 et leur extermination des mangeurs inutiles

Nicolas Bonnal

Au début des années 1990, dans son ouvrage légendaire, John Coleman évoque le dépeuplement des peuples blancs occidentaux, la famine, la pénurie, la fin de l’eau, l’invasion migratoire, la disparition de l’électricité, les guerres d’attrition en Europe, la confiscation du logement, l’interdiction de déplacement ; mais aussi le contrôle de l’argent par la technologie et la liquidation en conséquent. Instrument génocidaire de la volonté satanique des oligarques européens et américains, l’UE va tout mettre en œuvre pour arriver à ses fins. Les complicités politiques et parlementaires, les politiciens achetés et une masse de crétins manipulables feraient le reste. La fin de la foi chrétienne, de l’éducation et de la culture et le grand abrutissement intellectuel de la « vieille race blanche » rendent ces visions cauchemardesques réalistes ; quelques extraits en français ici.

injc300dex.jpgColeman sur la liquidation des mangeurs inutiles :

« Au moins 4 milliards de "mangeurs inutiles" seront éliminés d'ici 2050 grâce à des guerres limitées, des épidémies organisées de maladies mortelles à action rapide et des famines. Énergie, nourriture et eau doivent être maintenues au niveau de subsistance pour les non-élites, en commençant par les populations blanches d'Europe occidentale et d'Amérique du Nord, puis s'étendant à d'autres. La population du Canada, de l'Europe occidentale et des États-Unis sera décimée plus rapidement que sur les autres continents, jusqu'à ce que la population mondiale atteigne le niveau gérable de 1 milliard, dont 500 millions seront constitués de Chinois et de Japonais, races sélectionnées parce que ce sont des gens enrégimentés depuis des siècles et qui sont habitués à obéir sans poser de questions à l'autorité ».

Pénuries d’eau (merci Macron), d’électricité, de nourriture (on a les insectes) ? Coleman :

« De temps en temps, il y aura des pénuries artificielles de nourriture et d'eau et de soins médicaux pour rappeler aux masses que leur existence même dépend du bon vouloir du Comité des 300. »

Confiscation des logements et prédation et raréfaction scientifique :

« …les logements limités et les industries de toute nature autorisées à rester seront sous la direction du Club de Rome, de l'OTAN, ainsi que tous les développements scientifiques et l'exploration spatiale, limité à l'élite sous le contrôle du Comité des 300. Les armes spatiales de toutes les anciennes nations seront détruites avec les armes nucléaires ».

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Centralisation et informatisation et disparition pour finir de la médecine :

« Tous les produits pharmaceutiques essentiels et non essentiels, médecins, dentistes et santé, les travailleurs sociaux seront enregistrés dans la banque de données informatique centrale et aucun médicament ou soins médicaux seront prescrits sans autorisation expresse des contrôleurs régionaux responsable de chaque ville, bourg et village. »

Submersion migratoire généralisée :

« Les États-Unis seront inondés de peuples de cultures étrangères qui finiront par submerger l'Amérique blanche, des gens qui n'ont aucune idée de ce que la Constitution des États-Unis représente et qui, par conséquent, ne fera rien pour la défendre, et dans l'esprit desquels les concepts de liberté et de justice est si faible qu'ils importent peu. LA NOURRITURE et le logement seront leurs principales préoccupations. »

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La question de l’argent : le virtualiser pour le confisquer.

« Aucune banque centrale, à l'exception de la Banque des règlements internationaux et de la Banque mondiale, ne sera autorisée à fonctionner. Les banques privées seront interdites. La rémunération du travail effectué sera soumise à une échelle prédéterminée et uniforme dans tout le gouvernement mondial unique. »

Les non-élites n’auront rien, ajoute Coleman qui savait tout depuis les années 70 du programme exécuté maintenant :

« Il n'y aura pas d'argent ou de monnaie entre les mains des non-élites. Toutes les transactions doivent être effectuées au moyen d'une carte de débit portant le numéro d'identification du titulaire. Toute personne qui, de quelque manière que ce soit, enfreint les règles et règlements du Comité des 300 verra l'utilisation de sa carte suspendue pour des durées variables selon la nature et la gravité de l'infraction… Ces personnes constateront, lorsqu'elles iront faire des achats, que leur carte est sur la liste noire et elles ne pourront pas obtenir de services de quelque nature que ce soit. Toute tentative d'échanger de "vieilles" pièces, c'est-à-dire à-dire les pièces d'argent des nations précédentes et aujourd'hui disparues, sera traitée comme un crime capital passible de la peine de mort. Toutes ces pièces doivent être remises dans un délai donné ainsi que les fusils, les pistolets, les explosifs et les automobiles. Seule l'élite et les hauts fonctionnaires du gouvernement mondial seront autorisés à voyager en privé, à disposer d'armes, de pièces de monnaie et d'automobiles ».

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La carte de crédit sera saisie :

« Si l'infraction est grave, la carte sera saisie au point de contrôle où elle sera présentée. Par la suite, cette personne ne pourra plus obtenir de nourriture, d'eau, d'abri et de services médicaux du travail et sera officiellement répertorié comme hors-la-loi. De grandes bandes de hors-la-loi seront ainsi créés et ils vivront dans les régions qui permettent le mieux leur subsistance, tout en étant susceptibles d'être traqués et abattus à vue. Les personnes aidant les hors-la-loi, de quelque manière que ce soit, seront également fusillées. Les hors-la-loi qui ne se rendent pas à la police ou à l'armée après une période de temps déclarée, verront un ancien membre de leur famille choisi au hasard pour purger des peines de prison à leur place ».

Guerres partout :

« Les différences ethniques et religieuses doivent être amplifiées et les conflits exacerbés et violents comme moyen de "régler" leurs différends doivent être encouragés et soutenus ».

Le gouvernement mondial (qui peut se mettre en place malgré ou grâce aux guerres) :

« Tous les services d'information et les médias imprimés seront sous le contrôle du One World Governement. Les mesures régulières de contrôle du lavage de cerveau doivent être présentées comme "divertissement" dans la manière dont elles ont été pratiquées et sont devenues un art aux États-Unis. Les jeunes retirés de "parents déloyaux" recevront une éducation spéciale conçue pour les brutaliser ».

Le reste du livre ici sur le site de la…CIA :

https://www.cia.gov/library/abbottabad-compound/4A/4A92FD...

https://xn--lerveildesmoutons-dtb.fr/nicolas-bonnal-pense...

https://www.youtube.com/watch?v=CzcGfNDkfIc&list=PLvv...

 

 

20:32 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : john coleman, futurologie, nicolas bonnal | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 25 février 2023

Bertrand de Jouvenel et le droit bestial aux siècles de la démocratie totalitaire

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Bertrand de Jouvenel et le droit bestial aux siècles de la démocratie totalitaire

Nicolas Bonnal

J’ai déjà cité Jouvenel et traité sa notion de la démocratie totalitaire. Mais en relisant son livre inépuisable Du Pouvoir j’y trouve, vers la page 510, cette notion étonnante de droit bestial. On a vu que le droit permet tout et justifie tout en démocratie totalitaire, comme les élections. Vous aurez la guerre et la tyrannie, avec la bénédiction du clergé et du prolétariat électoral. Le virus puis le vaccin puis la guerre – tout sera bon en démocratie pour justifier n’importe quelle horreur. Il me semble que le jeune avocat Gentillet a compris le problème.

impouvoirages.jpgJouvenel sur notre volubilité législatrice :

« Que tout doive toujours pouvoir être "remis en question, c'est probablement l'erreur capitale de notre époque. Aucune société, a dit Comte, ne peut subsister sans le respect unanime accordé à certaines notions fondamentales soustraites à la discussion. Et la vraie liberté ne peut consister que dans une soumission rationnelle à la seule prépondérance convenablement constatée des lois fondamentales de la nature, à l'abri de tout arbitraire commandement. »

Et de citer le toujours méconnu (et ici surprenant) Auguste Comte :

« La politique métaphysique a vainement tenté de consacrer ainsi son empire en décorant de ce nom de lois les décisions quelconques, si souvent irrationnelles et désordonnées, des assemblées souveraines, quelle que soit leur composition. Décisions d'ailleurs conçues, par une fiction fondamentale qui ne peut changer leur nature, comme une fidèle manifestation de la volonté populaire. »

Jouvenel complète cet élan sympathique de Comte :

« Comment ne pas voir qu'un délire législatif développé pendant deux ou trois générations, habituant l'opinion à considérer les règles et les notions fondamentales comme indéfiniment modifiables, crée la situation la plus avantageuse au despote! »

Puis il voit que la loi devient un monstre intellectuel ; avec le Grand Reset et l’interdiction de bouffer, de circuler ou de se loger, et l’obligation de se vacciner avec des produits suspects, nous sommes au cœur de ce problème (rappelons que Jouvenel écrit à la fin de la deuxième guerre mondiale – comme Hayek) :

« Le Droit mouvant est le jouet et l'instrument des passions. Qu'une vague porte au Pouvoir le despote, il peut déformer de la façon la plus fantastique ce qui déjà n'avait plus de forme certaine. Puisqu'il n'y a plus de vérités immuables, il peut imposer les siennes, monstres intellectuels comme ces êtres de cauchemar qui empruntent à tel être naturel sa tête, à tel autre ses membres. Établissant une sorte de « circuit alimentaire» il peut nourrir les citoyens d'idées que ceux-ci lui restituent sous forme de «volonté générale ». Cette volonté générale est l'engrais sur lequel poussent des lois de plus en plus divorcées non seulement de l'intelligence divine mais de l'intelligence humaine. Le Droit a perdu son âme, il est devenu bestial. »

Bestial ou robotique ?

Sources :

Bertrand de Jouvenel et la démocratie totalitaire- Nicolas Bonnal - Strategika

Www.liberaux.org_-_ebook_-_Bertrand_de_Jouvenel_-_Du_Pouvoir.pdf (catallaxia.org)